Aucun Guinéen ne pouvait prévoir ce qui se passe dans le pays. Tant la situation est surréaliste. En particulier les dérives autoritaires et leur cohorte de privations. Preuve, s’il en était besoin, que rien n’est définitivement acquis dans un pays comme la Guinée. Qui traîne une longue histoire de privation et de frustration.
Parmi la série de privations auxquelles les Guinéens sont soumis, certains sont volontaires. Comme la restriction d’Internet dont le porte-parole du goubernement a martelé qu’il n’est pas un droit. Entendez par là qu’il ne relève pas du domaine de revendications. Et la pilule a été avalée. Elle reste plutôt coincée dans la gorge de l’utilisateur de cette denrée devenue incontestablement la plus consommée dans le pays.
De Kassa à Kankan et de Yomou à Yembering, désormais on peut se priver de son plat de lafidi le matin mais difficilement de son pass Internet. C’est pourquoi, après la restriction, les jeunes, qui ne manquent pas d’imagination et d’intelligence, ont cherché à contourner la mesure locale. Ils ont cherché et trouvé un outil de substitution, le fameux VPN. C’était sans compter avec l’obsession de ceux qui veulent ramer à contrecourant de l’histoire et des temps modernes. Depuis le weekend dernier, VPN aussi connaît des perturbations.
Au casse-tête connexion Intrnet, s’ajoute le brouillage des ondes de certaines stations de radios privées. Comme Internet, le Guinéen s’était habitué à des émissions Talk-show qu’il ne veut manquer pour rien au monde. Ces émissions, écoutées jusqu’au dernier village du pays grâce à un partenariat entre les radios de la capitale et celles des provinces, disparaissent peu à peu de la grille des programmes. Parce que « cause principale de brouillage des ondes ». Les promoteurs de radios ayant le choix entre la suppression de ces émissions ou la fermeture de leur radio, ont opté pour la première. Il y a déjà eu la fumée blanche entre FIM FM et le CNRD.
Vendredi dernier, à la place de l’émission Mirador, véritable bête noire de la junte, FIM FM, devenue subitement audible, tympanisait ses auditeurs avec de la musique. Ce n’est tout. L’autre privation concerne le carburant. Depuis l’exposition du dépôt de Kaloum, le carburant est devenu le produit le plus prisé du pays. Entre rationnement, spéculation et corruption, le pays fait face à ses pires difficultés. Et ceci expliquant cela, le manque de carburant entraine celui du courant. EDG, déjà peu performante. Dans un communiqué, la société a annoncé que « le manque de carburant entrainera la perturbation de la fourniture d’électricité ». Pour l’eau, ce n’est plus un scandale.
Aussitôt annoncé, le délestage a commencé. Pendant toute la journée du vendredi 5 janvier, certains quartiers étaient privés de courant. Une privation qui entraine de facto une autre, celle de l’eau. Désormais la fourniture d’eau à Conakry et sa proche banlieue est intimement liée à celle de l’électricité. Parce que, le secteur de l’eau a été le parent pauvre de tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. Devant l’absence d’investissement, les citoyens n’ont pas le choix que de creuser de forages. Lesquels sont tributaires de l’électricité.
Bref, les Guinéens en général et ceux du grand Conakry en particulier connaissent une véritable descente aux enfers. Désormais plus personne ne sait à quel saint se vouer. Le pays va mal.
Habib Yembering Diallo