Pour justifier sa défaite de 2020, Donald Trump avait dénoncé une fraude électorale. Incitant ses partisans à emboîter le pas aux républiques bananières. Ses partisans prennent d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021. Ce précédent rappelle Oscar Wilde « Les Etats-Unis forment un pays qui est passé de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation ». Mais Kamala Harris a redoré le blason du pays de l’Oncle Sam. Contrairement au spectre et au chaos que son concurrent brandissait, si jamais il était déclaré perdant, les Démocrates ont réédité la tradition en reconnaissant leur défaite.

Le chaos de 2020 est donc évité. Du moins provisoirement. Car les 4 prochaines années s’annoncent palpitantes. Pour le moment, Kamala Harris a rendu à César ce qui appartient à César. Elle a appelé son challenger pour le féliciter. Pour le plus grand bonheur de la démocratie, la grandeur et le prestige de l’Amérique clouée au pilori par le désormais nouveau président il y a 4 ans. Mais avec l’élection de Trump, commencent les choses sérieuses voire dangereuses. L’homme, qui ne s’encombre pas de discours diplomatiques, démagogiques et politiquement correctes, semble plus que jamais convaincu qu’il a une mission quasi divine : rendre l’Amérique aux Américains. N’en déplaise aux autres habitants du petit village planétaire. Y compris ses alliés traditionnels que sont les Européens.

Lui qui a battu campagne sur la préservation de la vie, entendez l’interdiction de l’avortement, en opposition avec sa concurrente qui prône la liberté pour chaque femme de disposer de son corps, tout le contraire de Trump qui ne veut pas entendre parler d’interruption volontaire de grossesse. Et, visiblement, la majorité des Américains est sur la même longueur d’ondes que lui. Contrairement à ce qui se passe dans certains pays européens champions du monde en polémique stérile, la religion et la morale ont encore droit de cité dans cette Amérique de tous les contrastes.

Durant les 4 prochaines années, la première puissance du monde va nous livrer ses fraques et ses déclarations ubuesques. Elle va fouler au pied les principes sacro-saints de la diplomatie pour remuer le couteau dans la plaie du monde entier. Un monde dont les dirigeants disent ce qu’ils ne font pas et font ce qu’ils ne disent jamais. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard rétrospectif sur les différentes déclarations d’intention et les résultats auxquels ils ont abouti : comme les Objectifs du développement durable, ancêtres des Objectifs du millénaire pour le développement. Ou encore l’éducation et la santé pour tous avant l’an 2000.

La différence entre Trump et les autres chefs d’Etat des pays développés, c’est que lui dit tout haut ce que les autres murmurent tout bas. Aucun dirigeant du monde, encore moins occidental, ne se bat pour les autres pays. L’élection de Barack Obama avait suscité beaucoup d’illusions en Afrique. Nombre d’habitants du Continent noir espéraient que le premier président noir des Etats-Unis ferait de l’Afrique le 51ème Etat américain. Quelques années plus tard, les illusions s’étaient effondrées. Prouvant à l’Africain qu’Obama avait été élu par les Américains, pour les Américains.

Les migrants au piège

Il est superflu de dire que l’élection de celui dont le thème de campagne a été l’immigration, inquiète en Afrique. Particulièrement au Sénégal et en Guinée que les citoyens ont quittés massivement ces dernières années pour le nouveau monde. Avec l’élection de Trump, l’espoir s’amenuise. Aujourd’hui, la situation est plus qu’inquiétante. Les Noirs, même ceux qui sont en situation régulière, ne savent pas de quoi sera fait demain. A plus forte raison les sans-papiers. Ceux dont l’accès au sol américain a été facilité par l’Administration Biden et qui se retrouvent dans une situation peu enviable. Donald Trump connaît le mal dont souffre son peuple. Il a battu campagne sur deux thèmes : l’économie et l’immigration. Encore que pour la première, la situation est loin d’être catastrophique, avec un taux d’inflation de 2,4%.

Le nouvel élu jette donc son dévolu sur son thème favori, l’immigration. Menaçant de reconduite les migrants à la frontière. Il sait que la clause du nouveau contrat qu’il vient de signer avec son peuple s’appelle arrêt de l’immigration. Ce qui n’augure rien de positif pour les migrants. Dont certains ont vendu biens mobiliers et immobiliers pour prendre la route via le Nicaragua. Ce pays que peu de personnes connaissaient avant cette vague de départs, a vu des centaines de milliers de migrants transiter par Managua pour le nouvel Eldorado.

Ceux-ci se retrouvent dans l’œil du cyclone. Surtout ceux qui ont tout vendu, ou tout emprunté dans l’espoir de rembourser une fois sur la terre de leur rêve. Un rêve qui devient un cauchemar. Le nouveau président, ayant la majorité au Congrès et même à la Cour suprême, a les coudées très franches pour appliquer sa politique de tolérance zéro pour les immigrés. Lesquels pourraient apprendre à leurs dépens ce slogan cher aux Anglo-saxons : No place like home. Heureusement que les verrous de l’Etat de droit ne peuvent pas sauter d’un trait.

Habib Yembering Diallo