Après ses nets succès aux élections européennes et au premier tour des législatives françaises, l’Extrême Droite est à un micron du Palais Bourbon et à Matignon. Le second tour des législatives qui se déroule dimanche 7 juillet fixera les Français. Regroupée autour du Rassemblement national, sous la férule du tandem Marine Le Pen et Jordan Bardella, l’Extrême Droite est en passe de réaliser son premier grand Chelem, sous la 5ème République.

Ce mouvement hétéroclite vient de loin. En effet, c’est le 5 octobre 1972 que Jean-Marie Le Pen et ses amis créent le Front National pour l’unité de la France (FN), communément appelé Front National. Les propos racistes et xénophobes de Le Pen entraînent la stigmatisation du nouveau parti. Ses cibles ne sont pas que les Noirs et les Arabes. Il a des attitudes négationnistes vis-à-vis des crimes nazis. Dans des discours publics, il s’interroge sur l’existence des fours crématoires. Il nie la Shoah. Ses positionnements et ses propos diabolisent et marginalisent le FN. Peu à peu, il édulcore son langage, élargit son électorat et parvient, en 1997, au second tour de l’élection présidentielle au détriment de Lionel Jospin, le candidat du Parti Socialiste. Il est battu par Jacques Chirac.

Par la suite, Marine Le Pen, la fille du vieux leader, « exproprie » son père et prend les rênes du FN. Dès lors, elle s’attèle à dédramatiser la rhétorique et à dédiaboliser le mouvement qu’elle rajeunit. Le Front National devient en 2018, le Rassemblement National qui ne fait plus peur. Au fil du temps, il se civilise, devient fréquentable. Marine Le Pen participe, à deux reprises, successivement au second tour de l’élection présidentielle contre Emmanuel Macron qui la bat à chaque fois. Si l’Extrême Droite est victorieuse ce dimanche, Jordan Bardella, son leader, sera investi dans les fonctions de Premier ministre de la France et gouvernera avec le Président de la République. Ce sera alors la troisième cohabitation sous la 5è République.

Il faut noter que l’Extrême Droite continue toujours de porter des thèmes nationalistes peu propices à la cohésion sociale et à l’unité des Français dont les origines sont désormais très diverses, allant parfois au-delà des frontières de l’Hexagone. Lors de la campagne électorale, les candidats de l’Extrême Droite sont régulièrement revenus sur les thématiques qui sont le levain de leur idéologie. On peut égrener, pêle-mêle, l’immigration et ses effets sur l’emploi et la sécurité sociale, la préférence nationale, le droit du sol, la nationalité réductrice des binationaux. La banalité des expressions n’en cache pas moins la signification redoutable et préjudiciable aux Français d’adoption. Ces perspectives sont redoutées par des millions d’individus qui se mobilisent pour tenter d’y faire pièce.

En tout état de cause, l’Extrême Droite sera confrontée aux réalités de l’exercice du pouvoir, si elle y parvient dimanche. Nombreuses sont les contingences politiques, culturelles et surtout économiques qui réduisent les marges de manœuvre de ceux qui gouvernent. Au pouvoir, ils n’ont plus tout à fait les coudées franches.

Abraham Kayoko Doré