Après un séjour de dix jours en Chine où il a participé au Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), Mamadi Doumbouya est rentré au bercail ce 11 septembre. Dans le centre-ville de Kaloum, comme sur tout son itinéraire depuis l’aéroport de Gbessia, ses soutiens lui ont réservé un accueil digne de celui qui cherche à s’éterniser au pouvoir.

C’est la campagne avant l’heure ! Alors que des cadres (en bois) se grouillent en Guinée-Forestière pour faire passer l’idée d’une candidature du chef de la junte, le CNRD et son goubernement s’activent à démontrer que l’avenir de la Guinée se fera avec Mamadi Doum-bouillant. Ils ont organisé un accueil pour le Prési du CNRD dont la candidature présidentielle a l’air d’être désormais un secret de polichinelle. Un accueil qui avait d’ailleurs tout l’air d’un début de campagne avant l’heure.

Les membres du CNRD et du goubernement n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire sortir du beau monde le long de l’autoroute Fidel Casse-trop. Histoire d’acclamer le boss et démontrer qu’il est plus populaire qu’on ne l’imagine. De l’aéro-hangar Ahmed Sékou Tyran de Gbessia au Palais Mohammed V, en passant par Kénien, Madina, Donka, Coléyah, Tombo, Coronthie ou encore Almamya, des groupes de personnes ont été acheminés par minibus. Le trajet était également réparti entre communes, départements ministériels, institutions nationales et autres directions nationales. Entre le carrefour Donka et l’échangeur du 8-Novembre par exemple, les travailleurs des mystères de la Santé, des Grises-mines et de l’Enseignement pré-universitaire y étaient affectés. Ils n’ont pas voulu se faire compter l’évènement.

« Mamadi Doumbouya jusqu’en 2040 »

Tous ou presque arborent des t-shirts à l’effigie du général Doum-bouillant. Ils tiennent des banderoles dans lesquelles on peut lire : « Simandou 2040, un pont vers la prospérité » ; « Oui à la continuité, oui à l’avant-projet de la nouvelle Constitution» ; « Kaloum dit oui au pouvoir de Doumbouya.»

Ces uniformes seraient mis à la disposition des ‘’partisans’’ par les Délégations spéciales de Matam et de Dixinn, ainsi que certains chefs de quartier. Un responsable d’un mouvement de soutien justifie la mobilisation : « Nous voulons montrer que le général Mamadi Doumbouya est digne de diriger pendant de nombreuses années. Nous sommes là pour le soutenir et l’accompagner.»   

Jusqu’aux abords du Palais présidentiel, ce sont des chants et des danses. La musique de l’artiste Singleton, ‘’Golo Guèmè’’, pourtant incriminée par l’Oprogem (Office de protection des genres, de l’enfance et des mœurs), tourne en boucle sous le regard admiratif des flics, pandores et bidasses. Ceux-ci ont été déployés en nombre sur tout le trajet avec des blindés et même des roquettes. Comme d’habitude. Des slogans hostiles aux détracteurs de la junte sont entonnés. Devant la morgue de l’hosto Donka, un travailleur du MEPU-A distribue des t-shirts. Il s’enorgueillit : « Nous ferons tout, distribuerons même de l’argent pour empêcher les faux politiciens de revenir au pouvoir. Mamadi Doumbouya jusqu’en 2040. » Il faut noter que beaucoup de personnes, des jeunes et femmes notamment, auraient été mobilisés à coût d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Impressionnant dispositif sécuritaire

A Kaloum, tous les ‘’supporters’’ du CNRD ont pratiquement le même langage : la candidature de Mamadi Doumbouya. Ils estiment que les actes posés durant ces trois années plaident en sa faveur. Le Chef de la junte, lui, est arrivé dans la presqu’île de Kaloum peu après 16h. Il a troqué son treillis contre une veste noire, le drapeau de la Guinée sur ses épaules. Il est accompagné d’un dispositif sécuritaire des plus impressionnants. Plus d’une cinquantaine de blindés et de pick-up de l’armée. La foule, bien qu’agitée, est tenue à bonne distance. Il lui a fallu seulement moins de 20 minutes pour traverser le centre administratif via Tombo, Sans-Fil, Marché Niger, Commissariat central, Banque centrale, avant de s’engouffrer dans la forteresse Mohammed V. Ni lui ni ses lieutenants n’ont pipé mot. C’est Dansa Kourouma, prési du CNT, face aux acclamations, qui a fait un signe des mains indiquant comme pour dire que « c’est terminé, Doumbouya est plébiscité ».

A Kaloum, ce mercredi, l’administration était paralysée, tout comme la plupart des marchés. Seuls quelques commerçants ont osé ouvrir au Marché Niger. Il faut également signaler qu’il y en avait à Kaloum des indifférents. Ces derniers estiment que les préoccupations majeures des Kaloumkas sont la situation des victimes de l’explosion le 18 décembre 2023 du dépôt central d’hydrocarbures et les inondations causées par les fortes pluies de ces derniers mois. Toutefois, le jour de retour du « Soleil » (nom de code attribué à Mamadi Doum-bouillant) est resté ensoleillé.

Yacine Diallo