Le rappeur ivoirien Himra se produisait le 5 avril au Stade Général Lansana Conté de Nongo, dans un concert grand public. Le show du Chetté a été entaché d’incidents, entraînant échauffourées et suspension de la structure organisatrice.
Considéré par beaucoup comme le meilleur rappeur de la nouvelle génération en Côte-d’Ivoire voire en Afrique de l’Ouest, Himra était attendu en Guinée comme un prince. L’artiste n’a pas déçu. Il a mobilisé des milliers de personnes sur l’esplanade du Stade de Nongo pour un spectacle haut en couleur. Le concepteur de Vêtements, Dagbachi, Daddy ou encore Banger, promettait à ses fans un concert « sauvage » comme il aime à l’écrire sur ses réseaux sociaux. Mais le spectacle a tourné court, seulement une vingtaine de minutes de prestation, et tout part en lambeaux. L’artiste se retire finalement. La faute à ce qui s’apparente à une désorganisation.
La structure Summum Prod, qui a invité le rappeur à Conakry, avait annoncé la mobilisation d’une vingtaine de pick-up de police et de gendarmerie et de 400 bodyguards. Histoire de parer à tout débordement possible. Mais les pépins ont commencé avant le début du spectacle. Certains spectateurs ont dénoncé un manque de coordination entre les forces de sécurité et les agents de sécurité civils. Cela aurait entraîné du retard dans la vente et la vérification des tickets : « La présence de nombreux commandants au sein de l’équipe de sécurité a engendré une certaine confusion et une absence de coordination. Un commandant poste un homme ici, un autre commandant vient le déplacer pour une autre position », s’indigne un spectateur.
Les organisateurs avaient également prévu des places VIP, 500 000 francs guinéens par personne, alors que les tickets ordinaires se vendaient à 50 000 francs guinéens. Dès que l’artiste est monté sur scène, la barrière entre les loges VIP et le reste des spectateurs, mal surveillée, a cédé, celle entre les VIP et le podium aurait été carrément retirée. Himra est connu pour un artiste qui aime être en contact direct avec ses fans pendant ses spectacles. Son équipe aurait exprimé le souhait de voir le public plus près du podium.

Des jeunes qui étaient dans la loge VIP en ont profité pour monter sur le podium et chercher à le toucher. S’en suit un brouhaha total, excédé par l’interruption, d’autres spectateurs ont commencé à jeter des projectiles : « Depuis l’annonce des VIP, des personnes ont alerté sur le fait que c’était une mauvaise idée, mais le Guinéen montre toujours qu’il connaît tout. L’incident d’hier vient des places VIP », ajoute un autre fan sur Facebook qui dit s’en être sorti avec des égratignures. Le comportement de certains agents de sécurité qui frappaient les fans avec des ceintures n’aurait également pas aidé à calmer la situation. Des jeunes frustrés sont, par la suite, montés sur le podium, pour abîmer la sonorisation et autre installations.
L’AGS, la main lourde ?
En décembre 2024, cette même structure avait invité en Guinée l’artiste Franco-congolais Tiakola. Là également, les choses ne s’étaient pas passées comme prévu. Les places VIP et VVIP ont généré une interruption avant même la fin du spectacle, sans oublier que la sonorisation était défaillante. Summum Prod s’était excusé, avant de promettre de rectifier le tir. Le cas Himra vient finalement écorcher un peu plus son image.

Les incidents du 5 avril ne sont pas restés sans conséquences pour les organisateurs. L’Agence guinéenne des spectacles (AGS) a décidé de sévir. Elle a suspendu Summum Prod de toute « activité de production ou d’organisation de spectacles sur l’ensemble du territoire guinéen, jusqu’à nouvel ordre.» L’AGS estime que la structure s’est rendue coupable d’un « non-respect manifeste des normes de sécurité encadrant l’organisation d’événements de grandes envergures.» Elle cite notamment l’absence de réunions préparatoires entre ses services, les organisateurs et les forces de sécurité. L’AGS peste particulièrement contre la proximité entre le public et le podium et la gestion du flux d’entrée au stade. Elle somme en outre Summum Prod de réparer tous les préjudices engendrés par ce désagrément.
La sanction a fait bondir le Collectif des jeunes acteurs et promoteurs culturels de la Guinée. La structure estime que le châtiment est disproportionné : « Bien que la sécurité soit une priorité incontournable, il est inacceptable qu’une jeune structure dynamique soit ainsi écartée sans accompagnement ni dialogue, alors qu’elle contribue activement à l’essor culturel de notre pays. Summum Prod est à l’origine d’événements majeurs.»
Le collectif estime également que l’AGS a sa part de responsabilité dans ces incidents, d’autant plus qu’elle reconnaît l’absence de « réunions techniques préparatoires entre les forces de sécurité, les organisateurs et les services compétents.» Il appelle donc à la levée immédiate de la suspension de Summum Prod. Les responsables de Summum Prod, eux, jurent que l’AGS avait donné son OK après l’inspection des lieux le jour du concert. Ils voient dans cette sanction « une manipulation et un règlement de compte.»
Yacine Diallo