Le Comité National du Rassemblement et du Développement va souffler trois bougies marquant l’an 3 de la prise du pouvoir le 5 septembre 2021. Comme de coutume, nous allons jeter un regard rétrospectif sur les trois années de la transition. Une transition qui a suscité beaucoup d’espoirs à ses débuts, espoirs fondés sur la toute première déclaration du Président de la transition : « L’instrumentalisation des institutions républicaines, de la justice, le piétinement des droits des citoyens, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique ont amené l’armée guinéenne, à travers le Comité national du rassemblement et du développement, à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple souverain de Guinée, dans sa totalité… » A la lumière de cette déclaration, il y a lieu d’évaluer, sans passion, la situation qui prévaut actuellement chez nous.
Nous l’avons maintes fois souligné, nonobstant les bonnes intentions et dispositions des autorités de la transition, une erreur de casting a fortement porté préjudice au bon fonctionnement de l’administration centrale. En effet, notre transition a réalisé la performance d’enregistrer en l’espace de trois ans, trois gouvernements. Ce qui en dit long sur cette instabilité gouvernementale. Les statistiques ci-après parlent d’elles-mêmes :
- Nommé le 6 octobre 2021 aux fonctions de Premier ministre, chef de gouvernement, Mohamed Béavogui est resté au Palais de la Colombe jusqu’au 16 juillet 2022, pour une durée de neuf mois dix jours.
- Son successeur, Bernard Goumou, confirmé le 20 août 2022, a occupé ce poste jusqu’au 19 février 2024, soit dix-sept mois et 19 jours.
- Et depuis le 27 février 2024, le troisième locataire du Palais de la Colombe est Amadou Oury Bah.
N’ayant pas encore atteint l’émergence souhaitée, à part le gouvernement de consensus de 2007, constitué à l’époque d’un nombre raisonnable de ministres, nos autorités successives s’obstinent à doter le pays de gouvernements pléthoriques. Figurant parmi les pays les moins avancés, il serait de bon ton de faire la politique de notre économie. En d’autres termes, il s’agit de gérer de façon parcimonieuse les ressources financières à disposition. Et dans cette veine, l’explosion du dépôt central de carburant en décembre 2023 aurait pu constituer un argument massue, pour constituer un gouvernement recentré, chargé de mener à bon port les réformes que cette catastrophe impose.
Au plan politique, le plus dur reste à faire dans la mesure où les annonces faites pour le déroulement du chronogramme devant mener au retour à l’ordre constitutionnel enregistrent un inévitable glissement. Annoncé pour la fin du premier trimestre de l’année en cours, l’avant-projet de la nouvelle constitution a été rendu public seulement le 29 juillet dernier. A l’évidence, cette année ne connaîtra probablement que la tenue du référendum. Un constat qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement entre les Forces vives et les autorités de la transition. Face à ces deux positions tranchées, pour éviter un clash préjudiciable au pays, l’intervention d’une médiation indépendante et au-dessus de la mêlée ne serait pas de trop. Nonobstant la mission de refondation qu’elle s’est assignée, nous ne devons pas perdre de vue que la transition doit aboutir au retour à l’ordre conditionnel dans des conditions apaisées avec la participation de tous les acteurs.
Thierno Saïdou Diakité