Ce 29 mars, l’ancien ministre des Télécommunications, des Transports et de l’Environnement, Oyé-Oyé Guilavogui, a comparu par devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Il est poursuivi pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux.
En taule depuis avril 2022, l’ancien ministre a intégré l’Administration publique en 1982 et a été, 11 ans durant, ministre d’Alpha Grimpeur. Oyé-Oyé Guilavogui est propriétaire de beaucoup de biens : parcelles, maisons, plantations, voitures, comptes bancaires.
A la tête du ministère des Postes et Télécommunications en 2014, Oyé-Oyé Guilavogui s’est engagé à relancer la Société de téléphonie de Guinée (Sotelgui). Cinquante millions de dollars auraient été déboursés pour les travaux, mais les sous auraient été détournés par l’ancien ministre. A la barre, l’accusé déclare que ce fond ne figurait point dans le budget du département, et qu’il n’en aurait rien détourné. Il invite le ministère public de brandir la preuve qu’il a détourné le fond. Selon lui, l’argent a servi à l’achat des équipements de la Sotel-guigne et que même le lancement de l’opérateur téléphonique public s’est révélé «concluant, il ne restait que l’exploitation ». Mais, poursuit Oyé-Oyé, la gestion de la société l’aurait opposée au Prési Alpha Grimpeur. Celui-ci tenait à confier la gestion de la boîte à une entité publique, or Oyé-Oyé Guilavogui voulait un exploitant privé, car «la Sotelgui est une vache laitière » par le passé. L’échec de la relance de la société est dû « à des problèmes de gouvernance ». Il déclare qu’il n’a pas été associé à la gestion du fonds. «Avant mon départ du ministère, le fonds était complétement dépensé. On avait procédé au test des équipements. Donc, le projet était presque terminé. C’est Huawei qui avait bénéficié du contrat. Sachez que je n’ai pas détourné l’argent, on ne peut pas détourner le fonds d’un bailleur », affirme Oyé Guilavogui.
Du câble sous-marin
Pour doter le bled des infrastructures du réseau internet, Oyé-Oyé Guilavogui assure avoir effectué une dizaine de voyages à l’étranger, démarché les investisseurs et les partenaires. Pourtant, le ministère public l’accuse d’une gestion opaque de 328 millions de dollars. « Le câble sous-marin a contourné la Guinée trois fois, sans que le pays en bénéficie. J’ai révolutionné internet en Guinée. J’ai fait déployer le câble sous-marin en Guinée, ainsi que la fibre optique à Conakry et à l’intérieur du pays», se défend l’ancien ministre. Toutefois, il reconnaît avoir attribué un marché à sa société de gardiennage, dans le cadre de l’installation de la fibre optique par la Guinéenne de large bande (Guilab) : « Je n’avais pas besoin de faire un appel d’offre de cinq gardiens pour surveiller les installations de la Guilab. C’est une maison, c’est un bureau », explique-il, avant de préciser qu’il cogère la société avec un ami.
Quelques biens
Le juge Alsény Mabinty Camara demande si l’ancien ministre Oyé-Oyé Guilavogui avait déclaré ses biens à sa prise de fonction en 2011. L’accusé répond par l’affirmative et déclare que la majeure partie de ses biens auraient été acquis bien avant qu’il ne soit ministre. Moustapha Mariama Diallo du ministère public déclare qu’Oyé-Oyé Guilavogui dispose d’un duplex à Sangoyah, un autre à Kipé. Selon lui, il serait proprio d’une parcelle à Sangoyah, d’une valeur de plus d’un milliards de francs guinéens. Il en aurait à Kipé, à Kaporo, aussi des maisons à Kindia et des plantations à Macenta. L’accusé reconnaît avoir construit au moins une dizaine de mosquée à Kindia avant 2010, mais explique que le terrain de Kipé est l’un de ses acquis durant ses onze ans de ministre d’Alpha Grimpeur. «J’ai construit ma maison à Sangoyah en 1996 », soutient-t-il. « Je me demande par quel miracle vous avez identifiez mes domaines », lance-t-il, au ministère public.
« Aucune pièce comptable brandie »
Le ministère public indique que le salaire de dix millions en 2011 (ministre) et d’onze millions en 2013 (ministère d’Etat) ne permet pas Oyé-Oyé Guilavogui d’acquérir les biens susnommés. «Je suis un homme d’affaires. Je le faisais en parallèle avec mes fonctions » de ministre. «Quels sont les biens que vous avez acquis durant le régime d’Alpha Condé ? », interroge la partie civile. Oyé-Oyé déclare qu’ils sont rares. Il cite notamment un domaine à Kipé qu’il aurait acheté à la suite de la revente d’un autre au quartier Aéroport.
La défense estime qu’aucun rapport d’audit où de contrôle financier n’a épinglé son client durant onze ans dans le gouvernement. Elle indique «qu’aucun montant de détournement n’a été exposé, aucune pièce comptable n’a été présentée ».
L’affaire a été renvoyée au 5 avril, pour la production des pièces et la demande de mise en liberté introduite par la défense.
Yaya Doumbouya