Le 28 juin 2023, est décédée la syndicaliste Hadja Rabiatou Sérah Diallo des suites de maladie à l’hosto de l’Amitié Sino-guinéenne de Kipé. Au regard de son inestimable contribution à l’instauration de la démocratie en Guinée, la disparition de celle que votre satirique appelait la Rabi Sérah a sérieusement affecté le mouvement syndical.
Née le 31 décembre 1949, Hadja Rabiatou Sérah est la première nounou à accéder à la direction d’une centrale syndicale en Guinée. Elle a lentement gravi les échelons du monde associatif puis du syndicalisme.
Issue d’une famille nombreuse en milieu rural, elle participe aux réunions de quartier dès son enfance puis se présente à 19 ans aux élections syndicales du deuxième congrès de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) de 1969. Elle n’y est pas élue, les mentalités de l’époque n’étant pas prêtes à voir une femme accéder à un poste dirigeant. Il lui faudra du temps pour faire ses preuves et accéder à d’autres responsabilités que celles traditionnellement dévolues aux femmes : affaires familiales, mariages, enfants et problèmes domestiques, et convaincre de ses capacités, y compris les femmes persuadées de ce que le syndicalisme est une affaire d’hommes.
En 2000, elle accède au poste de secrétaire générale de la CNTG, qui, sous sa direction, devient le principal mouvement des travailleurs du pays avec 60 000 affiliés. Rabiatou s’attèle à deux tâches parallèles : implanter le syndicalisme dans un pays où l’économie informelle tient une place prépondérante, et y ouvrir une place aux femmes.
En 2006, la première grève générale qu’ait connue la Guinée, en protestation contre la dégradation des conditions de vie des Guinéens, est un succès. Elle est suivie y compris par le secteur informel qui n’ouvre ses marchés qu’à la nuit tombée, pour permettre à la population de s’approvisionner.
Début 2007, Rabiatou en première ligne d’un nouveau soulèvement avec feu Ibrahima Fofana qui réclame, entre autres, la mise à l’écart de personnalités corrompues. Le 22 janvier, la Rabi Sérah est arrêtée avec d’autres dirigeants syndicaux, avant d’être libérés sous les pressions internationales. Aux accusations de vouloir mettre le feu qu’on lui colle, Rabiatou Sérah Diallo répond : « Je suis femme et mère de six enfants et quand je mets le feu, c’est sous la marmite, pour nourrir mes enfants, mais en Guinée, la marmite est vide. « … » C’est ça qui met le feu au pays ». Une réplique aux thuriféraires du régime de Lansana Conté, qui manigançaient pour le maintien du pouvoir en place.
Avec le décès de cette femme de caractère, c’est tout un pan de l’histoire du mouvement syndical qui disparaît. Heureusement que pour la postérité, elle avait pris soin de publier un ouvrage sur son parcours syndical. Une œuvre qui va servir de témoignage posthume.
Thierno Saïdou Diakité