La société civile guinéenne, avait accepté par le passé d’annuler ses manifestations à la demande des chefs religieux. Ces derniers ont commémoré l’anniversaire de la prise du pouvoir par leur bienfaiteur, auraient dû mettre l’occasion à profit pour demander la libération de, deux activistes de la société civile. Il n’en a rien été. Cette célébration dans le plus grand lieu de culte musulman de la Guinée suscite l’incompréhension et l’indignation.

Ces chefs religieux déjà sur la selecte enfoncent le clou. Ils sont accusés de choisir le camp du fort et du nanti. Ce n’est pas nouveau. Le nouveau, c’est le cadre choisi pour l’événement. Que la salle de prière du secrétariat général des Affaires religieuses ou une autre mosquée servent de cadre pour un anniversaire hautement politique, c’est une chose. Que cela se fasse à la mosquée Fayçal, c’en est une autre.

Que les chefs religieux musulmans de Guinée organisent une cérémonie de lecture du saint coran, c’est aussi du déjà vu et entendu. Nous y reviendrons plus tard. Mais que ce soit pour célébrer un anniversaire, l’occasion était inopportune. Voire totalement incongrue. Surtout que certains d’entre eux jusqu’ici, étaient reconnus pour leur piété et leur probité morale.

De manière générale, les chefs religieux musulmans de Guinée se sont toujours rangés du côté du pouvoir. Arguant que la démocratie pluraliste est une invention judéo-chrétienne qui n’est ni adaptée à nos traditions ni à l’Islam. Pour justifier l’injustifiable, ils font référence au verset coranique qui dit : « Ö Allah, Tu donnes l’autorité à qui tu veux et Tu arraches l’autorité à qui tu veux. Et Tu humilies qui tu veux » (sourate 4 : les femmes.) Pour eux donc, désobéir au chef c’est désobéir à Dieu. Mais contradiction : où le même chef n’a pas obéi à son chef à lui, l’a même humilié. C’est connu : la victoire a beaucoup de parrains.

Dans le même coran, Dieu dit dans la sourate 5 Al-mait : « Celui qui ôte une seule vie sans raisons valables est aux yeux du Créateur comme celui qui a décimé l’humanité entière ». Une raison suffisamment valable pour les chefs religieux de contribuer à mettre fin aux tueries des manifestants. S’ils n’y parviennent pas ils peuvent prendre leurs distances avec le pouvoir politique comme le font les chefs religieux chrétiens. Leurs faits et gestes donnent le sentiment qu’ils cautionnent tout ce qui se passe.

En outre, si la lecture du saint coran devait protéger le chef, le président Lansana Conté serait encore au pouvoir. Tant le même secrétariat aux Affaires religieuses a organisé des cérémonies de lecture du coran pour l’« unité nationale, la paix et la santé du chef de l’Etat ». Des erreurs du passé, dont parle Mamadi Doumbouya, ces pratiques qui montrent les limites.

Pour la justice, la primauté du droit, la paix et l’unité nationale, les Guinéens eussent été heureux si les chefs religieux en délégation avaient plaidé auprès du général la cause des deux activistes disparus. Comme à l’accoutumée, ils ont une nouvelle fois choisi le mauvais côté de l’histoire. Chacun répondra de son rôle dans notre histoire tumultueuse.

Habib Yembering Diallo