Faim octobre, le MATD a publié son rapport d’évaluation des partis politiques. Il en ressort que nul n’est en règle, y compris l’évaluateur ?
A la lumière de l’évaluation réalisée du 17 juin au 30 septembre, aucun des 211 partis politiques répertoriés en Guinée n’a validé son examen : 53 sont en conséquence dissous, 54 suspendus, 67 mis sous observation et 37 non évalués. Un verdict de la Direction nationale des affaires politiques et de l’administration électorale (Dnapae) du Ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation (MATD), assisté du cabinet français Nexyme consulting.
Les dix-sous et les suce-pendus
A propos des dissous, le doc précise : « Ces partis politiques, depuis leur création, n’ont pas participé à une élection, ne possèdent pas de responsables, ne détiennent aucune adresse électronique ni physique ». Bref, des machins fantômes, dépourvus d’existence légale.
Tandis que la NGR d’Abeille Sylla, NFD de Moutard Diallo, UFD de Mamadou Bah Baadikon, UGDD du ministre des Scores Bogola Haba, les anciens partis au pouvoir PUP de Faux-dé Bangoura et PDG que dirigeait Ahmed Sékou Tyran (agréé depuis le 14 mai 1947) sont du lot des suspendus.
Il leur est reproché pas moins de sept péchés : agrément non valide (cela concerne 47% des partis évalués); non fourniture de la liste des membres de l’organe de direction ; existence d’un conflit interne en cours entre les membres de l’organe de direction ; absence d’un compte bancaire au nom du parti ouvert en République de Guinée; non tenue de la comptabilité annuelle de gestion du parti politique…
Durant trois mois calendaires, ils sont interdits d’activités. En cas de non régularisation des manquements à l’issue de la période de suspension, bonjour la dissolution !
Les partis sous…perfusion
C’est la catégorie des partis les plus respectables et qui s’enorgueillissent de leur poids politiques. On y retrouve, entre autres : RPG arc-en-ciel d’Alpha Grimpeur ; UFDG de la Petite Cellule Dalein Diallo ; UFR du Sid Touré ; ADC BOC d’Ibro Sory Diallo alias le bègue ; GRUP de Papa Colis Kourouma ; Model d’Aliou Bas ; MDPG de Siaka Barrit ; PEDN de Lansana Kou-raté ; PADES d’Ousmane Kabako ; UDG du Scylla de Dixinn-Bora ; UDRG d’Amadeus Oury Bah ; UFC de Zagamort (ou vif) Sylla ; UPR d’Oussou Koutchoun Bah ; BL de Faya Mini-mono…
Non tenue du congrès du parti politique dans les délais, conformément aux statuts et règlement intérieur; non fourniture ou fourniture partielle des relevés bancaires sur les 3 dernières années; fourniture partielle des états de comptabilité annuelle sur les 3 dernières années; absence de preuves justificatives de paiement des cotisations des membres sur les années 2021, 2022 et 2023 ; non déclaration des dons et legs reçus du parti politique, avec les montants et les donateurs sur les années 2021, 2022 et 2023 sont, entre autres, griefs qui leur sont faits.
« Pendant la mise sous observation d’un parti politique, qui court à compter de la date de notification par le MATD et pendant une période de 3 mois calendaires, le parti politique continue normalement ses activités, mais est tenu de régulariser tous les manquements constatés », enjoint le MATD. Faute de quoi, c’est la suspension. Pour y échapper, en guise d’exemple, RPG et UFR ont treize critères à satisfaire en trois ; UFDG (sept).
Qui finance nos partis ?
« Les partis politiques doivent respecter les obligations légales et règlementaires qui régissent leur existence et leur fonctionnement », rappelle le rapport. Sauf que la réalité est tout autre : 85 partis (40%) n’ont aucune implantation nationale ; 97 sur les 211 partis évalués n’ont pas indiqué la périodicité de leur congrès ; 64% (76 dont l’agrément est valide) n’ont pas respecté le délai de tenue de leur congrès. « 107 partis politiques ayant un agrément valide ont fourni la composition de leur bureau exécutif national, mais aucun n’a fourni de PV de nomination des membres des bureaux exécutifs. »
La mission d’éducation politique et civique fait gravement défaut : « Aucun parti politique n’a réalisé le nombre minimum de 3 sessions annuelles de formation/sensibilisation de ses militants, sur les 3 dernières années. 84% des partis politiques disposant d’un agrément n’ont aucun plan de formation/sensibilisation. »
Le bât blesse également (et surtout) en matière de transparence financière : « 1/3 des partis disposant d’un agrément n’ont pas de compte bancaire, alors que 75% de partis n’ont pas fourni de relevés bancaires ! » Ce n’est pas tout : « À quelques rares exceptions, les partis politiques ne tiennent pas leur comptabilité, renchérit le doc. Seuls 30 % des partis ont réalisé un inventaire de leur patrimoine sur les 3 dernières années. » « De manière générale, les partis politiques font preuve de peu de transparence sur l’origine de leurs sources de financement. Moins d’1/4 des partis politiques disposant d’un agrément ont pu présenter des registres de leur financement. »
Légalité à géométrie variable
Les autorités justifient la tenue de cette évaluation inédite par leur souci de renforcer l’encrage démocratique du pays, d’assainir l’échiquier politique. Et ce conformément à la loi organique L/91/002/CTRN du 23 décembre 1991, portant Charte des partis politiques. Sauf que les évaluateurs sont accusés de violer leur propre Charte de la transition ; leurs engagements de ne pas candidater aux prochaines échéances électorales. Les droits humains et les libertés publiques sont foulés au pied, avec à la clé des disparitions forcées, des arrestations et détentions hors procédure judiciaire, des morts dans des conditions troubles.
Difficile de ne pas soupçonner que derrière cette volonté d’assainir se cache celle d’éliminer des adversaires gênants, en vue de dégager la voie au général Mamadi Doum-bouillant s’il venait à franchir le pas de confirmer sa candidature aux futures sélections.
A l’affirmation selon laquelle les partis politiques sont à base ethnique, les aigris raillent en relevant que la plupart des responsables du mystère de l’Administration du trottoir et de la décentralisation viennent de la Haute-Guinée, la région du prési de la transition et du ministre. Pire, depuis 2011 le MATD est la chasse gardée des Condés : Alhassane (2011-2015) ; Bouréma (2015-2021) ; Mory (octobre 2021-février 2024) ; Ibrahima Kalil (depuis mars dernier). Comme quoi, entre évaluateurs et évalués, nul n’est irréprochable ; c’est juste que la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Diawo Labboyah