Après un mois d’interruption, les audiences ont repris à la Cour de répression des infractions économiques et financières, Crief. Amadou Damaro Camara et Mohamed Diané ont comparu.

La CRIEF était plombée par la suspension, par le ministre de la Justice, de deux conseillers travaillant dans cette juridiction pour, entre autres, insuffisance professionnelle. Il se trouve que l’un des sanctionnés, Mohamed Samoura, siégeait aux côtés du président de la Chambre du jugement. Sa suspension a donc bloqué des procédures comme celles concernant les anciens dignitaires, Amadou Damaro Camara ou encore Mohamed Diané, respectivement anciens président de l’Assemblée nationale et ministre de la Défense nationale. Le Président de la CRIEF, Francis Kova Zoumanigui a dû le remplacer pour relancer les audiences.

Poursuivis, en compagnie des questeurs Zénab Camara (première), Michel Kamano (deuxième) et de l’homme d’affaires chinois Kim, pour « détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, corruption dans le secteur privé et public, complicité », Amadou Damaro Camara a comparu le 26 juin. Il était question d’interroger la trésorière du Conseil national de la transition, Aïssatou Diallo, sur les pièces comptables confirmant les opérations que l’ex-président de l’Assemblée nationale dit avoir effectué pour la viabilisation du site devant abriter le nouveau siège de l’institution à Koloma. Dame Diallo ne s’est pas présentée : « Elle a dit au parquet qu’elle est malade. Pour Saa Léno, chef comptable, nous n’avons aucune nouvelle », explique un substitut du procureur. La défense a, elle aussi, indiqué n’avoir pas reçu du greffe ces pièces justificatives. Le juge, Yagouba Conté, a finalement renvoyé l’affaire au 8 juillet pour la comparution de Michel Kamano et éventuellement pour les réquisitions et plaidoiries.

Mais auparavant, le juge a posé la question de la reprise à zéro ou non des débats à cause du changement d’une partie de la composition de sa Chambre : « En principe, quand il y a une nouvelle composition, c’est carrément la reprise. Maintenant, on va décider ensemble de la marche à suivre, parce qu’il y a aussi des prévenus qui sont en détention depuis longtemps », déclare Yagouba Conté.

Pour la défense, il n’y a pas lieu de tout reprendre, d’autant plus qu’il y avait déjà eu reprise dans ces affaires. Maître Santiba Kouyaté explique : « On peut faire un briefing au nouveau conseiller, et les débats continuent. Nous ne trouvons pas nécessaire une reprise totale. » Le ministère public abonde dans le même sens : « Le prévenu est en détention, il y a eu d’autres reprises dans cette même procédure. C’est vrai que c’est cela le principe, mais avançons ». Le juge a acquiescé.

« Sans avocat, je n’ai rien à dire »

Inculpé aussi pour pratiquement les mêmes chefs d’accusation que Damaro, Mohamed Diané qui est actuellement sans avocat, refuse d’être jugé. Il exige sa libération avant de se prêter aux questions de la Cour : « Je ne renonce pas à mon droit à un avocat. Sans avocat, je n’ai rien à dire. » Le juge Yagouba Conté rappelle qu’il avait déjà saisi le bâtonnier de l’Ordre des avocats, pour commettre d’office au prévenu un avocat à Diané. Le Barreau a décliné, au motif que Mohamed Diané a déjà des avocats qui n’ont que suspendu leur participation aux audiences. Pour autant, le bâtonnier a, une nouvelle fois, été saisi. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de réponse. Pour le parquet, Mohamed Diané veut se soustraire de la justice : « Il a constitué des avocats, c’est lui-même qui leur a demandé de suspendre leur participation. Il ne veut pas être jugé. Nous estimons qu’il peut valablement être jugé sans eux », déclare Malick Marcel Oularé. Mais Mohamed Diané est catégorique : « J’ai déjà des avocats qui m’ont défendu, qui ont fait des résultats. Je n’ai rien à dire tant que les décisions judiciaires qu’ils ont obtenues ne sont pas exécutées. »

Ces décisions de justice, ce sont la libération conditionnelle prononcée en sa faveur par la Chambre spéciale de contrôle de l’instruction de la CRIEF et celle pure et simple rendue par la Cour de justice de la CEDEAO : « Je veux venir ici en homme libre », a affirmé Mohamed Diané. L’affaire est renvoyée au 1er juillet prochain.

Yacine Diallo