Mamadou Dadhi Baldé, communément appelé professeur Dadhi, avait rendez-vous avec le tribunal de première instance de Kaloum, ce 10 février. Accusé de « détournement de deniers publics », avec deux autres de ses collaborateurs, le Directeur général de l’Hôpital national Ignace Deen dénonce une inspection bâclée.
Les responsables du Centre hospitalo-universitaire Ignace Deen passent un sale moment. Le directeur général, Mamdou Dadhi Baldé, l’agent comptable, Oumar Yansané et le directeur administratif et financier, Samuel Koundoua Koumassadouno, sont traduits en justice pour « détournement de deniers publics. » L’agent judiciaire de l’État les accuse d’avoir détourné un peu plus de 866 millions de francs guinéens issus de la subvention allouée à l’Hôpital et des recettes générées. Le DG plaide non coupable, accuse les inspecteurs d’avoir mal fait leur travail.
Un rapport à charge
Fin mai 2024, une mission d’inspection s’annonce au Centre hospitalo-universitaire Ignace Deen. Officiellement, elle a pour mission de contrôler l’utilisation de la subvention allouée à l’établissement sanitaire et des médicaments antipaludiques, entre janvier et mai 2024. L’appétit venant en mangeant, elle s’intéresse finalement à toute la gestion de la direction. Les inspecteurs, issus des ministères de la Santé et des Finances, inspectent en deux jours, en l’absence du DG en séjour en Arabie-Saoudite, et du DAF, à Singapour. Ils concluent à un gap d’un peu plus de 866 millions de francs guinéens.
Convaincu que de l’argent public a été soustrait, l’Agent judiciaire de l’Etat engage une procédure de citation directe contre le DG et les deux responsables du pool financier. A la barre, Mamadou Dadhi Baldé fustige le rapport qui a inspiré les poursuites judiciaires : « Dans le manuel de procédure, il est dit que l’inspection allait se faire entre 3 jours et 3 semaines. Ils l’ont fait en deux jours. Il n’y a jamais eu de débat contradictoire sur les conclusions de ce rapport, alors qu’il renferme énormément de manquements. »
Le prévenu cite notamment le fait que les données de l’hôpital préfectoral de Lola s’y retrouvent, que les inspecteurs ne soient pas des spécialistes de la santé et qu’ils méconnaissent, en conséquence, le terrain : « Ils ont signé le rapport définitif en août, mais ne nous l’ont transmis qu’en décembre, alors qu’on s’attendait d’abord au contradictoire. »
Le prévenu soupçonne un complot : « Les inspecteurs étaient animés d’une autre intention…S’ils avaient accepté de se rendre dans les bureaux, on n’en serait pas là. Je suis choqué parce que c’est une procédure pour salir mon image. »
Des pièces justificatives ignorées
Il est reproché aux trois prévenus de n’avoir pu justifier l’utilisation des 866 millions de francs guinéens. On les soupçonne de s’être fabriqués des pièces justificatives. Selon le ministère public, le rapport d’inspection décèle une contradiction entre les pièces fournies et le constat du terrain. Les inspecteurs n’auraient pas pu voir les traces de ce montant. Faux, réplique le Professeur Dadhi Baldé. Le prévenu d’expliquer qu’un premier montant d’un peu plus de 325 millions Gnf a servi à l’achat du matériel informatique (ordinateurs, imprimantes et accessoires) pour les cadres de la direction générale de l’Hôpital, à l’achat de blouses et kites opératoires.
Les 521 autres millions de francs guinéens auraient servi à payer les ristournes des cadres des différents services et les salaires des contractuels. Sa défense a fait parvenir au tribunal « les pièces justificatives » des opérations : bons de commande et de livraison, reçus de paiement, entre autres.
Même qu’une partie de l’argent a également servi à éponger une dette contractée par le CHU Ignace Deen un an plutôt. « C’est vrai que les bons de commande existent, mais ce pourquoi l’argent a été sorti n’est pas visible sur le terrain. Au lieu de 100 ordinateurs par exemple, il n’y en aurait que 20 », oppose le ministère public. Le professeur Dadhi de retorquer : « Ce marché a été géré de bout en bout par la personne chargée des marchés publics au ministère de la Santé. » Il fait remarquer que les inspecteurs ont refusé de passer dans les différents services pour s’assurer de l’achat ou non desdits équipements.
L’affaire est renvoyée au 24 février prochain, pour la déposition des autres prévenus.
Yacine Diallo