Le général Abdoulaye Maïga est le nouveau Premier ministre de transition du Mali. Le décret présidentiel le nommant a été lu ce 21 novembre 2024 sur l’ORTM, la télévision d’État. La veille, les Maliens avaient appris de la même manière la révocation de Choguel Maïga et de tout son gouvernement. Révocation à laquelle il a réagi de manière offensive, dans la nuit, sur les réseaux sociaux. Après quelques jours de flottement, le rythme s’accélère : la nomination du général Abdoulaye Maïga était attendue. Explications.

Le général Abdoulaye Maïga connaît déjà le poste, puisqu’il avait assuré l’intérim à la Primature lorsque Choguel Maïga avait eu des problèmes de santé.

Abdoulaye Maïga était jusqu’à mercredi soir ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement. Il ne fait pas partie des cinq militaires qui avaient mené le coup d’État d’août 2020, mais il a rapidement su gagner leur confiance, prendre de l’envergure et s’imposer en pilier du régime de transition. Ministre d’État, Abdoulaye Maïga est d’ailleurs passé du grade de colonel à celui de général en même temps qu’Assimi Goïta et que les autres militaires putschistes, au mois d’octobre.

Depuis plus de quatre ans, les Maliens ont appris à connaître son ton martial et ses « phrases chocs » parfois répétées à trois reprises, pour marquer l’auditoire. Une marque de style à laquelle s’est ajoutée l’expression « à bon entendeur, tant pis », récemment prononcée à la tribune des Nations unies, lors d’une diatribe contre l’Algérie.

Quels objectifs, pour combien de temps ?

Sa nomination n’est donc pas une surprise. Le général Abdoulaye Maïga a désormais la charge de former un nouveau gouvernement de transition. Avec quelles personnalités, quelles missions, et pour combien de temps ? Telles sont les questions qui se posent désormais.

Au ministère de l’Administration territoriale, Abdoulaye Maïga était un interlocuteur des partis politiques. Il avait également la charge de la supervision des processus électoraux. Alors que l’annonce de futures élections, notamment présidentielle, semblait proche, certains acteurs politiques maliens craignent que cette nouvelle séquence ne repousse encore la fin de la transition et le retour à l’ordre constitutionnel.

Défense offensive de Choguel Maïga

Quant à son prédécesseur, Choguel Maïga, il semble bien décidé à rester présent sur la scène politique malienne. C’est ce que laisse penser le message qu’il a publié sur les réseaux sociaux cette nuit, quelques heures à peine après avoir été limogé, pour se défendre des accusations de « trahison » proférées à son encontre par les soutiens de la junte.

Une défense qui ressemble déjà – ou encore – à une offensive de la part de l’ex-premier ministre. À ceux qui l’accusent d’avoir servi le régime pendant trois ans et demi par opportunisme, Choguel Maïga répond qu’il a fait preuve de « patience », « pour faire avancer les choses dans le bon sens ». Il dénonce la « mission de déstabilisation » dont il aurait été victime, de la part d’anciens alliés de son mouvement, le M5-RFP, de « certaines institutions de la transition » ou de « membres du gouvernement ».

« Agents doubles » et « mercenaires »

Choguel Maïga vise directement celui dont il pouvait se douter qu’il allait lui succéder, le général Abdoulaye Maïga, qui aurait « clandestinement » créé une centaine de nouveaux partis politiques à son insu. Des partis formés, selon l’ancien Premier ministre, de « vrais ennemis de la transition », d’« agents doubles » et de « mercenaires », « mis à contribution » pour exiger sa démission.

Choguel Maïga ne dit rien de ses futures ambitions politiques, alors que de nombreux observateurs estiment que sa tentative de repositionnement en opposant s’inscrit dans la perspective d’une candidature à la prochaine, éventuelle, élection présidentielle.

Justice et calcul politique

Sa réaction virulente et immédiate laisse penser qu’il ne compte ni se taire ni faire profil bas. Les militaires au pouvoir le laisseront-ils faire ? Plus d’une dizaine d’opposants politiques et de figures de la société civile sont actuellement en prison pour bien moins que cela. Choguel Maïga est accusé par les soutiens des putschistes de « déstabilisation » et de « trahison ». Sera-t-il visé par des poursuites judiciaires ? Emprisonné ? Placé en résidence surveillée ? Ces questions relèvent désormais autant de la justice que des calculs politiques des militaires qui tiennent le régime : préfèreront-ils l’incarcérer pour le faire taire, au risque de contribuer à son image de défenseur martyr d’une transition dévoyée ? Ou choisiront-ils de le laisser suivre son agenda, en misant sur sa démonétisation politique ? 

David Baché