Le couteau de la CEDEAO sur la gorge des putschistes nigériens sera levé mais après et seulement que la junte se sera engagée à quitter le palais pour la caserne. La bande à Tchiani ne lâche pas du lest, l’organisation sous-régionale. Celle-ci a réuni les chefs d’état-major du club des pays démocratiques, menace d’une intervention militaire. Mais la junte ne se laisse pas impressionner. Elle reste droit dans ses bottes.
Ce bras de fer ressemble au duel sans merci entre qui a vaincu et qui n’a jamais été vaincu. Et les deux s’affrontent sur un terrain où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu. Critiquée voire dénoncée comme un club des chefs d’Etat pour notamment son silence sur le tripatouillage de nos constitutions, la CEDEAO sait qu’elle engage sa crédibilité. Elle passe ou s’efface. D’ailleurs, le communiqué de la Guinée, qui apporte son soutien à la junte nigérienne, parle de dislocation de l’organisation.
Pour la junte nigérienne, c’est une question de vie ou de mort. Aussi et surtout, ça l’est pour la démocratie dans l’espace CEDEAO. Du classique : j’essaie le doigt ; s’il passe, j’essaie le bras ; il casse, je le retire. Pour s’en tenir aux condamnations de principe, la CEDEAO et la communauté internationale, en quelque sorte, cautionnent les coups d’Etat.
Excipant de l’Etat souverain à la suite du coup d’Etat d’Assimi Goïta contre le président Ibrahima Boubacar Keïta, démocratiquement élu, la CEDEAO a encouragé d’autres militaires. Si la CEDEAO avait agi au Mali comme elle l’avait fait en Gambie en poussant Yahya Jammeh à se rétracter après sa défaite électorale, on peut parier qu’il n’y aurait pas eu le coup de force du 5 septembre 2021 à Conakry. Si Mamadi Doumbouya avait senti son pouvoir comme une patate chaude entre ses mains, les militaires burkinabés n’auraient pas osé évincer leur président, démocratiquement élu.
Dès lors, la CEDEAO est aujourd’hui le seul médecin capable de sauver la jeune démocratie malade de ses militaires. Le Niger doit fait jurisprudence. Il doit servir de leçon à tous les putschistes et candidats putschs. La force d’intervention, son baptême de feu sera déterminant. Paradoxe : des civils demandent à des militaires de combattre d’autres militaires. Mais c’est l’exigence de la démocratie.
Les yeux sont désormais rivés vers Abuja pour savoir qui, de la CEDEAO ou de la junte nigérienne, va prendre le dessus. Malgré le discours va-t’en guerre à Niamey, les putschistes font comme le serpent pourchassé par des enfants et qui menace de les mordre. C’est un baroud d’honneur. Les militaires ont la peur au ventre. Il suffit que la CEDEAO encercle Niamey pour qu’ils capitulent. Car Thiani n’est pas Bassar El Assad. La Russie ne peut pas le sauver. Encore moins Wagner.
Mais il n’y a pas que la bande à Thiani qui a peur. La CEDEAO aussi sait que l’adversaire est coriace. Le Niger n’est pas la Gambie. Le premier a une superficie de 1 267 000 km² tandis que la seconde n’a que 11 300 km². En outre, lorsque Yahya Jammeh avait voulu perpétrer un coup d’Etat contre le nouvel élu, la quasi-totalité des Etats de la sous-région était sur la même longueur d’ondes. Tous avaient exigé le respect des résultats des urnes. Depuis, cette unanimité a volé en éclat. Aujourd’hui, il y a même des pays qui déclarent qu’une intervention militaire au Niger sera une déclaration de guerre contre eux.
Aussi, comme tout régime populiste, démagogue et manipulateur, la menace d’une intervention extérieure est exploitée par la junte. Cette menace apporte de l’eau à son moulin. Elle brandit la réaction de la CEDEAO, insinue que c’est la France qui manipule les pays voisins. Espérant le soutien populaire à ce que la junte considère comme une agression extérieure.
Devant la menace qui plane désormais sur la démocratie et l’Etat de droit et plus globalement sur la stabilité dans une sous-région en proie à des attaques terroristes, les partenaires extérieurs doivent se joindre à la CEDEAO pour mettre fin à l’anarchie. Au-delà de la démocratie et de la liberté, la paix et la stabilité sont en jeu. D’où le monde libre se doit d’aider ses partenaires à mettre fin à enrayer la putschiste. Sinon, l’on peut dire adieu à la démocratie et à la liberté dans notre sous-région.
Mais il n’y a pas que les grandes puissances à devoir aider pour la survie de la démocratie. Les militaires africains eux-mêmes doivent extirper de leurs rangs les brebis galeuses qui ternissent leur image. Ils doivent obéir aux pouvoirs civils pour la stabilité, la crédibilité et la pérennisation des institutions républicaines.
Si la grande muette doit combattre ses brebis galeuses, quelle doit être l’attitude des autres acteurs de la société ? Journalistes, syndicalistes, société civile, leur existence est intimement liée à celle de la démocratie. Faut-il observer la situation et se taire ? Ou devons-nous nous joindre à nos frères militaires qui défendent la démocratie et la liberté par les armes pour dire non aux coups d’Etat ? Or, chacun observe. On ne voit pas protester la société civile. Il n’y a pas que les chefs d’Etat qui sont menacés. Tout le monde, médias, syndicats libres et autres entités, leur survie est liée à la survie de la démocratie.
Habib Yembering Diallo