Un peu plus d’un an et demi après le coup d’État du 30 août 2023, les réformes favorables à une presse libre et indépendante se font toujours attendre au Gabon malgré une amélioration de la situation. Alors que les élections présidentielles du 12 avril viennent de porter au pouvoir Brice Oligui Nguema, jusqu’alors président de la transition, Reporters sans frontières (RSF) lui adresse dix recommandations afin de concrétiser et de garantir la liberté de la presse dans le pays.
Celui qui était, depuis le coup d’État du 30 août 2023 ayant renversé Ali Bongo Ondimba, président de la transition du Gabon et qui vient d’être élu à la tête du pouvoir avait, le 10 janvier, réaffirmé l’engagement de l’État à garantir la liberté de la presse.
Si les conditions d’exercice de la profession se sont en effet améliorées après des années marquées par la répression de la liberté de la presse et que plusieurs journalistes exilés ont pu revenir dans le pays, des changements structurels permettant de garantir durablement une presse libre et indépendante tardent encore à se concrétiser.
« Bien que le paysage médiatique ait connu une légère décrispation depuis bientôt deux ans, des problèmes structurels persistent au Gabon, actuellement 56e au Classement mondial de la liberté de la presse. Le Code de la communication de 2016 doit être modifié, l’organe de régulation des médias manque d’indépendance, le problème de l’accès aux sources officielles pour les journalistes persiste… Après les engagements pris par le président Brice Clotaire Oligui Nguema alors qu’il était encore président de la transition, son élection à la tête du pouvoir est l’occasion de concrétiser les avancées et de garantir le respect d’une presse libre et indépendante. Nous lui adressons 10 recommandations clés afin d’améliorer l’exercice du journalisme dans le pays », déclare Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
RSF appelle Brice Clotaire Oligui Nguema à mettre en pratique son engagement de garantir la liberté de la presse en appliquant 10 recommandations :
- Amender les articles problématiques du Code de la communication de 2016 : ce code a permis une avancée majeure en mettant fin aux peines privatives de liberté pour les délits de presse, mais contient des dispositions floues qui empêchent les journalistes de savoir à quels risques ils s’exposent et pour quels faits.
- Garantir un accès aux sources officielles du gouvernement pour tous les journalistes du pays, particulièrement les journalistes indépendants.
- Condamner systématiquement et publiquement les attaques contre les journalistes et assurer l’ouverture d’enquêtes pénales pour que leurs auteurs soient identifiés et poursuivis.
- Mettre un terme aux intimidations dont sont victimes les journalistes, notamment au travers de convocations par des services de sécurité sur la base du Code pénal.
- Mettre un terme aux suspensions arbitraires de médias qui se sont multipliées ces dernières années.
- Réintégrer les journalistes dans le processus de nomination des membres de la Haute Autorité de la communication (HAC), l’organe de régulation des médias gabonais, aujourd’hui uniquement entre les mains du président de la République et des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.
- Amender la loi organique régissant la HAC, notamment son article 55 qui laisse à son président la possibilité de sanctionner un média sans réunir les neuf membres de l’organe.
- Rendre transparent, accessible et inclusif le processus d’accréditation pour les journalistes de la presse étrangère, en communiquant sur le nombre d’accréditations délivrées et en justifiant objectivement celles qui sont refusées.
- Sensibiliser les autorités judiciaires et les forces de l’ordre pour garantir que la fin des peines privatives de liberté pour des délits de presse prévue par ce code soit effectivement respectée.
- Apporter un soutien financier transparent et impartial aux entreprises de presse publiques et privées.
Le Gabon occupe la 56e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.
Reporters Sans Frontières