Ah, la Guinée, ce pays où l’on se salue avec des sourires, mais où chacun tient un couteau derrière le dos. On s’aime avec la passion d’un volcan… mais à condition de rester à bonne distance. Le patriotisme est une chanson de bar : tout le monde connaît les paroles, mais personne ne chante juste. À Fakoudou !

Chez nous, le tribalisme est une religion sans clergé, mais avec des fidèles en pagaille. Wallahi, si le diplôme dépendait de notre capacité à haïr, on aurait tous notre doctorat. On choisit nos amis comme on fait son marché : « celui-là, il est de ma région », « celle-là, elle parle bien ma langue ». La compétence ? Hé Kéla ! Un détail, un caprice d’intellectuel. Et si par malheur quelqu’un d’autre ose être compétent, il devient suspect.

Le népotisme ? Une douce berceuse qui endort les espoirs des méritants. Les concours de recrutement sont devenus des pièces de théâtre, où les rôles principaux sont déjà distribués avant le lever de rideau. Un diplôme avec mention ? Mieux vaut un cousin à la présidence qu’un master en astrophysique. On nomme des chefs comme on distribue des bonbons aux enfants : pourvu qu’ils sachent dire « Monsieur le Président » avec la bonne intonation. Et si ça ne suffit pas, on crée un poste pour le cousin du cousin. À Fakoudou, on s’en fout !

Quant à la corruption, c’est notre pain quotidien, intégré à l’ADN administratif. Tu veux un papier, un poste ou juste ton droit ? Graisse. À ce rythme, même les enfants dans la cour de récréation vont bientôt distribuer des pots-de-vin pour jouer à la marelle. Hé Kéla !

L’école ? Un endroit où les rêves viennent mourir. Les enseignants, quand ils sont là, font de la figuration, pendant que les élèves apprennent surtout à tricher. L’université, elle, est un club de survie : celui qui en sort vivant, sans dette morale ni brûlure à l’estomac, mérite une médaille.

Et pourtant, quelle ironie ! Ce pays-là, si généreux en terres et en rivières, semble totalement à court d’humanité. Nous avons des ressources pour bâtir un empire, mais nous préférons construire des murs de rancune. Nous avons des artistes, des penseurs, des bâtisseurs… mais nous faisons la cour aux pyromanes. Où est le mec qui a préféré la liberté dans la pauvreté ?

Nous, Guinéens, nous sommes devenus les acteurs d’une comédie tragique : chacun joue à l’unité pendant que son cœur tambourine la division. On aime la Guinée, seulement si elle ressemble à nous. On chante « unité nationale » le matin, et on poste des messages de haine le soir. Et après, on s’étonne que rien ne marche. Wallahi, c’est à ne rien y comprendre !

Mais ne vous inquiétez pas, chers  amis : les propagandistes veillent. Eux savent transformer un désastre en miracle. Et pendant ce temps, le peuple regarde, résigné comme un spectateur blasé devant un feuilleton prolongé. À Fakoudou !

Dans ce pays où on confond souvent bilan et bilan, on continue de jouer. Wallahi, même les chèvres ont compris qu’il ne faut plus s’approcher des promesses de nos hommes politiques. Elles préfèrent errer sans collier que finir en symbole de campagne électorale.

Ici, on te vole ton avenir avec un sourire. On te dit « jeunesse au centre des préoccupations », et on te colle des vieux recyclés dans tous les centres de décision. À la fin, tu te retrouves à applaudir quelqu’un qui a fait ses études quand la télé était encore en noir et blanc, pendant que toi, tu scrolles ton avenir dans les reels TikTok. Hé Kéla !

Et si par malheur tu décides de réfléchir, d’analyser, ou pire, de critiquer, on t’accuse de vouloir diviser le pays. Hé Kéla ! On te rappelle gentiment que tu es fils d’un tel, donc tu dois soutenir tel. Ici, penser par soi-même est une déviance intellectuelle.

Quelqu’un racontait : « Mon mari avait enfin été nommé à un poste important. Toute fière, j’avais invité le quartier pour célébrer. Nous avions dépensé toutes nos économies pour cela. Mais le lendemain, le décret a été corrigé : c’était un homonyme. »

Ah, le peuple et ses paradoxes ! On l’endort avec des festivités, des commémorations, des conférences, et ceci et cela. On lui apprend à danser sur les ruines de ses espoirs. On lui offre des slogans au lieu de solutions. À force, il finit par croire que c’est normal. Il rit pour ne pas pleurer, il applaudit pour ne pas disparaître. Et parfois, il espère encore. Follement. Bêtement. Amoureusement. Il Chen fout.

L’autre soir, j’étais encore dans ce foutu maquis. Et là, un militaire — ventre rond comme une promesse de campagne — s’est penché vers moi, l’air soudain grave comme un communiqué nocturne de la RTG : 

  • Petit Lynx, tu sais… ici, tu peux jurer sur tout, même sur le Coran, et trahir le lendemain. La Guinée, c’est le seul pays où la parole d’honneur coûte moins cher qu’un sachet d’eau glacée.

Je l’ai regardé avec cette tendresse réservée aux objets perdus. Pas lui personnellement, mais tout ce qu’il représente : un soldat du destin qui gravit les échelons non pas au mérite, mais à la vitesse de ses courbettes. À Fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

En Afrique francophone, tout le monde connaît « Mamadou et Bineta sont devenus grands », ce manuel mythique qui a appris à des générations entières à lire, à compter, à rêver… Mais qui se souvient d’André Davesne son auteur ?

Ce brave instit’, un « toubab » tombé amoureux de la pédagogie africaine, aurait pu vivre confortablement dans un bureau parisien. Mais non. Il s’est donné corps et âme à l’éducation des petits Africains, dans un style simple, tendre et lumineux.

Aujourd’hui, aucun aéroport, aucune école, aucune stèle à son nom. Même pas une rue en cul-de-sac. Rien. Nada.

S.D