Avec le procès sur la tragédie du 28 septembre 2009, les autorités de la transition ont fait coup double : montrer à la communauté internationale qu’elles ont la témérité de faire ce que le si vil Grimpeur n’a osé de faire et afficher l’image d’une justice moderne et respectueuse des droits des citoyens. Même ceux qui sont coupables des crimes les plus odieux. Les compagnons d’infortune du bouillant capitaine se présentant chaque jour au procès dans un mode vestimentaire digne d’un prince. Dans un pays où la majorité tire le diable par la queue, c’était à se demander si certains n’enviaient pas ces prévenus.

Le procès, ostensiblement médiatisé, était aux antipodes de 66 ans de tortures et de procès expéditifs où les droits de l’accusé n’étaient pas respectés. Ce fut de courte durée. Rattrapé et ramené dans le box des accusés, Moussa Dadis Camara ne bénéficiait plus du même traitement qu’avant sa tentative d’évasion. Mais l’image qui restera gravée dans la mémoire collective est celle du colonel Claude Pivi alias Coplan, affaibli et plutôt mal en point. Cet homme, qui a fait la pluie et le beau temps ces dernières années, connait les pires moments de sa vie. Son cas, comme celui des autres, constitue une leçon pour les dirigeants actuels et futurs. Car, comme l’a dit Platon : « Le plus grand mal, à part l’injustice, serait que l’auteur de l’injustice ne paie pas la peine de sa faute ».

Mais l’histoire ne date pas d’aujourd’hui. Depuis près de 66 ans, les Guinéens vivent ces drames à répétition. Avec les forts d’aujourd’hui qui deviennent les faibles de demain. Pendant les purges des années 70, des dignitaires étaient au PDG ce que Claude Pivi était au CNDD. Au sommet de la gloire, ils se sont permis de commettre les crimes les plus odieux. Et comme une malédiction, la plupart furent conduits là où ils avaient conduit leurs victimes. Le cas d’Emile Cissé, qu’on appelait le fils de Sékou Tyran, fut le plus illustratif.

Depuis, la même tragédie suit la Guinée comme son ombre. Parce que justice n’avait jamais été rendue pour les victimes de tous les régimes. C’est pour la première fois que des dirigeants qui se sont conduits dans leur pays comme en territoire ennemi, conquis par les armes, répondent de leurs actes. Ce qui, en dépit d’un certain nombre de dérapages, contrarie les engagements du 5 septembre 2021, pour s’inscrire dans l’impérieuse nécessité de la fin de l’impunité.

Dans un pays où l’injustice et l’impunité ont prévalu pendant plus d’un demi-siècle, les victimes se remettent toujours au bon Dieu. Croyant dur comme fer que tout se paye ici-bas, tous savent que c’est une question de temps. Et pour ceux des tortionnaires et leurs commanditaires qui ont rejoint leurs victimes dans l’autre monde, ces dernières comptent sur le Jugement dernier. En attendant, nombre de criminels sont en train de payer d’ici-bas. Comme cet officier qui, dans la période agitée et palpitante de 2009, promettait l’enfer à beaucoup de citoyens. Plusieurs témoignages attestent que le nouveau bagnard disait à certains citoyens « on va vous tuer tous ».

Après les dignitaires de la période sombre de la première transition, ceux du président démoncratiquement élu se sont comportés comme s’ils s’étaient emparés du pouvoir non pas par le bulletin de vote mais par la kalach. Comme le président de l’Assemblée nationale qui, ignorant le symbole et l’image qu’il incarnait, appelait les forces de l’ordre à aller dans une partie du territoire avec des armes non conventionnelles. Ou encore le Premier ministre qui clamera et proclamera sa préférence pour l’ordre par rapport à la loi. Toutes ces personnalités se retrouvent dans la situation la moins attendue du monde.

Dans cette malédiction de nos dirigeants, chacun semble payer à la proportion de ce qu’il a fait. Comme ce va-t-en-guerre de Bantara chaud euh…Bantama Sow. Comme si Dieu payait chacun à la hauteur de son action ou son intention, celui qui demandait de traquer les opposants au régime, eut le retour du bâton. Traqué jusqu’à son dernier retranchement, le ministre le plus belliqueux de l’Alphagoubernance se serait déguisé comme sa douce-moitié pour traverser la frontière.

Et son patron dans tout cela ? Alpha Grimpeur, qui interdisait la sortie du territoire à nombre d’acteurs politiques et sociaux, a fait les pieds et les mains pour sortir. Devenu un nouvel exilé, comme il l’a été des années durant, l’homme a posé ses valises en Turquie. Mais avec les dernières révélations de la presse libérienne, il est à craindre que son ami Erdogan, qui a des intérêts économiques considérables avec son tombeur, lui exige de faire profil bas ou chercher une nouvelle terre d’accueil.

Si ces 66 ans de violences et contre violences ne servent pas de leçons aux nouveaux dirigeants, c’est qu’ils sont atteints eux aussi du syndrome de démence du pouvoir. Leurs devanciers avaient estimé que ça n’arrive qu’aux autres. Or, la seule et unique protection contre ce qui est arrivé aux autres, c’est de faire tout le contraire du choix du Cas-Sorry Fofana : la primauté de la loi sur l’ordre. Tout le reste n’est que fuite en avant.

Habib Yembering Diallo