Interdits à Kaloum depuis mi-juin 2023, les taxis-motos roulent toujours et risquent de tomber dans les filets des flics. Les conducteurs clandestins dénoncent une décision non justifiée.

Derrière la Mosquée sénégalaise à Kouléwondy, au cœur de Kaloum, le centre administratif de Cona-cris, Fodé Abdoulaye Camara et des amis défient encore l’autorité. Ils guettent les passagers discrètement. Finis les empressements entre motards au premier appel d’un client qui veut se déplacer. Ils sont conscients des risques qu’ils courent, en cas d’arrestation par la police routière.

Se nourrir de risque !

Mais le risque, c’est ce qui les nourrit, nous oppose Fodé Abdoulaye Camara : « Nous, on ne prend aucun salaire à la fin du mois. On n’a rien, si ce n’est pas cette activité. On n’est pas en train de défier l’autorité, mais en banlieue, il y a beaucoup de mototaxis. C’est ici que tu peux avoir la recette et c’est ici qu’on est habitués à faire nos activités. C’est injuste et les autorités devaient beaucoup réfléchir avant d’interdire. »

Pourtant, en cas d’arrestation dans le périmètre de Kaloum, les taxi-motos sont envoyés au commissariat du coin, avant d’être déposés à la fourrière. Les y récupérer est conditionné au « paiement d’un million de francs guinéens », témoigne Boubacar Barry, verbalisé une fois.

« Ils ont raison, quand on prend une moto, c’est la somme à payer pour la récupérer », confirme un routier posté devant le Palais du peuple, l’entrée du centre-ville. Il préfère cependant s’abstenir d’en dire davantage, nous invitant d’aller vers le Commissariat central de Kaloum où sont conduites les motos saisies.

Si dans la cour dudit Commissariat, plus d’une centaine de motos sont arraisonnées, les responsables optent de donner leurs langues au chat, sous prétexte qu’ils n’ont pas le feu vert de leur hiérarchie. La Direction nationale de la police routière n’a donné aucune fuite à notre demande, liée aux motivations de l’interdiction qui restent encore floues, sur les statistiques des saisies opérées et les revenus générés par les amendes des contrevenants.

La chasse aux insoumis, devenue monnaie courante depuis l’interdiction et « les méthodes non conventionnelles » sont dénoncées par Fodé Abdoulaye Camara. Des flics, en civils, ciblent les taxi-motards. Cela irrite Camara : « Si les policiers se déguisent, on ne peut faire la différence entre eux et les bandits. Ici, on a été même victime : un voleur est venu prendre la moto d’un ami ici, lui demandant de le trouver à la fourrière. Mais depuis, on n’a jamais revu le quidam, encore moins la moto. »

Nouvelles règles, nouvelles méthodes !

« A malin, malin et demi », dit l’adage. Rien ne semble encore décourager les fraudeurs. Pour déjouer le guet-apens des flics, les pilotes des engins à deux roues multiplient les astuces. Bien d’entre eux n’embarquent plus les hommes, pour minimiser le risque de tomber sur un flic : « Je peux rouler pendant toute la journée, sans prendre un homme. Je ne contacte que les femmes, c’est moins risqué », assure Fodé Abdoulaye Camara.

Boubacar Barry, lui, a adopté un nouveau modus operandi, depuis sa verbalisation. Vêtu d’un complet « Macky Sall » bleu et chaussures d’une marque très prisée, c’est la garantie pour lui de passer inaperçu. Difficile, selon lui, de le prendre pour un taxi-motard : « Personnellement, je suis tailleur. Donc, je m’habille très bien en Macky Sall et ma moto est très propre. Même actuellement, si je ne vous avais pas avoué que j’étais un taxi-motard, vous n’alliez pas le savoir. »

De la prudence certes, mais un gain de moins. Puisque Boubacar Barry ne travaille désormais que quelques heures, histoire d’éviter d’être épinglé par la police routière, synonyme d’une forte amende : « Si je sors à 6h, je ne travaille que jusqu’à 10h, avant de prendre une pause. De 10 heures à 13 heures, les policiers sont partout. Dès 14 heures, on reprend du service, ils seront moins nombreux dans la circulation. C’est en ce moment-là justement qu’on profite, pour gagner un peu, avant la soirée, où ils sont également trop embêtants. »

Pour sévir, pour sa part, la police routière installe tout le temps des check-points surtout à Téminétaye, aux environs du Port Autonome de Conakry et au marché Niger. Trois lieux stratégiques dans la circulation dans la presqu’île de Kaloum.

Diarouga Aziz Balde