Suzanne Barry dite Suzie, journaliste américaine d’origine guinéenne, évolue entre Atlanta, New York et Houston. L’Afrique lui est chevillée au corps. Elle codécrypte et analyse la Planète Football de ces derniers mois.

Rappelons en passant ce qu’est la Planète Football :

– Près de la moitié de la population de la planète Terre (3,5 milliards de personnes) a suivi la Coupe du monde de 2018 en Russie. On pourrait dire que les fanatiques du football forment une religion dont le nombre de «membres» équivaudrait au nombre de Musulmans et de Chrétiens réunis (un peu plus de 4 milliards de personnes).

– La FIFA gouverne 211 fédérations dans le monde dont 56 en Afrique, plus de 301 000 Clubs. Les 265 millions de pratiquants comprennent plus de 38 millions de joueurs licenciés dont 113 000 professionnels,

– “la part de rêve” générée par le phénomène du football pro est certes un paramètre plus difficile à percevoir mais d’une importance capitale surtout au niveau des jeunes qui se forment et travaillent dur pour espérer décrocher un contrat avec les clubs étrangers pour y faire carrière. Par ce biais, au cours de leur traversée, ces jeunes verraient d’en haut la Méditerranée cette eau qui a déjà englouti nombre de leurs frères et sœurs et endeuillé tant de familles. Que les adultes et surtout les leaders politiques, comprennent qu’il n’y a rien de plus dramatique et horrible que de ne pouvoir rêver et aspirer à mieux.

Ci-après certains des événements qui ont marqué la Planète Foot et qui ont retenu l’attention du public :

POGBAGATE : La vie n’est pas un « long fleuve tranquille ». Nombreux sont ceux parmi nous qui hélas l’ont vérifié à leurs dépens ; du reste pour certains le fleuve n’est même pas long. Comme on dit la vie d’un homme est faite de hauts et de bas ; « sometimes, I am up, sometimes I am down » a-t-on coutume d’entendre. Notre « national-international » Paul Pogba la Pioche (PPP) n’y échappe pas. En effet, il a été malgré lui projeté sous les feux de l’actualité et des réseaux sociaux pour une sombre et regrettable affaire d’escroquerie dont le particulier et le saugrenu tient de l’implication de son frère Mathias Pogba (MP).  Nous avons tous été marqués par le show de notre Pogba « National-International » à la réception des Bleus à l’Élysée après leur sacre au Mondial 2018. Il s’était distingué en scandant et en haranguant ses coéquipiers avec un slogan repris du célèbre morceau de Magic System : « On a tout gâté, oh !» Prémonition ? En tout cas, dans la fratrie Pogba « tout commence à se gâter dhè ».

 Dans une famille, il arrive souvent qu’entre frères et sœurs on se dispute, qu’on se batte, mais sans en arriver au drame. On se réconcilie presque aussitôt. Suzie se souvient du T-shirt préféré de son petit frère, floqué « J’ai une sœur à vendre ». Hélas pour la fratrie Pogba, c’est allé trop loin, et rien ne dit que cela a atteint ou non le point de non-retour. A ses fans et observateurs, la famille Pogba paraissait une famille harmonieuse, soudé et solidaire. Avant les frères Pogba, nous avons vu des paires frères footballeurs qui ont fait carrière en harmonie. C’est le cas par exemple de Yaya et Kolo Touré, les frères Ayu de Abédi Pelé, Jérôme et Kevin-Prince Boateng, Eden et Thorgan Hazard, Jack Charlton et Bobby Charleton.  Malheureusement, tel n’est plus le cas pour les frères Paul et Mathias Pogba ; le 29 août 2022, l’illusion a été brisée et une autre image peu louable a été portée sur la place publique : Mathias Pogba accuser son frère cadet, Paul Pogba, de maraboutage contre Killian Mbappé son coéquipier chez les Bleus.  Paul Pogba, 29 ans, a affirmé que son frère Mathias, 32 ans, faisait partie d’un “gang” impliquant d’autres amis d’enfance qui l’ont menacé, harcelé et séquestré et qui ont tenté de lui extorquer 13 Millions d’euros.  Ces sales escrocs ne se rendent-ils pas compte, que Pogba doit « travailler » près de 8 mois pour réunir ces 13 millions d’euros ? Lui le 43ème au classement des sportifs par les gains !  Que ces sales escrocs ne se hasardent surtout pas à demander une telle rançon à notre ingénieur agronome spécialiste de la culture Bio ou à notre ingénieur en énergies renouvelables ou même à un prof titulaire de chaire à la Sorbonne ou à la London School of Economics, il leur faudrait 90 années de travail pour réunir cette somme ! Allez comprendre la logique de ce qui précède, c’est en tout cas la réalité. Nous n’allons pas trop nous étendre sur ce débat qui divise les pour et les contre (qui pensent que les gains des footballeurs sont insensés, disproportionnés et pourrissent les sportifs et le sport).  Après tout, ce sont les amateurs de sports, les spectateurs et téléspectateurs, les supporteurs, les fanatiques, les cinglés, n’ayons pas peur du mot, les fous qui paient. Saviez-vous que le budget annuel d’un supporteur inconditionnel de Chelsea, de ManU, ManCity ou d’Arsenal pour s’acquitter de ses « obligations footballistiques » est en moyenne de 1100 euros. Sur un autre chapitre, même si nous devons respecter la vie privée de nos stars, s’agissant du choix de leurs partenaires ou épouses, nous sommes quand même surpris de voir comme par hasard que ceux qui ont une compagne noire se comptent avec les doigts de la main. Bien sûr, nous n’avons ni ne pouvons rien contre le métissage et le brassage, il arrivera certaine année 9999 où toute l’Humanité sera métisse. Mais la question se pose de l’assimilation coloniale et du complexe du maitre. Si nos stars nous demandaient de quoi l’on se mêle, “de ce qui nous regarde” répondrions-nous quoi ?

Dans les années 1990, la Guinée a connu un autre malfrat appelé Mathias de ce gang qui a endeuillé de nombreuses familles. Ce Mathias-là s’était révélé être un tueur à la gâchette facile avec un culot et un sang-froid inégalables. Les autorités d’alors avaient eu la bonne idée de filmer le procès et l’émission/feuilleton avait battu tous les records d’audiences et d’écoute. Le juge feu Doura Chérif avait mené les débats avec brio. 

Nous ne serons pas complets dans l’analyse de cette affaire Pogba si nous ne nous attardons pas sur le phénomène du “maraboutage” qui a été évoqué et qui est en fait omniprésent dans nos sociétés. Que Paul Pogba ou un autre sportif y recoure pour améliorer ses performances n’a rien de condamnable. Cependant, qu’il y fasse recours pour faire du mal à Mbappé ou à un autre est condamnable. Loin de nous l’idée qu’il ait pu le faire. Dans d’autres sociétés ou contrées du monde, on appellerait le marabout, le psy(chologue), le voyant, le coach, etc. Chers lecteurs, si voir le marabout vous tranquillise, vous motive, vous redonne espoir, allez-y ! Consommez-en avec modération, et n’hésitez pas de marchander les honoraires du marabout. D’ailleurs, vous ne serez pas seuls. Vous savez sans doute que pour les élections présidentielles, aux 4 coins du monde, on y a recours, et un budget marabout est prévu.

 CAN2025 Guinée, oust ! Le 30 septembre 2022, le patron de la CAF, Patrice Motsepe dans un style enfreint de courtoisie et de diplomatie a rendu officiel le retrait de l’organisation de la CAN25 par la Guinée. Il mettait ainsi fin au doux rêve de tout un pays à commencer par son Président le Colonel Mamadi Doumbouya qui aurait pu probablement être dans la tribune présidentielle du stade “Ahmed Sékou Touré” en compagnie de son homologue du Mali venu spécialement encourager les Aigles face au Syli national en finale de cette CAN25. Et dire que la CEDEAO a quant à elle validé le séjour du Colonel à Sékhoutouréya jusqu’en 2025. Dommage pour le patron du CNRD que la CAF et la CEDEAO n’aient pas accordé leurs violons pour lui gratifier ce package “CAN25 & 3 ans de durée de la transition”.

Fini les émotions, déception et pleurs ! Place à la froide analyse de la situation qui a conduit à cette humiliation.

Au-delà du spectacle et de la fête ratée, c’est pour la Guinée et les Guinéens une occasion ratée de se doter d’infrastructures et de structures qui leur auraient été utiles dans leur quotidien : routes, aéroports, hôtels, restaurants, stades, lieux de loisirs, emplois directs et indirects, etc.  Ce retrait de l’organisation de la CAN est l’illustration parfaite du fait que la Guinée est un pays “vulnérable” qui si l’on ne corrige pas la trajectoire,  va rejoindre les “failed States” que sont le Yémen, la Somalie, le Sud Soudan, la Syrie, la RCA, le Tchad, l’Afghanistan, l’Irak et autres, si ce n’est pas déjà le cas.  

Pourtant il y a de nombreux pays comparables à la Guinée qui ont réussi à organiser la CAN : Cameroun (2012 et 2021), Sénégal (1992), Côte d’Ivoire (1984, est prête 100% pour 2023), Mali (2002), Burkina Faso (1998), Gabon (2012, 2017), Guinée Equatoriale (2012, 2015), Ghana (1963, 1978, 2000). La seule et unique explication de cet échec est la mal gouvernance et son corollaire la corruption généralisée, le manque de patriotisme et de volonté politique des différents régimes qui se sont succédé durant les 64 dernières années. Vous rendez-vous compte, qu’en dehors de l’Aéroport international de Gbéssia de Conakry, il n’y a pas un seul aéroport fonctionnel en Guinée ; idem pour les structures hôtelières.  Pour la petite histoire-et c’est le comble-le Pro-faussaire Alpha Condé et son système, en 2 mandats ont été incapables de réaliser les parkings et petites finitions pour rendre opérationnel le Stade Petit Sory de Nongo construit et offert par la Chine. 

Ahmed Sékou Touré aimait répéter  “ Contrairement à la Côte d’Ivoire et au Sénégal, la Guinée n’a pas commencé par le sac de sucre “hérité” de la colonisation mais plutôt par le sac de piment !”.

Il prédisait ainsi que ces 2 pays voisins allaient finir par le sac de piment pendant que la Guinée allait savourer le sucre. Sa prophétie est visiblement fausse, car ces 2 pays là au moins ont été capables d’organiser une CAN et ont une partie des infrastructures de base dont rêvent encore les Guinéens. Nous savons et reconnaissons qu’il y a encore beaucoup à faire dans ces 2 pays pour réduire les inégalités sociales et pour le confort des citoyens mais en Guinée Tout reste encore à faire !

Mondial22 au Qatar ! La 22ème édition de la Coupe du Monde de Football qui va se tenir au Qatar entre le 20 novembre et le 18 décembre prochains aura été une des plus controversées, ceci avant même son déroulement. Tout d’abord ces controverses étaient autour l’attribution de l’organisation ; de nombreux médias et institutions ont dénoncé l’opacité du processus et la corruption qui a influencé les votes. Ensuite de toute évidence, le Qatar est loin d’être un modèle de respect des droits humains. Amnesty International et Human Rights Watch, entre autres Organisations, y ont mené des enquêtes qui ont permis de dénoncer les pratiques barbares et inadmissibles qui se pratiquent au  quotidien. Les travailleurs domestiques originaires d’Asie et d’Afrique sont traités comme des esclaves ou des animaux (les propos ne sont pas exagérés) par leurs « patrons Qataris » : gifles, fouet, insultes, harassement sexuel, viols et crachats. La construction des Infrastructures destinés à cette Coupe du monde a nécessité l’emploi d’au moins 2 millions de travailleurs immigrés parmi lesquels, il y a eu des milliers de morts sur les chantiers ou suite à la maltraitance subie : des salaires de misère irrégulièrement payés, des horaires excessifs, des logements insalubres, etc. Notons que des efforts ont été faits par les Autorités du Qatar pour sortir de cette période moyenâgeuse mais peut mieux faire. As a result, le pays s’est doté de superbes stades qui rivalisent tous par leur originalité et modernité, des hôtels ultra chics, mais à quel prix !

Par Suzanne Barry & Thierno Barry