Le 4 juin, la Guinée-Bissau a organisé ses élections législatives. Quatre jours seulement après le scrutin, les résul-tares ont été publiés par la commission électorale. L’opposition a remporté la majorité absolue. Imposant de facto une cohabitation au prési Umaro Sissoco Embalo.
La coalition Pai-Terra Ranka du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), fondé par le leader historique Amilcar Cabral et qui a longtemps dominé la politique du pays, obtient 54 sièges. Il devance ainsi le Madem G15, famille politique du président, qui récolte 29 sièges. Le Parti du renouveau social (PRS) qui s’en sort avec 12 députés, celui des travailleurs avec 6 députés et l’Assemblée du peuple uni qui remporte 1 siège, complètent la nouvelle Assemblée nationale.
Ce résultat est un désaveu pour le bouillant président Embalo, au pouvoir depuis 2019. Embalo avait dissous l’Assemblée nationale en mai 2022 en raison de ce qu’il avait qualifié de « divergences persistantes ne pouvant être résolues » avec le Parlement. Cette assemblée était déjà dominée par le PAIGC. Le Parlement était devenu, selon le chef de l’Etat, « un espace de guérilla politique et de complot ».
Cet échec du chef de l’Etat bissau-guinéen est justifié par de nombreux Bissau-guinéens comme la preuve des dissensions au sein de son parti Madem G15. Mais l’incapacité du président à résoudre le problème de la chute du prix de la noix de cajou est aussi évoquée dans les milieux politiques de ce pays voisin.
Umaro Sissoco Embalo devrait nommer prochainement un Premier ministre de la coalition victorieuse. Aussitôt les résultats proclamés, les militants du PAIGC ont pris d’assaut le siège de leur parti. « Nous venons de réaliser une victoire historique. La seule chose que nous demandons cette fois-ci est qu’on nous laisse gouverner le pays », a déclaré le porte-parole de la coalition, Muniro Conté.
Dans ce pays où les résultats des élections sont régulièrement contestés, les quelque 200 observateurs internationaux ont annoncé n’avoir relevé aucun incident majeur et affirmé que le scrutin a été « libre, transparent et apaisé ». La Guinée-Bissau souffre d’une instabilité politique chronique et a été victime depuis son indépendance du Portugal en 1974 d’une kyrielle de coups d’État ou de tentatives de coup d’État, la dernière en février 2022.
Ce scrutin législatif, sans incident, s’est déroulé au moment où le Sénégal voisin est confronté à une crise politique sans précédent. Avec l’incertitude sur les réelles intentions du président Macky Sall sur le troisième mandat. Contrairement à la Guinée-Bissau, le Sénégal est le seul pays, sur les 15 que compte la CEDEAO, à n’avoir jamais enregistré un coup d’État militaire en soixante-trois ans d’indépendance. Le modèle sénéga-laid pourrait toutefois s’effondrer avec cette histoire de troisième mandat. Les événements en Guinée-Bissau pourraient-ils convaincre le chef de l’Etat sénéga-laid qu’il ne peut pas tirer son pays vers le bas au moment où son voisin du Sud tire le sien vers le haut ?
Inutile de dire que ces événements à Dakar et désormais à Bissau sont suivis avec intérêt dans la sous-région. En reconnaissant sa défaite, Embalo peut se targuer désormais d’être le chantre de la démocratie dans la sous-région. Ce qui pourrait dissuader son homologue Macky à prendre le chemin inverse. Tout comme les trois juntes militaires de la sous-région qui, elles aussi, observent cette situation de très près.
Habib Yembering Diallo