Les témoins continuent de défiler à la barre au procès du massacre du 28 septembre 2009 au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Mercredi 13 décembre, lieutenant-colonel Sory Condé, gendarme en service aux services spéciaux de lutte contre le banditisme et de la drogue au moment des faits, a témoigné devant le tribunal. 

Sous-lieutenant à l’époque, Sory Condé rappelle que le service antidrogue a été créé à la prise du pouvoir par le CNDD en 2009. Sa mission, lutter contre l’insécurité. « Compte tenu du service rendu, le service était applaudi par la population. C’est pourquoi, le colonel Moussa Tiegboro Camara a été tout le temps mandaté par l’autorité supérieure, chaque fois qu’il y a manifestation, pour canaliser les manifestants. Parce que le service était beaucoup acclamé par la population… »

Le jour du massacre

 Selon  Sory Condé, le jour du 28 septembre 2009, le coordinateur du service, le capitaine Ouo Ouo Yamou, a planifié deux équipes : un groupe devait passer par la route Leprince et l’autre, par l’autoroute Fidel Castro, pour non seulement sécuriser les populations, mais au cas où il y a des manifestations, pour extirper les loubards qui, souvent, s’accaparent des biens des gens. « Au niveau de Bellevue,  les manifestants ont commencé à sortir. Vu le nombre pléthorique, on ne pouvait pas les canaliser. Aussitôt, on a été repoussés par les manifestants jusqu’au niveau de l’esplanade du  stade 28 septembre. C’est là que j’ai trouvé le colonel Tiegboro Camara. On a trouvé un dispositif de la CMIS, avec leur mamba. Il y avait un monde fou là-bas. Le colonel Tiegboro est monté sur la mamba, pensant qu’il allait être écouté, comme quand il parle, il est applaudi, il est aimé. A un moment donné, les cailloux ont commencé à pleuvoir… »  Le lieutenant-colonel Condé affirme que c’est au moment où lui et son groupe quittaient leur position qu’il a aperçu le colonel Moussa Tiegboro s’entretenir avec les leaders politiques. Au même moment, les manifestants venaient pour réceptionner leurs leaders, pour entrer au stade.  Là aussi, ces manifestants ont jeté des cailloux. « Quand nous avons quitté, les manifestants sont entrés à l’intérieur du stade. Nous étions assis à Donka, lorsque nous avons entendu des coups de feu.  A travers le talkie-walkie, nous avons entendu que ce sont des bérets rouges qui sont venus au stade.  C’est ainsi que nous sommes revenus au stade, on a trouvé une débandade,  à cause des tirs de sommation, les gens étaient paniqués, de telle sorte qu’ils ne savaient pas où aller. Quand je suis venu, j’ai trouvé que le colonel Moussa Tiegboro était à l’intérieur du stade ». 

De la bousculade

Sory Condé déclare qu’à son retour au stade, il était à la devanture, côté stade annexe, lorsque les manifestants montaient sur le mur pour sortir ; d’autres sortaient par la porte, il y a eu bousculade. « Personnellement, dit-il, je suis venu tirer certains éléments. J’ai réussi à sauver beaucoup là-bas.  Entre temps,  les gens qui marchaient sur le mur du stade sont venus marcher sur le toit du commissariat qui s’est effondré. J’ai vu le garde-corps de Colonel Tiegboro Camara porter El  Hadj Cellou Dalein Diallo vers la sortie,  lui-même je l’ai vu sortir avec Jean Marie Doré, paix à son âme ! Pendant ce temps, j’aidais la Croix-Rouge à embarquer les gens qui étaient étouffés, pour les envoyer à l’hôpital », explique le lieutenant-colonel Sory Condé. 

Contradiction

Étant à la porte, Sory Condé dit avoir vu Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba, en train de repousser les manifestants. Selon lui, celui-ci n’était pas armé. Le procureur lui demande : « Vous confirmez que vous avez vu Toumba en train de repousser les manifestants à l’intérieur du stade ? » « Oui », répond le lieutenant-colonel. « Ce qui veut dire que vous étiez à l’intérieur du stade ? » enchaîne le procureur. Sory Condé rétorque : « Non, j’étais devant le portail du stade annexe ». Le procureur de conclure que Sory Condé était à l’intérieur du stade. « On peut être devant le portail, pour apercevoir ce qui se passe à l’intérieur du stade », réplique le témoin.  Alors qu’il avait dit dans son procès-verbal d’audition devant le juge d’instruction que ce sont des militaires dirigés par Toumba Diakité qui étaient venus au stade, ils tiraient dans tous les sens. Mais à la barre, Sory Condé dit qu’il a trouvé Toumba Diakité au stade. Et qu’il ne peut pas dire que c’est Toumba qui dirigeait les militaires venus au stade. Aussi, dit-il, il ne peut pas confirmer que c’est Toumba qui donnait des ordres. D’ailleurs, il ne l’a pas « vu donner des ordres ». Dans ce même PV, il avait dit que c’est le colonel Ibrahima Kalonzo Camara qui était le chef d’équipe des services spéciaux le 28 septembre 2009. A la barre, Sory Condé nie catégoriquement cette version. « Je n’ai jamais dit cela. Ce jour, je ne savais pas où se trouvait Kalonzo », affirme-t-il. Le lieutenant-colonel semble remettre en cause le PV. « Je ne sais pas ce qu’ils ont écrit là-bas, mais cela ne vient pas de moi » dit-il.

Le président du tribunal a demandé à ce qu’on lui montre le PV, pour voir sa signature. Sory Condé reconnaît sa signature, mais rejette catégoriquement le contenu.

Au moment où nous mettions en ligne, le témoin répondait aux questions des avocats.  

Ibn Adama