L’histoire de la Guinée va-t-elle se répéter ? Les Guinéens manquent-ils si cruellement d’idées qu’ils tournent en rond face à leur destin ? Deux questions en une, en cette période d’incertitude et de confusion. Pour peu que l’on regarde autour de nous, le soutien prématuré au chef fait l’actualité à lui tout seul. Les réseaux sociaux nous y obligent. Le paradoxe crève l’œil : nous soutenons nos chefs pour accélérer leur chute. Peu honnête, honteux à la limite, notre attachement indéfectible porte en permanence les germes de la division, les signes de l’exclusion, le verdict de l’injustice, l’ADN de l’échec de celui que nous prétendons soutenir. Pour le ventre, la poche et les proches.
Un survol furtif de nos 66 ans d’indépendance suffit pour évaluer la qualité de notre soutien. Nous avons toujours encouragé, conditionné, poussé nos dirigeants à distinguer «les amis des ennemis», les révolutionnaires des contre-révolutionnaires ; les Guinéens des anti-Guinéens ; les citoyens des apatrides ; les nationalistes des mercenaires. Quand le plus grand bénéficiaire de notre indéfectible attachement, le Président Ahmed Sékou Tyran, s’est éteint le 26 mars 1984 à Cleveland, la Guinée entière s’est réveillée dans le camp des perdants. Il s’en est fallu de peu que le coup d’État des colonels Diarra et Conté, perpétré peu après l’enterrement, ne mette à nu notre capacité de combattre le soir ce que nous avons soutenu le matin. La personnalité du chef, omniprésente, met celle du pays à l’infinitif. Dès lors, comment appuyer concomitamment deux chefs, deux colonels rivaux ? Quelqu’un doit tirer le premier pour émerger. Peu en importe le prix. Surtout que le Guinéen est daltonien. Il ne voit pas le rouge, encore moins le rouge-sang. En juillet 1985, le Général Conté émerge des lacs : Cosalac, Mosalac, Morelac, jusqu’au Cérélac, pour perpétuer l’infantilisme.
Plus près de nous, dans la promiscuité de l’Hôtel 5 étoiles de Coronthie, le Capitaine El Dadis Camara a certainement évalué, sur le tard, le poids réel de nos experts-es soutien. Avant de s’éclipser, les plus fieffés de ses anciens confidents ont pris juste cinq minutes pour «témoigner» devant le tribunal de Dixinn délocalisé à Kaloum. Le Général El Tigre Konaté l’aura échappé belle. Drôle de chance ou l’exception qui confirme la règle ? Le plus téméraire sur ce chemin de la perdition s’appelle Alpha Grimpeur. Pseudo universitaire, il tombe sur une foultitude de soutiens, sensibles, sans exception, à «la mélodie des sirènes révisionnistes.» A présent, il gère péniblement sa solitude d’Istanbul. Les autres se sont fondus dans les rangs des applaudisseurs du 5 septembre 2021.
Fin 2024, le Général Mamadi Doum-bouillant saura-t-il résister aux vivats à la mode pour prouver qu’il est un habitué tenace des «premières ?» Premier de notre Grande Muette à dégainer pour sauver sa vie. Du complot Kaman-Fodéba aux acrobaties pour la survie de «nos militants en uniformes», l’Histoire aura du mal à enseigner comment pointer le fusil sur un président vivant et en sortir vivant. Le patron de la Transition viendra-t-il à bout des fossoyeurs déguisés en soutiens ? Vus de près, les outils de l’échec sont déjà affutés : tournois de football sur terrains marécageux, Djokkein Doumbouya comme sous Alpha, associations de ceci, coalitions de cela, le décor semble planté. Au chef de jouer, comme le 5 septembre 2021 !
Diallo Souleymane