Le 29 août, des expatriés guinéens d’Europe et des Etats-Unis ont demandé à l’Élysée de sauver la liberté de la presse et les droits humains en Guinée. Loin d’en appeler à l’ingérence intérieure de l’ancienne métropole, la tribune consultée en exclusivité par Le Lynx questionne la « coopération accrue » entre Paris et Cona-cris, malgré l’irrespect des principes démocratiques et de l’État de droit par la junte du CNRD.

“Appel à la France !/Pour la défense de la liberté de la presse et des droits humains en Guinée

Cette tribune vise à renforcer la conscience internationale et à inciter à une action immédiate et concertée pour la protection des droits de l’homme et de la liberté de la presse en Guinée. Elle n’appelle pas la France, en tant qu’ancienne puissance coloniale, à s’immiscer dans les affaires intérieures de la Guinée. Constatant une coopération accrue de la France avec la junte en place en Guinée, en dépit des violations continues des droits humains, elle a pour seul objectif d’interpeller la France, pays des droits de l’Homme, afin qu’elle agisse avant qu’il ne soit trop tard.

Chaque voix compte dans cette lutte essentielle pour la dignité et les libertés fondamentales.

Nous, citoyennes et citoyens engagés, lançons un appel pressant a` la France pour qu’elle prenne position en faveur de la liberté´ de la presse et des droits fondamentaux en Guinée. Face à l’escalade des atteintes aux libertés publiques dans notre pays, il est impératif que la France, en tant que pays attache´ aux droits humains et partenaire privilégié´ de la Guinée, utilise son influence pour encourager le respect de ces droits fondamentaux.

Un étouffement systématique des voix indépendantes

Entre novembre 2023 et février 2024, la Guinée a été le théâtre de coupures prolongées des réseaux sociaux, sans explication de la part des autorités, sous le prétexte que « l’internet n’est pas un droit », selon le porte-parole du gouvernement. Cette mesure s’inscrit dans une stratégie plus large de restriction des médias indépendants, marquée par le brouillage des fréquences de plusieurs stations de radio et chaînes de télévision critiques, ainsi que par leur retrait des bouquets de diffusion tels que Canal+ et Startimes.

Le 21 mai 2024, le gouvernement guinéen a révoqué les autorisations de diffusion de médias majeurs tels que FIM FM, Djoma FM, Djoma TV, Espace FM, et Espace TV, en invoquant des violations non spécifiées du cahier des charges impose´ par l’Observatoire guinéen d’autorégulation de la presse (OGAP), un organisme officiellement créé le 22 mai 2024. Ces décisions, prises sans consultation de la Haute Autorité de la Communication (HAC) et en violation des lois guinéennes, menacent gravement la liberté de la presse, pilier de toute démocratie.

Un climat de répression généralisée

Sous la direction du Comite´ National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), la Guinée a sombré dans une répression violente et une restriction injustifiée des libertés fondamentales. Depuis 2022, les manifestations pacifiques sont systématiquement réprimées, entrainant la mort d’une cinquantaine de personnes, principalement des jeunes, victimes de tirs a` balles réelles par les forces de défense et de sécurité.

Malgré´ les multiples décès lors de protestations en janvier, février et mars 2024, aucune enquête judiciaire sérieuse n’a été´ menée, alimentant un sentiment d’impunité et d’injustice profonde.

Des violations des droits humains toujours plus graves

Ces dernières années, la Guinée a été´ le théâtre d’une recrudescence des violations graves des droits humains, d’énoncées par des organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que par des représentations diplomatiques a` Conakry, notamment celle des États-Unis. Ces violations incluent des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des actes de torture en détention. La mort suspecte du général Sadiba Koulibaly, ancien chef d’état-major général des armées et numéro deux du CNRD, ainsi que l’enlèvement d’activistes de la société civile comme Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, Mamadou Billo Bah et d’autres, ajoutent à l’inquiétude croissante quant a` la situation des droits humains dans le pays.

Un appel à la France pour un engagement ferme

Les relations historiques et les liens humains entre la France et la Guinée confèrent à la France une responsabilité particulière. Nous appelons la France à utiliser sa coopération bilatérale pour faire pression sur le gouvernement guinéen afin qu’il respecte ses engagements internationaux en matière de droits humains. En conditionnant son aide militaire et économique à un respect total des droits humains, la France peut jouer un rôle crucial pour rétablir la liberté´ de la presse, garantir les droits de réunion et de manifestation pacifiques, et protéger les droits des partis politiques et des détenus en Guinée, tout en favorisant un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Un soutien international nécessaire pour la Guinée

La France, en coordination avec ses partenaires comme la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies, doit exercer une influence déterminante pour que la Guinée s’engage sur la voie du respect des droits humains. Il est impératif que la France mette tout en œuvre pour encourager la mise en place d’institutions démocratiques solides et d’un cadre légal garantissant les libertés publiques.

Pour une Guinée respectueuse des droits humains

La situation en Guinée est actuellement critique et nécessite une intervention urgente de la communauté internationale, en particulier de la France. Nous appelons cette dernière à endosser pleinement son rôle de défenseur des libertés et à agir avec détermination pour soutenir le peuple guinéen dans sa quête de liberté, de justice et de dignité. La France doit contribuer à faire de la Guinée un modèle de respect des droits humains en Afrique de l’Ouest, ce qui lui permettra de défendre efficacement ses intérêts dans cette région. Un soutien international est essentiel pour garantir la sécurité des citoyens guinéens, promouvoir le dialogue entre le CNRD et les partis politiques représentatifs, et permettre un retour rapide à un gouvernement civil légitime.

Signataires :

  • Titi Sidibe (Belgique)
  • Alpha Diallo (France)
  • Boubacar Diallo (France)
  • Zenab Martin Fofana (Angleterre)
  • Abidine Bayo (France)
  • Hector Guilavogui (France)
  • Aboubacar Akoumba Diallo (Etats-Unis)
  • Aliou Niane (Etats-Unis)
  • Kadidiatou Bah (France)
  • Mamadou Dansa Kante (France)