Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Mardi 30 janvier, Mandian Sidibé, journaliste ancien directeur général de la radio Planète FM, a témoigné devant la barre. Il a précisé qu’il n’était pas présent au moment des faits, mais qu’en tant que journaliste, il a reçu des informations de la part des sources qu’il décrit comme étant aux affaires ou proches de Moussa Dadis Camara pendant la transition de 2009. Ce sont ces informations qu’il a livrées à la barre, comme témoignage.
« J’ai reçu des nouvelles ou des renseignements, des informations, donc à partir de la France, je faisais des déclarations. J’avais le devoir patriotique dès lors que j’ai des informations de mettre à la disposition des enquêteurs. Je considère que les informations qu’on me donnait étaient plutôt des renseignements. Puisque ce n’était pas vérifié. Mais, je devais alerter pour aider les enquêteurs, donner des pistes. Je n’avais pas la possibilité de vérifier étant exilé. Je ne peux pas faire un discours narratif sur les faits du 28 septembre 2009. C’est en ma qualité de journaliste que j’ai reçu certains renseignements que j’ai mis à la disposition des enquêteurs via les réseaux sociaux pour que ce soit des pistes à explorer…»
Des échanges avec Jean-Marie Doré
Madian Sidibé a rappelé qu’à l’époque où il animait une émission à Planète FM, il a reçu Jean-Marie Doré, homme politique, leaders du parti UPG (Union pour le Progrès de la Guinée) à l’antenne. Ce dernier a raconté les tractations avant le 28 septembre 2009. « Jean-Marie Doré m’a dit que personnellement, qu’il s’était impliqué pour éviter les douloureux événements. Il s’est déplacé pour aller voir le capitaine Moussa Dadis et qu’il lui a dit : ‘’Mon fils, ce n’est pas la peine d’empêcher la tenue de ce meeting. A travers ce meeting vous pouvez rentrer dans l’histoire, si vous ne réprimez pas. Soyez démocrate, laissez-nous manifester, encadrez, mais ne réprimez pas, ne reportez pas la date et vous allez rentrer dans l’histoire !’’ En réponse, le capitaine Dadis lui aurait dit à ce niveau : ‘’Il n’y a pas de problème.’’ Mais, il y a certaines personnes dans son entourage qui ne voulaient pas entendre de cette oreille. Notamment, monsieur Papa Koly Kourouma. Il ferait mieux d’aller voir Papa Koly. Et que ce jour, Papa Koly devait voyager avec le général Sékouba Konaté (alors ministre de la Défense nationale Ndlr). Donc, qu’il s’est rendu à l’aéroport. Quand il est arrivé, Papa Koly était déjà sur le tarmac. Qu’il l’a hélé par son nom Papa, plusieurs fois. Finalement, il s’est arrêté et il a accepté de lui parler. C’est là-bas, il m’a rappelé que le climat n’était pas bon entre lui et Papa Koly, d’autant plus que Papa était son adjoint dans son parti. C’est lui qui a proposé Papa dans un gouvernement d’union nationale et que depuis, Papa a fui. Et donc, difficilement Papa a écouté. Jean-Marie lui a dit qu’il est allé voir Dadis, il a expliqué ce qui s’est passé entre lui et Moussa Dadis. Que Papa lui a dit : ‘’Si vous sortez, on va vous mater’’. Donc, il lui a dit de toute façon, ce n’était pas la bonne manière. Il serait mieux de parler à Dadis et aux autres pour ne pas que cette manifestation soit non seulement reportée, mais qu’on ne nous empêche pas. Et que de toute façon, le vin était tiré, il fallait le boire, ils ne pouvaient plus reporter la manifestation. Que pour lui, l’armée ne pouvait pas être déployée sans réquisition. Selon les informations à sa disposition, c’est le Général Toto (Mamadouba Camara Ndlr) qui a signé la réquisition pour que l’armée soit déployée. Et que selon les informations après qu’il a parlé avec Papa Koly, celui-ci aurait appelé Moussa Tiegboro Camara pour lui dire : ‘’S’ils sortent, vous les massacrer’’. C’est l’honorable qui me l’a dit à l’antenne. Malheureusement, les archives n’existent plus, parce que la radio a été vendue à mon absence. Que Papa Koly avait dit qu’il allait appeler Tiégboro, que s’ils (manifestants) sortaient, il allait les massacrer. Donc pour lui, Papa Koly est l’un des responsables de ce massacre. Et puis Tiegboro Camara était un des éléments importants par rapport à ces événements… »
Mandian Sidibé témoigne que Moussa Dadis Camara aurait refusé de signer la réquisition. C’est ainsi que Papa Koly a joint le général Mamadouba Toto Camara, ancien ministre de la sécurité, pour lui dire de signer la réquisition.
De la gestion des corps
Mandian Sidibé a affirmé, étant à Paris, qu’il a reçu des informations selon lesquelles trois camions militaires auraient transporté des corps, transité par le camp Samory et deux camions aussi qui n’étaient pas militaires mais conduits par des militaires, auraient transité par le domicile du général Lansana Conté. Que c’est le contenu de ces deux camions qui aurait été déversé dans une fausse commune au quartier Faban, derrière l’aéroport de Conakry. « J’ai communiqué ces informations via les réseaux sociaux, pour servir de piste aux enquêteurs. Par rapport à ces deux camions qui étaient stationnés au domicile de l’ancien président Lansana Conté, on m’a cité des noms. Il s’agit de l’ancien ministre Rémy Lamah, Édouard Théa, ancien diplomate ; au moment où je passais l’émission, il était en poste en Angola. Un certain Cheick Sidya Diabaté qui était, à l’époque des faits, des services de renseignements du CNDD. Ce sont eux qui ont géré en toute discrétion les deux camions qui étaient stationnés au domicile du général Lansana Conté. Ce qui est différent des trois camions militaires. Et qu’il y a plusieurs fausses communes, que c’est dans la fausse commune de Faban que les deux camions ont versé les corps. C’est ce que j’ai relayé sur les réseaux sociaux, j’ai bien précisé selon des sources fiables. On ne m’a pas parlé de l’endroit… »
Mamadou Adama Diallo