La situation ne s’arrange pas entre éleveurs de zébus étrangers et agriculteurs locaux à Lainé, dans la préfecture de Lola (Guinée forestière). Le 22 avril, un Comité de crise sur les zébus, constitué après le conflit sanglant de janvier dernier, a animé une conférence de presse à la Maison de la presse pour sonner l’alerte.
C’est un conflit vieux d’une dizaine d’années, entre éleveurs étrangers et agriculteurs guinéens. « Si nous ne prenons pas de dispositions, cette crise pourrait à nouveau être catastrophiques », a d’entrée alerté Faya Millimouno, leader politique et membre du Comité de crise sur les zébus. Une sortie médiatique faite ce 22 avril à la Maison de la presse (Minière). Cette structure, dont les membres sont des ressortissants de la Guinée forestière, s’inquiète de l’envahissement de leur région par des éleveurs de zébus en provenance du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
Des pertes chiffrées en millions
Au sud de la Guinée, ce conflit a déjà causé un mort d’homme en janvier dernier. À la conférence de presse de ce lundi, des images ont été projetées montrant les dernières atrocités dans le village de Lainé (préfecture de Lola). Mais également des dégâts matériels importants : cliniques, magasins, boutiques et bars pillés et vidés de leur contenu par les gendarmes. Des individus agressés, blessés et dépouillés par des bouviers, des plantations et des champs ravagés par les ‘feux précoces allumés par les éleveurs pour reverdir les pâturages. La valeur des pertes est estimée à plus de trois cents millions de francs guinéens, selon les conférenciers.
Ces derniers pointent du doigt le laxisme des autorités locales. En 2020, le président Alpha Condé avait décrété l’abattage des zébus à Beyla et sommé les bouviers étrangers de s’en aller. Une injonction restée lettre-morte. Heureusement. Les éleveurs affluent par milliers chaque année. En 2024, 360 000 zébus ont été autorisés à paître en Haute Guinée et en Forêt. Faya Millimono en rage : « Le gouvernement guinéen au nom de la transhumance entre les pays de la sous-région autorise la rentrée massive des zébus. C’est de la sédentarisation. En Guinée, nous élevons des vaches de la race Ndama qui sont des ruminants. Les zébus broutent jour et nuit. Avec cette autorisation du ministère de l’Administration du territoire et de la transition, nous avons constaté un changement de politique sur la gestion des zébus. »
Justice corrompue ?
Les accords délimitent la transhumance entre février et mai. Selon Faya Milimono, aucun zébu entré en Guinée n’en est ressorti depuis 15 ans. Conséquences : « Si les bœufs n’ont plus à manger, on met le feu pour renouveler les pâturages. Des plantations (de café, banane, des champs de maïs…) sont complètement calcinées. La justice est restée muette sur le sujet, accusée d’avoir été corrompue par les éleveurs. Itou, les maires, préfets et sous-préfets. Les pauvres agriculteurs ne cherchent qu’à nourrir leurs familles. » À la justice, des dossiers traînent depuis 2018. Le Comité n’exclut pas de saisir la Cour de justice de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).
Faya Millimono dément ceux qui parlent d’un conflit ethnique ou religieux. « C’est juste une manière de créer de la confusion », accuse-t-il. À Lainé, la situation serait si critique que des agriculteurs se voient menacés de mort par des éleveurs, au vu et au su des autorités locales.
Des mineurs et des femmes déportés
À l’issue des violences de janvier dernier, au moins 71 personnes, dont 14 mineurs et neuf femmes ont été arrêtés et déportés dans différents centres de détention : 11 à Nzérékoré ; 27 à Kindia et 33 à Conakry, rapporte Nema Soumaoro, président des ressortissants de Lainé à Conakry. Il dénonce une gestion honteuse du conflit : « Le juge d’instruction qui a signé le mandat de dépôt est à Nzérékoré. Il a répondu à nos avocats qu’il n’a pas de frais de transport pour rallier Kindia et Conakry interroger les prisonniers. Il crée un problème dont il n’a pas la solution, pour terroriser des pauvres populations. »
Le Comité de crise sur les zébus veut être associé à la gestion du conflit entre éleveurs et agriculteurs. Il demande d’interdire l’élevage des zébus en Guinée forestière; de sensibiliser et désarmer les bouviers ; exhorte les forces de l’ordre à agir avec professionnalisme dans la gestion des manifestations…
Abdoulaye Bah