Ce 19 avril, Oyé-Oyé Guilavogui, ancien ministre de l’Environnement, des Eaux et Forêts, sous Alpha Grimpeur, a comparu de nouveau devant la Chambre du jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Il est accusé de détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment des capitaux.

Le parquet spécial de la Crief croit que l’ancien ministre aurait amassé des milliards de francs glissants du contribuable pour des fins personnelles, durant ses onze ans de ministre grimpant. Ce qui lui a d’ailleurs valu le mandat de dépôt depuis avril 2022 à l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie, avec plusieurs de ses collègues du gouvernement déchu, y compris l’ancien Premier ministre, Ibrahima Cas-Sorry Fofana, poursuivi pour des faits similaires.

En statut de témoin, Mamadi Condé alias Thalès, responsable en 2012 de l’Administration et de contrôle des grands projets (ACGP), a rappelé que le projet de la relance de la Sotelgui, conclu en 2011, a été financé par un prêt en équipement de China Eximbank, à hauteur de 50 millions de dollars ricain. Oyé-Oyé Guilavogui était le ministre des Télécom. Thalès assure que l’ACGP n’a poing été associée à la gestion du projet de la relance de la Sotelgui. Selon lui, le décaissement a été fait en faveur de l’entreprise Huawei, maître d’œuvre du projet. «L’argent ne transite pas dans les caisses de l’Etat. Il a été directement versé dans les comptes de l’entreprise Huawei qui exécute les travaux. L’ACGP ne gère pas les finances des projets, il contrôle la régularité de la documentation. C’est le ministère des Finances qui en assure le contrôle.» Thalès précise que le projet de la relance de la Sotelgui n’est pas un projet classique, aussi bien dans son financement que dans son exécution. Pour les travaux, renchérit-il, la Sotelgui a conclu un contrat avec l’équipementier Huawei et d’insister que l’ACGP n’aurait point été associée, même pour le suivi de l’exécution des travaux.

Fonds décaissé en partie

«En 2014, le ministère des Télécoms a saisi l’ACGP pour validation des payements d’un lot de dossiers comportant beaucoup de pièces (factures, bons…) Comme c’est la première fois, j’ai adressé une demande d’informations au ministère des Télécoms afin d’obtenir davantage d’éléments me permettant d’apprécier. Mais, je ne me rappelle pas de la suite », ajoute Thalès. Et d’ajouter qu’il y avait bel et bien des documents attestant la livraison et l’installation des équipements au bénéfice de la Sotelgui. «Je les ai vus. C’est une confirmation que les équipements avaient été livrés et installés ».

Toutefois, soutient-il, lors d’une revue des projets financés par China Eximbank, «il a été établi, contrairement à ce que l’on pense, que la totalité de 50 millions de dollars n’ont pas été décaissée. Il en restait en 2018, douze millions de dollars. Sauf erreur de ma part, je pense que cette somme n’a pas encore été décaissée.»

Le pro-crieur, Moustapha Mariama Diallo, demande si l’ACGP a géré les 50 millions de dollars ricains. Thalès rétorque que son entité n’était pas partie prenante dans l’exécution du projet. Il jure, la main sur le palpitant, n’avoir point géré le fonds et d’indiquer que l’ACGP n’est pas un organe de gestion, mais de contrôle. La défense précise que l’ACGP relève de la Présidence et que leur client Oyé-Oyé Guilavogui n’a jamais été associé à la gestion du fonds.

«Le ministre m’a rassuré de… »

A l’étranger pour des raisons de santé, Kerfalla Yansané, ministre des Finances de 2011 à 2013, a témoigné dans une lettre adressée au juge Alsény Mabinty Camara. Il déclare que lorsque la Chine accorde un prêt pour un projet, elle choisit en même temps une société pour l’exécution. Et que celle-ci sera payée par des banques chinoises. «Ce n’est pas la procédure classique qui voudrait qu’un appel d’offre soit lancé pour recruter un exécutant ». Kerfalla Yansané doutait de la qualité des équipements et souhaitait leur évaluation de qualité, mais le ministre des Télécoms, Oyé-Oyé Guilavogui, lui aurait « rassuré des compétences » que regorgerait son ministère, pour vérifier la qualité des équipements de Huawei. «L’exécution du projet par Huawei devait être contrôlée par le ministère des Télécoms».

Le ministère public relèverait « des contradictions » dans le témoignage du ministre Kerfalla Yansané et demande sa comparution physique, une fois rétabli. Mais le tribunal a passé outre la demande. Quant à la partie civile, elle sollicite la comparution d’un technicien du ministère des Finances pour plus de détails. La défense fulmine et introduit une mise en liberté d’Oyé-Oyé Guilavogui. Finalement, le tribunal a passé outre la demande de comparution de Kerfalla Yansané.

Témoignera ou témoignera pas ?

Le représentant de la société Huawei en Guinée a, via son avocat, demandé au tribunal de reporter sa comparution en tant que témoin dans l’affaire de la gestion de 50 millions de dollars ricains. Mais, Me Saliflou-flou Béavogui et ses collègues de la défense demandent au tribunal de décerner un mandat d’amener au représentant de la société Huawei en Guinée, afin de le faire comparaître. «La société est en amont et en aval de la gestion du fonds », charge Saliflou-flou Béavogui.

Le procès a été renvoyé au 26 avril 2023, pour statuer sur la demande de mise en liberté d’Oyé-Oyé Guilavogui, ainsi que la comparution du représentant de Huawei et la production des pièces par l’accusé. 

Yaya Doumbouya