La semaine dernière, Poutine, le Tsar des temps modernes, qui broie l’Ukrainien comme Pierre le Grand broyait du Russe, a convoqué ceux qui gouvernent l’Afrique à Saint-Pétersbourg (Leningrad sous la révolution) pour le sempiternel woba woba sur le développement. Seules les anciennes puissances coloniales ont été longtemps coutumières de ce genre de cénacles. Ainsi, la France a régulièrement regroupé autour d’elle ses anciennes colonies lors des sommeils des chefs d’Etat de France et d’Afrique. Il en est de même à l’échelle du Commonwealth, pour le Royaume-Uni.
Jaloux de cette idylle entre le continent d’ébène et ses anciens dominateurs, les autres Etats costauds du monde n’ont plus voulu être en reste et ont formé autour d’eux leur coterie. Alors, les sommeils ont, entre l’Afrique et les autres, fleuri sur terre. Dorénavant, on assiste à l’organisation de moult sommeils : sommeil Chine-Afrique, sommeil Etats-Unis-Afrique, sommeil Russie-Afrique. Organiser de nos jour un sommet avec l’Afrique est perçu comme un indicateur de puissance politico-économique pour les autres et un miroir aux alouettes pour l’Afrique, un marché de dupes pour les dirigeants africains qui s’y pavanent.
Ces rencontres montrent la tangible inégalité des rapports de force qui caractérisent le monde contemporain. Autour d’un seul Etat, d’un pays et d’un continent étrangers, grouille et grenouille une pléthore de Présidents africains montrant chacun les muscles pour tirer à soi la couverture, pour se remplir les poches ou glaner quelques espèces trébuchantes et sonnantes destinées aux pauvres hères de sa contrée. Nulle part, on n’observe des chefs d’Etat asiatiques, européens ou américains agglutinés autour d’un seul Prési d’un pays sur un continent autre que les leurs. Seigneur, sauve-nous ! Pourquoi cela ? C’est à l’occasion de pareilles farces que l’hôte, dans son infinie générosité et à tours de bras, gratifie les bons amis bénis oui-oui, admonesté les réfractaires. Mais les hôtes (français, russe, chinois, américain, etc.) ont tous cette tendance fâcheuse. Ils sont tous condescents à l’endroit de leurs invités. Ce qui étonne, surprend, c’est que ces chefs et leur populo, notamment qui revendique l’épithète d’intellectuelle, se gargarisent de mots vides de sens tels que dignité, patriotisme, panafricanisme, liberté ! Excusez du peu. Bien sûr, l’adage nous apprend, en Afrique, dans nos cases en torchis et en chaume, que la main qui reçoit est toujours au-dessous de celle qui donne. Quelle leçon de morale ! Comme depuis les indépendances, l’Afrique peine à s’échapper de l’ornière du sous-développement, voire de la précarité alimentaire, elle ne peut pas véritablement entrer dans une relation de partenariat gagnant-gagnant avec les autres. Elle est toujours en posture de cocu, grugé.
Le petit malin de Poutine venu tout droit du KGB a si bien senti le pot au rose qu’à Saint-Pétersbourg, il promet de la bouffe à ceux qui sont incapables d’en produire suffisamment pour eux-mêmes, dans des Etats où la bonne terre est abondante et le dividende démographique, un atout indéniable. Il s’agit là d’un paradoxe dont l’Afrique souffre, mais dont les Africains sont néanmoins coutumiers. Si ces mamaya ne rapportent pas grands choses à l’Afrique, elles palissent très certainement son image, ternissent son aura. Si jamais elle en a !
Abraham Kayoko Doré