L’Inspection générale d’Etat a animé une conférence de stress mercredi 5 juillet, au siège du Porte-parolat du gouvernement, sis à la Cité des Nations à Kaloum. Cette sortie a porté sur son rapport de 14 juin dernier sur l’état de la gouvernance et la reddition des comptes. Doc transmis au Prési de la transition, Mamadi Doum-bouillant (évidemment) et à la presse qui en avait fait ses choux gras.
L’objectif de la conférence de presse du Vérificateur général, Joseph Togna Doré, est de parler de son institution et d’apporter des précisions sur son dernier rapport.
Le rapport de l’IGE, c’est le rapport des rapports. En clair, il est issu des rapports de mission d’audit et de vérification effectuées par des missions de l’Inspection générale d’Etat tout comme de l’Inspection générale des finances. Les rapports de mission sont confidentiels et ne sont transmis qu’au chef de l’Etat et aux entités contrôlées qui en reçoivent copies. Le rapport sur l’état de la gouvernance (rapport synthèse) est remis « au plus tard le 31 mars de chaque année » au Prési de la République et aux citoyens via les médias, selon le décret D/2021/0059/PRG/CNRD/SGG du 2 novembre 2021. Par deux fois successives, il a été produit sous le CNRD. Une première en Guinée depuis la mise en place de l’IGE en novembre 1995, qui « était une coquille vide », selon Jo le tout Doré de l’IGE qui s’en félicite et loue la volonté du Prési CNRD : « Ce rapport, deuxième du genre, est une preuve éloquente de la volonté des autorités du CNRD de rendre transparente la lutte contre la mauvaise gouvernance, les détournements de deniers publics et la déperdition des ressources. Il exprime aussi le souci ardent du Président de la Transition de voir les citoyens participer au débat de la gestion publique au nom du principe de redevabilité. »
Le doc a fait état du non-respect des textes législatifs et réglementaires dans le fonctionnement et l’organisation des organismes publics ; la défaillance et/ou l’inexistence des systèmes fiables de contrôle interne dans les structures contrôlées ; le dysfonctionnement dans la gestion du personnel de l’Etat entraînant des rémunérations indues ; le non acquittement par certains organismes contrôlés de leurs obligations fiscales et sociales, la non justification de certaines dépenses exécutées. Excusez du peu ! Pour d’aucuns, ces constats sont le fait de la gestion du CNRD.
Mais le Vérificateur général botte en touche : « Ceux qui ont réagi n’ont pas fait l’effort de lire le rapport. S’ils avaient pris du temps, pour aller à l’intérieur du rapport et de le lire », ils auraient constaté que le rapport a porté sur des constations et recommandations relatives à la gouvernance administrative et financière des structures contrôlées et sur les impacts qui témoignent de la pertinence de la prise en compte des recommandations faites. Il a lorgné sur des exercices budgétaires antérieurs clos: 2021, 2020, 2019, …
Pour 2022, il devait scruter 1 200 contrats au départ, mais ce sont finalement « 3 000 contrats signés en 2022 » qui sont en train d’être passés au peigne fin par la poignée de 27 inspecteurs de l’IGE. Il a la « fierté de vous dire que cette mission est presque finie, le chef de l’État a commencé à recevoir les rapports. Et, le moment venu », les médias auront le « prochain rapport sur l’état de la gouvernance ». Aussi, sa boîte auditera « tous les contrats signés en 2023 » et « progressivement, nous allons nettoyer le passé et rattraper aussi l’existant dans le travail que nous faisons au quotidien. » Qui vieillira verra !
De l’indépendance
Pour le récent rapport, selon Jo Doré et Moussa, le Moïse Sylla de la Direction de la Communication et de l’Information de la présidence (DCI), l’IGE a travaillé en toute indépendance et a plutôt bénéficié du soutien du Doum-bouillant. Son personnel serait bien rémunéré, laisse-t-il entendre. S’y ajoutent, souligne le Vérificateur général, les dispositions du décret D/2018/246/PRG/SGG portant attributions, organisation et fonctionnement de l’IGE, réformée. Il martèle que le Prési de la Transition serait « ouvert » aux audit et évaluation des contrats signés sous son règne. Jo Doré et collabos seraient en train « de travailler librement… Le chef de l‘État n’a fait aucune immixtion dans les travaux que l’IGE est en train de faire. » Le Vérificateur général rassure : « Personne ne me fera dévier ». Il en serait de même pour ses 27 collabos. Lorsque ce sera le cas, il n’hésitera pas à démissionner, a-t-il laissé entendre.
De l’Office guinéen de publicité, OGP ?
Pourquoi l’OGP ne figure pas dans le rapport ? Jo le tout Doré de l’IGE répond : « L’OGP a fait l’objet d’une mission d’audit. Les conclusions ont été tirées et envoyées à l’autorité. » Seul le Prési pourra les publier. « Nos rapports sont destinés au Chef de l’Etat, nous avons l’obligation de protéger les informations sensibles auxquelles nous avons accès (…). Mais je puis vous garantir que l’OGP a été audité ». Et toc !
Du cas des faux diplômes ?
Jo Togna Doré a déploré « beaucoup de supputations », au sujet de « faux diplômes ». Il y a eu « un travail de fond effectué par l’IGE. Un rapport a été fait et adressé au ministre de la Fonction publique. Dans ce rapport-là, il y a la liste de toutes les personnes concernées : les années de recrutement, il n’a rien à voir avec les cadres actuels. Les gens veulent savoir coûte que coûte qu’est-ce qui s’est passé sous le CNRD. Est-ce que ce ne sont pas de faux diplômes que nous avons utilisés nous-mêmes pour être recrutés ? C’est un vieux rapport (…) Certains de ses auteurs sont dans la même salle. Moi, j’ai trouvé ce rapport. On a fait que renforcer l’équipe. » Il jure, la main sur le palpitant, que les faux diplômes ne « concernent pas les cadres qui viennent d’être recrutés ».
Ce qui ne semble pas rassurer certains qui auraient hérité de la « mauvaise gestion du passé ». Ils ne ferment pas l’œil de la nuit depuis la publication du rapport, susurrent les aigris.
Mamadou Siré Diallo