Étant donné que le secteur minier serait sur le point de devenir un élément indispensable pour le développement économique de la Guinée, allons tout droit dans le même sens que tous nos prédécesseurs sur ce sujet.  

Le secteur minier est souvent présenté comme étant un secteur porteur de croissance, vecteur du développement et de maintien du bien-être des populations. Malgré ce constat, les pays exportateurs de ressources minières restent sous-développés. D’où la théorie de la « malédiction des ressources » (Auty 1993 ; Sachts & Warner 1995). 

La Guinée, à l’image de beaucoup de pays en développement, fonde beaucoup d’espoir sur son secteur minier. Par ailleurs, les substances minérales produites dans notre cher pays sont, entre autres, la bauxite, l’or, le diamant etc.

Parmi ces ressources minières, la bauxite occupe une place importante, avec des réserves évaluées à plus de 40 milliards de tonnes. Selon les chiffres officiels, le secteur minier contribue pour près de 18% au PIB et représente en moyenne 79% des recettes d’exportations et près d’un tiers des recettes publiques de l’année 2023.

Nonobstant, le développement de ce secteur entraîne parfois, la négligence des autres secteurs d’activités tels que : l’agriculture, l’élevage, la pêche (cas de la ville de Fria d’alors) etc. Une telle politique a accru la vulnérabilité des populations de Fria car, au départ de Rusal, toute la population s’est retrouvée tout d’un coup dans le chômage.  Pourtant, ce secteur serait le troisième employeur du pays après le secteur agricole et le secteur informel et cela malgré qu’il s’agisse d’une activité qui nécessite beaucoup de capitaux et peu de main d’œuvre. Ainsi, le secteur minier ne fournirait que 18 781 emplois directs dans le pays (cf. Rapport annuel sur le secteur minier guinéen de 2023).   

Par ailleurs, l’exploitation minière s’est toujours soldée de par le passé par des conflits en République de Guinée. Elle oppose notamment les populations locales aux opérateurs miniers autour du non-respect des engagements pris. Ces conflits peuvent provoquer de véritables émeutes, comme à Siguiri, en 2015, et à Boké, en 2017. 

Cependant, la Guinée reste confrontée à la fluctuation du cours des matières premières sur le marché mondial (sur lequel d’ailleurs elle n’exerce aucun pouvoir de contrôle) mais aussi et surtout à la concentration en termes de destination de nos mines (la Chine avec 85,8 % de la bauxite exportée puis les Émirats Arabes Unis 81,0% pour l’or, cf. note sur les statistiques du commerce extérieur de l’INS de mars 2024).

Par ailleurs, pour pallier surtout ce genre de problèmes que nous avons évoqués sur le cas de Fria, des réformes courageuses ont été entreprises par le CNRD dans le secteur minier afin de permettre à la Guinée de bénéficier désormais de ces avantages, car, longtemps présenté comme un scandale géologique. Si auparavant, les mines ne rapportaient pas grand-chose à la Guinée en raison d’une mauvaise négociation, avec le projet Simandou 2040, l’on a espoir que la Guinée procédera désormais à la transformation de sa ressource sur place afin de bénéficier de la valeur ajoutée. Dans le même sillage, la création d’infrastructures pérennes ainsi que la formation de main-d’œuvre qualifiée mais aussi la redistribution équitable des retombées économiques n’est pas à négliger. Toutefois, nous pensons que ce dernier point pousse beaucoup à réfléchir car, une redistribution équitable nous étonnerait car, moins difficile à dire qu’à faire.

Si le secteur minier contribue au développement économique du pays (avec un taux de croissance économique de plus de 7% en 2023 tirée exclusivement des mines), force est de reconnaître que la Guinée doit se battre pour diversifier davantage son économie car, nous ne devons pas nous réjouir d’une croissance économique tirée uniquement par la poursuite de la vigueur du secteur minier pour trois (3) raisons :

Premièrement, parce que c’est une croissance appauvrissante donc sans prospérité car fondée sur la vente des matières premières sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle sur l’évolution du prix. Ceci pourrait expliquer en partie la chute drastique de la croissance économique de notre pays suite à la variation erratique de ces mêmes matières premières dans le sens de la baisse.

Deuxièmement, c’est une croissance à forte intensité capitalistique. En d’autres termes, l’industrie emploie plus de capital que de la main d’œuvre. Du coup, elle ne nous permet point de tendre vers le plein emploi des facteurs de production, notamment le travail.

Troisièmement, cette même croissance n’est en aucun cas redistributive compte tenu de la faiblesse du taux de pression fiscale qui n’atteint pas 15% en 2023 contre plus de 60% au cours de la même année pour certains pays à revenus intermédiaires et élevés. Ce qui signifie que la richesse créée par l’État guinéen ne retourne pas à son niveau pour lui permettre de faire face au financement des projets de développement économique et social.

A en croire les précurseurs du projet Simandou 2040, l’économie guinéenne sera complètement diversifié en vue de sa transformation structurelle tant souhaitée depuis plusieurs années. L’exploitation minière servira de base désormais pour le développement du secteur agricole, l’industrie alimentaire et le commerce. Ainsi, les retombées économiques de Simandou permettront au pays d’investir dans des industries alimentaires modernes. Dans le même sillage, les fonds générés par cette activité permettront d’investir massivement dans l’éducation des jeunes (y compris celle technique et professionnelle qui sera d’ailleurs privilégiée afin de doter le pays d’une main-d’œuvre qualifiée, apte à répondre aux besoins d’une économie moderne et diversifiée).

De même, ce projet permettra au pays à terme de s’inscrire dans un vaste programme de modernisation d’infrastructures économique et sociale (routes, voies ferroviaires et installations portuaires). De plus, les autres secteurs, notamment la santé, ne sont pas relégués au dernier plan dans ce projet phare.

Par ailleurs, tout cela ne sera possible que si nous continuons à :

–       renforcer le cadre légal et réglementaire en mettant un accent très particulier sur la transparence et la responsabilité sociale des entreprises y compris dans la protection de l’environnement ;

–       mettre en place des mécanismes de contrôle (audit) pour prévenir toute forme de corruption dans ce secteur ;

–       encourager le transfert de la technologie des entreprises étrangères à celles locales etc.

Les autres points déjà pris en compte notamment, le contenu local (dont la participation des entreprises locales à l’exploitation minière, la formation de la main d’œuvre (y compris celle professionnelle), la diversification de l’économie ne sont pas cités ci-dessus.

Enfin, une gestion économique saine et transparente afin de garantir une utilisation rationnelle des fonds qui seront obtenus est indispensable à la réussite de ce projet. Enfin, nous osons espérer que cette avancée considérable permettra à moyen et à long termes d’augmenter la résilience économique et sociale de la population guinéenne, tant du côté de la demande que de l’offre et offrir ainsi au peuple de Guinée les meilleures opportunités en matière de santé, d’éducation, de formation mais aussi et surtout créer des opportunités d’emplois notamment pour les jeunes en quête d’un travail rémunéré…

Safayiou  Diallo, économiste