Les journaleux étaient conviés le 20 septembre à un « déjeuner de presse » à la Plage de Camayenne, où les porte-voix de la présidence et du goubernemment leur ont servi un menu très copieux : la candidature à la prochaine présidentielle du gêné-râle Mamadi Doum-bouillant. Bon appétit à tous les Guinéens !

Pour faire valoir la légitimité de leur boss à briguer la prochaine présidentielle, Amara Cas-marrant et Ousmane Gawa Diallo ont fait montre de leur capacité à jongler. En deux temps trois mouvements, ils ont cloué au pilori une charte de transition restrictive mais toujours en vigueur et ont promu une constitution inclusive, quoiqu’inachevée. A leurs yeux, Mamadi Doum-bouillant peut valablement, en toute légitimité, se porter candidat à la prochaine présidentielle. Comme tout autre Guinéen. Sans parjure !

« Le président Doumbouya est un citoyen guinéen comme tout le monde. Il n’y a aucune interdiction l’empêchant de faire acte de candidature pour gouverner la Guinée. Non seulement en termes de droit il en a la possibilité, mais aussi il en a pleinement la qualité aujourd’hui. Il n’y a aucune restriction en termes de constitution pour qu’il aille demain à une élection en République de Guinée », estime le gêné-râle Amara Cas-marrant. La Charte de la transition, sur laquelle les dirigeants actuels ont juré, défend aux membres du CNRD, du goubernement et du CNT d’être candidats aux sélections pour le retour à l’ordre constitutionnel. Mais pour les ministres conférenciers, ce texte est de l’histoire ancienne. Ils préfèrent invoquer un avant-projet de constitution non encore adopté. Comme s’ils anticipaient déjà l’issue du référendum constitutionnel.

« J’ai envie de dire, pourquoi pas une candidature ? Le président que je connais, qui est à la tête du pays actuellement, n’est pas un lâche. Le moment venu, s’il décide qu’il va briguer les suffrages des Guinéens, il le dira en temps et lieu. Aller devant les suffrages, ce n’est pas usurper la volonté du peuple de Guinée. Si le temps, le contexte, la situation l’exige, il le sera et ce sera pour relever les défis. S’il y a candidature, elle répondra parfaitement à la légalité et cette légalité viendra de la constitution qu’on va adopter ensemble. » Et si les Guinéens rejetaient une constitution qui ouvre la voie au maintien au pouvoir des dirigeants actuels ? Ou les dés sont déjà pipés, et la consultation électorale à venir n’est qu’une formalité ? « Ce qui va être présenté aux Guinéens ce sera une constitution qui permettra de bâtir de nouvelles institutions. Et c’est sur la base de cette dernière que les critères et les conditions d’éligibilité de Paul ou de Pierre seront énumérés », martèle le porte-voix de la présidence.  

L’homme providentiel

Mettons de côté les arguties juridico-constitutionnelles. La légitimité d’une telle candidature viendrait du fait que le développement de la Guinée serait illusoire sans l’actuel prési de la transition. « Le sujet aujourd’hui n’est pas le problème de la candidature du président Doumbouya, c’est la peur des Guinéens d’avoir peut-être un niveau de gouvernance plus bas après lui. Tout ce qui a été fait en trois ans commence à faire de l’ombre à beaucoup, ça commence à inquiéter. Ce que les Guinéens souhaitent aujourd’hui est que cette dynamique amorcée soit à la taille ou supérieure à ce que le président Doumbouya fait aujourd’hui. Si l’éventualité faisait que le président Doumbouya était encore sollicité à l’échelle nationale de poursuivre son travail, je pense que s’inscrire dans une dynamique de refondation, de continuité, de progrès et de prospérité tel que c’est le cas aujourd’hui, c’est la dynamique à laquelle je m’inscris. Les objectifs des Guinéens, c’est d’avoir un niveau de gouvernance aussi stable, vertueux, rigoureux qu’aujourd’hui », a argumenté le porte-voix de la présidence.

Amara Cas-marrant se sert de « l’accueil grandiose » réservé au prési de la transition lors de son retour de Pékin comme baromètre, pour en conclure à une adhésion des Guinéens à son souhait. Début septembre, il a envoyé des rabatteurs en Guinée forestière pour promouvoir la candidature présidentielle de Mamadi Doum-bouillant. « Ils ont dit que j’ai envoyé des émissaires pour soutenir la candidature du patron. J’avoue que je dors avec cette idée et je me réveille avec. Donc, ce qui a été dit à Macenta, c’est peut-être un rêve à moi qui s’est matérialisé sur le terrain », se réjouit-il. Annoncé dans la région pour la même cause, il dit avoir été retenu par des obligations professionnelles. Mais ce n’est que partie remise.

La présidentielle pour légitimer la junte

Dans le chronogramme décrété par la junte du CNRD, la présidentielle devait se tenir après les autres scrutins (communal et communautaire, législatif). Mais désormais, la junte entend inverser l’ordre des choses. Une décision qu’elle présente comme symbole de bonne volonté de sa part d’en finir avec la transition. « Toutes les élections se tiendront en Guinée en 2025. La première consultation sera avant la fin de cette année, l’adoption de la constitution. Et comme c’est au niveau de la magistrature suprême que les populations et la communauté internationale perçoivent mieux les avancées démocratiques, nous pourrions même commencer par l’élection présidentielle comme gage d’engagement », a déclaré, le premier, Mori-Sans-Dents Kouyaté, ministre des Affres étranges, pour convaincre l’OIF à réintégrer la Guinée, suspendue de ses instances depuis le putsch.

Sauf qu’à écouter le porte-voix de la présidence, l’on se rend compte que l’objectif est plutôt la légitimation du putschiste. « Nous ne sommes pas un gouvernement qui n’est pas à l’écoute des préoccupations et des attentes de sa population. Nous étions hier dans le quartier, nous continuons d’être en contact avec ce qui se passe dans le quartier. Cela nous a permis de savoir que les Guinéens ont aujourd’hui soif de voir le visage de leur futur président. Donc, le gouvernement est ouvert à toute sollicitation allant dans ce sens pour permettre que les élections se passent, quitte à commencer du sommet. Si la question se posait, on est effectivement en mesure idéalement de commencer par le sommet pour qu’on voie finalement, mon souhait, le visage de notre champion », a dévoilé Amara Cas-marrant. Ce qui a le mérite d’être clair, non ? `

Diawo Labboyah