L’opération d’évaluation des partis politiques par le ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, MATD, a abouti à quelque chose qui ressemble fort au nettoyage des écuries d’Augias auquel on contraignit naguère Hercule lors des douze travaux qu’on lui imposa, pour éprouver sa force et son endurance. Enfin voici le landerneau politique nettoyé de la pléthore de particules qui, loin de simplifier le rôle des partis politiques dans la construction de la démocratie et la conduite de saines activités politiques, rendent plutôt inaudibles les choix idéologiques des partis ainsi que leurs modèles de société et de développement.
Convenons que plus de deux cents formations pour une population d’environ quatorze millions d’âmes, c’est trop ! Comme disait avec beaucoup de railleries le politicien guinéen, Jean-Lapin Doré ou Lapin Doré comme on l’appelle au Lynx, il y a des partis dont l’ensemble des militants peuvent tenir dans une cabine téléphonique. Je parie que beaucoup d’entre nous échoueraient au test où on demanderait aux candidats de citer dix partis du coin. Tentez l’exercice et vérifiez ! Le nombre superflu des formations politiques en Guinée en particulier et en Afrique en général amène à s’interroger sur la formation politique des fondateurs, leur compréhension de la mission de ces organisations sociales dans le processus d’édification du pays, en vue de l’atteinte du nirvana.
Dans les grandes et anciennes démocraties nord-américaines, européennes et asiatiques, ce sont les partis politiques qui incarnent les aspirations politiques, sociales et économiques des populations. Les Yankees en ont deux, les Gaulois, deux aussi et les sujets du roi Charles VI, deux encore ! Là-bas, les partis captent ces aspirations qui sont diverses, en font le substrat de leur épine dorsale politique, leurs programmes, leur projet de société.
Or, jusqu’à présent, les partis politiques, sous les tropiques, dans leur écrasante majorité, ne rassemblent pas autour des centres d’intérêt idéologiques les militants. On comprend alors que les leaders chevauchent un attelage chancelant, abracadabrant, avançant à hue et à dia. A la veille de l’instauration de la démocratie plurielle, le Président sénégalaid, Léopold Sédar Senghor, avait proposé et réussi, dans son pays, la création de trois formations politiques représentant les trois courants politico-idéologiques de l’époque, à savoir la gauche, le centre et la droite. Les Sénégalais restent attachés, aujourd’hui encore, à cette perception.
Dans la logique senghorienne si les combats d’égo et de course à l’enrichissement illicite sont des écarts, cette orgie de prétendants à la gouvernance de notre nation pourrait être réduite à trois courants de pensée politico-économique, porteurs de trois modèles de développement : capitaliste, social-démocrate et socialiste, avec des frontières poreuses.
L’éventail est suffisamment large et accommodant pour que tout le monde y trouve sa place. On n’aurait plus alors que trois grands courants offrant aux Guinéennes et aux Guinéens qui le désirent d’exprimer leurs opinions sur les thématiques nationales majeures, voire mineures. Avouons qu’il était temps de mettre de l’ordre dans le microcosme politique. Le ménage profitera à tous : gouvernants, politicards, populo. Il rendra plus crédible la démocratie et plus efficaces les subventions de l’Etat aux partis. Nomadisme et mendicité politiques s’étioleront. Avec le soutien d’Allah !
Abraham Kayoko Doré