C’est sans conteste l’un des personnages les plus influents et controversés de la Guinée qui a tiré sa révérence le 31 octobre dernier à Conakry. El Hadj Sékhouna Soumah, le Kountigui de la Basse-Guinée, aura fait la pluie et le beau temps en Basse-Côte. Malgré les embûches, l’homme aura maintenu le cap jusqu’à son dernier souffle. Le leader d’opinion dont le charisme est reconnu par ses pires ennemis, a fait l’objet de toutes les pressions et de toutes les récupérations politiques. Parfois, il a joué le jeu. Mais l’histoire retiendra qu’à la fin de son séjour sur terre, il a mis l’intérêt du peuple au-dessus du sien. Notamment, lorsqu’il a été question du funeste projet de Troisième mandat.
Tanéné, où l’homme a passé sa vie et dont il était le chef, est à la Basse-Guinée ce que cette région est à la Guinée : la capitale et les ports constituent un avantage et un privilège pour la Basse-Guinée. Dans cette région côtière, Tanéné, chez le Grand patriarche, occupait et occupe encore une position stratégique. C’est le carrefour de la ville d’alumine de Fria, celle de la bauxite de Boké. Tanéné fut aussi, pendant près d’un quart de siècle, la route qu’empruntait presque quotidiennement le président paysan pour se rendre dans son village natal à Moussaya. Tanéné, la bien nommée Ville nouvelle en langue soussou, est une sous-préfecture pas comme les autres.
Tanéné pleure son fils, Sékhouna Soumah, Président de la commune rurale, il aura fallu le coup d’Etat de septembre 2021 et la traîne des délégations spéciales, pour que l’homme cède la place. Sa santé qui se détériore présage du pire. La vie est une maladie mortelle qu’on attrape dès la naissance. Quelle bouche d’or !
Mais la vie, qu’elle dure 20 ans ou 100 ans ne prend sens que par les actes posés par l’homme durant son éphémère passage sur terre. Pour El Hadj Sékhouna Soumah, la fin aura été des plus souhaitables. Pressentant le rendez-vous du 31 octobre tout proche, il choisit le camp de l’opprimé pour le grand courroux de l’oppresseur. Avec son compère, El Hadj Ousmane Baldé « Sans loi », il s’oppose à la modification des règles du jeu en plein match. Voué aux gémonies par le camp présidentiel, vilipendé, violenté verbalement et physiquement, l’homme reste droit dans ses bottes : pas question de soutenir l’insoutenable. On se souvient des propos injurieux de certains jeunes de la mouvance présidentielle traitant le vieil homme de tous les noms d’oiseaux avec la bénédiction du palais.
Les consultations pour le forcing avaient été menées tambour battant par un de ses proches. Pour lequel il était inimaginable que le patriarche lui refuse son soutien. C’était sans compter avec la volonté du Kountigui de couronner sa carrière dans la dignité. Alors que le pouvoir corrompu espérait que son soutien passerait comme lettre à la poste, le vieil homme balayera cette conjecture d’un revers de la main. Montrant ainsi à la postérité que, contrairement aux idées reçues, le débat ne se pose pas en termes de génération. Si, parfois la vieillesse peut être aux antipodes de la sagesse, avec El Hadj Sékhouna Soumah, vieillesse rime parfaitement avec sagesse.
Et pour le mettre définitivement à l’abri d’une nouvelle tentation, le Créateur a décidé de le rappeler à lui avant une échéance décisive à laquelle il devait faire l’objet de nouvelles pressions : une certaine candidature qui déchaine déjà les passions. Sékhouna Soumah est parti avec sa couronne de chef incontesté et incontestable. Laissant derrière lui ceux qui avaient choisi des voies peu recommandables pour annoncer sa destitution et son remplacement. Maintenant que la nature a joué son implacable rôle, la Basse-Guinée devra se choisir un nouveau Kountigui.
Les prétendants n’ont même attendu l’annonce du décès du Kountigui pour entamer les tractations. Le jeu en vaut la chandelle. La bataille s’annonce des plus rudes. Les nouveaux maîtres du pays sont seuls maîtres à bord dans l’organisation des funérailles d’El Hadj Soumah. Le Cas-Sorry qu’il ne portait pas dans son cœur de à cause du Troisième mandat, médite à Coronthie. Cellou Dalein et Sidya Touré doivent se contenter d’adresser un message de condoléances au peuple de Guinée et à la famille éplorée. Alpha Grimpeur, quant à lui doit se dire que la mort tait les rancunes et rancœurs et emboîter le pas à ses ex-opposants.
Habib Yembering Diallo