Ces dernières semaines, le pays enregistre une saignée financière par le fait de détournements en série au niveau des structures étatiques et para étatiques. Et ce qui est troublant dans cette spirale de délinquance financière, ce sont les montants mis en cause, qui se chiffrent à des centaines de milliards de nos francs. Les suspects semblent s’être entendu d’empocher le maximum de sous, comme le dénonçait le célèbre titre de l’artiste Alpha Wess Koutou koutou – traduit du soussou : se servir le plus que possible. Ces retentissantes révélations portent ainsi un sérieux coup au discours de refondation prôné par les autorités de transition.

Dans l’attente d’une communication officielle sur les procédures énclenchées autour des différents cas de présumés détournements, il y a lieu de s’interroger sur la gestion des deniers publics, laquelle, à nos yeux, souffre de nombreux dysfonctionnements. Comment se fait- il que des indélicats fonctionnaires de l’Etat arrivent à se servir, en dépit des mécanismes et procédures de contrôle mis en place ?

Nous l’avons signalé à maintes reprises : à la prise du pouvoir par le CNRD, probablement guidé par le souci de remise en ordre au pied levé de la gouvernance, une erreur de casting s’est produite dans les nominations au sein de l’administration centrale. Les choix opérés ont le plus souvent obéi à des critères subjectifs, au détriment de la compétence. Avec pour conséquence regrettable, la situation que nous vivons actuellement.

Dans le même ordre d’idées, on semble négliger l’obligation de déclaration des biens des cadres nommés à des postes de responsabilité. Cela aurait pourtant permis de cultiver la peur du gendarme au sein de l’administration, d’encourager une gestion vertueuse des deniers publics.

Avec le recul, on se rend compte qu’il serait judicieux, à court terme, de remédier aux nombreuses défaillances dans l’environnement institutionnel du pays. En dépit de l’existence d’un cadre institutionnel chargé de l’application des politiques et pratiques de prévention de la corruption et des détournements, ces institutions sont confrontées à un manque d’indépendance effective et à un déficit de ressources humaines, matérielles et financières. Le retard dans l’actualisation de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, ainsi que celui dans l’opérationnalisation du Comité national de lutte contre le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme posent d’énormes problèmes et constituent un handicap majeur dans l’application des dispositifs juridiques.

Au nombre des impairs du cadre institutionnel actuel, il faut signaler la faible allocation budgétaire et une insuffisance de ressources au bénéfice des divers organes chargés de la mise en œuvre des dispositions légales et règlementaires de lutte contre la corruption et les infractions assimilées en Guinée : l’Agence nationale de lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance (ANLC-PBG), la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), l’Office de répression des délits économiques et financiers (ORDEF), les Cours et Tribunaux, l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale d’Etat (IGE), l’Inspection générale de l’administration publique (IGAP), l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), l’Agence judiciaire de l’Etat et les organisations de la société civile, les médias compris.

Thierno Saïdou Diakité