Depuis le 29 juillet, la Guinée s’est enrichie dans un domaine où elle n’est pas dépourvue : la Constitution. La France n’a guère changé la sienne depuis notre divorce le 2 octobre 1958. Insatisfaits ou sophistiqués, nous en sommes à notre sixième en 66 ans d’indépendance pour onze ans d’espérance de vie en moyenne. Une inflation certaine, au regard des standards internationaux.
Nul besoin d’avoir usé la culotte en amphi de droit pour constater que chacune de nos constitutions a secrété sa spécificité. La première, celle, provisoire, du 10 novembre 1958, a dû battre le record de clarté, de bonne foi, de consensus, forte de 2 046 mots et 53 articles. Elle devait être peaufinée puis adoptée par référendum. Que nenni ! Le sort de la Guinée s’est joué dans cet interminable report. Pour que toutes les têtes se placent impeccablement sous le bonnet suprême.
Le 14 mai 1982, meurtri, tétanisé, dépourvu de tout, dans tous les sens du terme, le pays s’est retrouvé sous la coupe de la deuxième constitution qui en a fait sa chose. La Guinée devient un Parti-État à la merci du Responsable Suprême de la Révolution, le Président Ahmed Sékou Touré. Les 4 972 mots des 93 articles imposent aux Guinéens la chape de plomb la plus terrible de leur douloureux parcours. Au nom de la dignité et de la liberté. Ils finiront par sacrifier toutes les valeurs humaines à l’autel de la survie.
A l’effondrement de la deuxième constitution le 3 avril 1984, l’Histoire ne pouvait que s’emballer. Personne, le plus rabougri des civils compris, n’a tympanisé le Comité Militaire de Redressement National du Colonel Conté « pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. » Fory Coco est rentré en quasi héros de la conférence de la Baule en juin 1990. Après 5 ans de transition silencieuse. La Guinée n’a renoué avec ses vieux démons que face à la dévaluation du kaki par rapport au basin brodé du CMRN, accompagné des yeux ultra doux du CTRN de Sory … Doumbouya (!) Les vieilles habitudes ne meurent pas aussi facilement, surtout quand elles sont issues d’un pouvoir forgé dans un Parti-État mû par une révolution sans âme.
Aussi, la constitution de 2010 a-t-elle été accouchée dans une relative simplicité, sous l’œil bienveillant d’un certain Dr. Dansa Kourouma, le secrétaire de sa présidente, feue Hadja Rabiatou Sérah Diallo. Comme à ses habitudes, Alpha grimpera sur tout ce qui pousse pour s’emparer de la présidence de la République. Il multiplie constitutions et sirènes révisionnistes rien que pour se faire débarquer le 5 septembre 2021. Conséquence : on nous rend Dansa Kourouma et notre CNT chéri. A leur tour, ces deux-là nous offrent un avant-projet de constitution et un silence des plus assourdissants.
L’avant-projet, du génial. Tout y est, droits et devoirs du citoyen, libertés pleines et entières, toutes les institutions de gouvernance, tout l’arsenal pour gouverner ; séparations de pouvoirs sans reproche : président de la république, premier Ministre différent du garçon de course habituel, un gouvernement qui gouverne, des gouvernés au sens plein du terme. Bref, un document de quelque 18 000 mots dont 3 100 consacrés au président de la République, 456 au PM, 177 au reste du gouvernement. La démocratie en marche, grand dieu !
Question : Qui pour faire marcher une démocratie sans démocrates ? Ne levez pas tous la main !
Diallo Souleymane