Après l’épisode de l’ancien préfet de Lélouma, Samba Héri Camara, sous Alpha Grimpeur, le CNRD de Mamadi Doum-bouillant a bombardé à la tête de Mali le colonel à la retraite Manson Sangala Camara. Enquête sur cet ancien marin devenu empereur qui règne d’une main de fer sur ses gouvernés et traîne plus d’une casserole.
Il est le préfet de Mali, mais ce n’est pas pour cela que son nom est sur toutes les lèvres. Manson Sangala Camara, l’ancien marin devenu préfet de Mali en fait voir de toutes les couleurs à ses administrés, ainsi qu’à la justice. L’homme est réputé très difficile à vivre par son entourage. Nommé à l’aube de la prise du pouvoir par le CNRD mené par Mamadi Doum-bouillant, le lieutenant-colonel Sangala qui a blanchi sous les harnais de la marine guinéenne, a pris ses fonctions en novembre 2021. Depuis, roitelet en sa préfecture natale, il ne tarde pas à imposer son autorité, pardon, ses « abus de pouvoir à ses proches » : « Les premières personnes qu’il a eu à emprisonner sont ses parents de Balaki. On s’était impliqué en allant voir les ressortissants de Balaki pour qu’ils partent lui faire entendre raison, mais il ne les a même pas reçus », confie Alpha Mamoudou Diallo, activiste de la société civile à Mali.
Détournement de recettes minières
De la commune rurale de Balaki, buisson à dominance dialonké frontalier du Sénégal et du Mali (Bamako), le préfet a fait arrêter le maire pour une histoire de recettes issues de la mine d’or artisanale de Diaaka. L’affaire a fait beaucoup parler, au point que l’Association des maires de Guinée avait porté plainte contre le préfet. Ce dernier, soupçonné de détournement d’une misère d’environ 376 millions de francs glissants, a été jeté en taule en août 2023. Son incarcération ne durera que trois jours. Contacté, le maire Elhadj Simbara Keita invoque leur lien de parenté pour justifier sa langue de bois. Il jure, la main sur le palpitant, avoir fait des pieds et des mains pour ne pas avoir des problèmes avec le satrape. « C’est mon frère après tout. » Une fraternité qui n’est pas sans anicroches. Mais de cela, sieur Keita préfère également donner sa langue au chat, la justice lui défend d’en parler. « Côté famille, je ne veux pas également étaler tout ici, mais il faut savoir que Sangala a passé la grande partie de sa vie à Conakry », lâche-t-il avant de raccrocher le téléphone.
A l’ombre d’un ancien combattant
Une version corroborée par diverses sources contactées par notre rédaction. Manson Sangala Camara se réclamerait le fils d’un certain commandant Diouma Camara. S’il a effectivement grandi à l’ombre de cet ancien combattant très célèbre à Mali, il n’en est que son neveu. Pas donc surprenant qu’il se comporte en maître sur un terrain conquis. Récemment, El hadj Aboul Gadiry Diallo, vendeur d’engins roulants et représentant de la marque TVS à Mali, a refusé de donner à crédit une bécane à Sangala. Sangala a ordonné aux pandores de conduire Gadiry au gnouf. Le rebelle de commerçant sera finalement libéré par la justice et le populo en colère. « Des gendarmes sont venus dans un pick-up pour m’emmener avec eux. Ils ont insinué que mes papiers pour exercer le commerce n’étaient pas au complet. Heureusement, ils l’étaient. C’était tout simplement un règlement de compte », dénonce le commerçant.
Les méthodes expéditives de Manson Sangala Camara sont innées, antérieures donc à sa nomination comme préfet. « Il est d’une nature très bouillante. Tous ceux-là qui l’ont connu, même dans l’armée, nous disent qu’il se comportait de la sorte. Ses amis disent qu’il était ainsi dans l’armée mais aussi en famille. Le gouverneur de Labé nous a même indiqué qu’il ne le respecte pas, lui-même », confie un des collaborateurs du préfet qui a requis l’anonymat. Une version confirmée par un militaire à la retraite, ancien collègue de Sangala Camara à la marine : « Je garde de lui le souvenir de quelqu’un de très ethnocentriste. Un problème d’argent l’avait opposé à un de nos collègues dont il retirait la solde en échange d’une parcelle. Le chef d’état-major d’alors a dû lui ordonner de restituer l’argent. J’ignore comment l’affaire s’était terminée. Sangala était en détachement au camp Samory. C’est quelqu’un de très hautin, qui ne nous saluait jamais lorsqu’on le croisait à l’intendance. »
« Il ne répond pas aux sollicitations des médias, ne respecte personne », abonde notre con()frère Alpha Ousmane Bah, le correspondant régional d’Africaguinee.com qui a souvent traité l’actualité autour des déboires du préfet. « Ce Monsieur-là, il n’écoute personne et nul n’ose l’affronter. On a envoyé une mission de bons offices afin qu’il change de comportement, lui rappeler qu’ici, c’est chez lui, qu’il est là pour aider la préfecture. Mais jusqu’à présent, rien n’y fait », renchérit Alpha Mamoudou Diallo, l’activiste de la société civile.
Protégé par sa hiérarchie ?
Taiseux, Manson Sangala Camara « se vente également d’avoir son réseau d’informateurs. Il prend les décisions et gouverne selon ses humeurs », décrypte le fonctionnaire de la préfecture précédemment cité. Faisant partie du lot des militaires envoyés à la retraite récemment après le renversement d’Alpha Grimpeur par Mamadi Doum-bouillant, le bidasse a trouvé un point de chute chez lui, à Mali. Il semble bénéficier de l’onction de ceux qui l’ont nommé. « Dans les conditions normales, la hiérarchie devait sévir contre certains de ses agissements. Mais qu’il ne soit pas averti, ni inquiété, nous pensons que c’est parce qu’elle est en phase avec lui. Sinon, est-ce qu’un préfet a les compétences de nommer un sous-préfet ? C’est le ministre de l’Administration du territoire qui nomme. Mais le préfet nomme aujourd’hui et enlève demain », s’indigne notre source à la préfecture de Mali.
Des comportements et pratiques vécus par le populo comme une punition que le CNRD lui inflige. Le préfet croule sous les accusations : corruption, ethnocentrisme, détournement de fonds, outrage à magistrat… (Excusez du peu !) En attendant que les procédures judiciaires enclenchées contre lui produisent leur effet, le nouveau Soundiata de Mali Yembéring règne en empereur à la tête de son empire. Qu’il fasse ce qui lui passe par la tête, tant que le mystère de l’Administration du trottoir fermera les yeux dessus.
Diarouga Aziz BALDE