Je ne suis pas, je n’ai jamais été indifférent au sort de mon pays natal, la Guinée ! Je n’ai rien écrit, certes, au lendemain du coup d’État qui, le 5 septembre 2021, a chassé du pouvoir Alpha Condé. Régulièrement étrillé, pourtant, sous ma plume quand il était dans l’opposition et pendant toutes les années où il est arrivé à se hisser à la présidence de la Guinée et à s’y maintenir deux mandats durant. Au point de vouloir « taper l’incruste » en s’octroyant un troisième. Et qui, depuis son exil à Ankara chez Recep Tayyip Erdogan, « de notoriété internationale » et même « devant l’Éternel » « l’un des plus grands démocrates parmi les dirigeants du monde » [les nouvelles de Turquie du 23/03/2025 le confirment !], n’imagine pas moins dans une « volonté », pour le moins forcenée, « de « reconquérir » un jour « le pouvoir ».

Je n’ai rien écrit non plus sur la gestion de la Guinée par le colonel Doumbouya trop vite devenu général, atteint de la boulimie des galons auto-décernés comme ses prédécesseurs en Guinée et dans d’autres régions africaines, installés « par la force de leurs baïonnettes » à la magistrature suprême de leurs pays. J’ai juste évoqué la situation dans mes échanges épistolaires avec mon ancien professeur d’écriture de presse à Bordeaux, décédé hélas le 3 octobre 2024. Extrait à retrouver dans l’hommage que je lui ai rendu, publié en intégralité dans mes espaces personnels sur les sites Africultures, Sud Planète et l’Harmattan :

« Je n’ai pas encore [fait état] de ma réaction face à la situation guinéenne ayant peu ou pas du tout de sympathie pour le pouvoir militaire. Initiatives heureuses et décisions aberrantes sont prises en roue libre par le (…) colonel à la tête du CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) !

Mais, c’est bien, hélas, un civil, un « intellectuel », un ancien « opposant historique » qui, par son addiction à la présidence [tripatouillage de la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat !], nous a fait renouer avec le coup d’État comme seule possibilité d’alternance politique ».

Détour par l’Occident

Je n’ai pas plus écrit sur les États-Unis après un voyage émerveillé à New-York en novembre 2023 et sur leurs élections de novembre 2024, alors que j’avais pris fait et cause pour Hillary Clinton dans la primaire démocrate en 2008 et applaudi l’élection de Barak Obama qui a suivi.

En France, je ne me suis jamais épanché non plus sur Emmanuel Macron ne lui ayant trouvé aucune aspérité, alors que des portraits de Nicolas Sarkozy et de ses acolytes, j’ai tiré des multitudes. Ledit Emmanuel Macron est apparu à mes yeux – un peu à retardement, je l’avoue, – comme un « HP non I » (Homme Politique non Identifiable) qui, depuis son élection faute d’alternative recommandable la première fois en 2017 et sa réélection pour les mêmes raisons en 2022, a plongé la France dans une sorte d’apesanteur !

Mais, pourquoi évoquer la France en voulant parler de la Guinée ? Pourquoi pas quand on est né Guinéen et qu’on vit continuellement en France après en avoir acquis la nationalité depuis 32 ans ? Pourquoi y associer  les États-Unis ? Parce que ma désolation devant la victoire de Donald Trump contre  Kamala Harris est grande! Et j’aurais pu parler de la défaite de la candidate démocrate comme je l’ai fait de la déroute de Ségolène Royal contre Nicolas Sarkozy en 2007.

Un petit rappel

« (…) Il sera difficile de faire entendre ce qui, de façon scandaleuse, se conçoit très bien dans divers milieux mais ne sera jamais énoncé avec la clarté nécessaire par la faute des relayeurs de la parole publique. Acquis pour la plupart d’entre eux au conservatisme ambiant, pour ne pas dire au machisme, [masculinisme, dit-on aujourd’hui], ces derniers semblent estimer à l’instar des politiciens aux mœurs antédiluviennes et de leurs fidèles électeurs que la qualification d’une [Femme] au second tour présidentiel suffit pour l’année 2007.

 L’Homme en face d’elle, – « génétiquement » plus capable, bien entendu ! – n’a plus qu’à faire litière des ambitions de la Femme, démesurées selon eux.

Ladite Femme, [« une retardée mentale », a dit de Kamala Harris Donald Trump. Mais, ne serait-ce pas celui qui le dit qui l’est ?]  (…) est fière de son entière indépendance vis-à-vis des lobbies ! Aussitôt, il est légitime de penser qu’elle « n’est pas du tout faite pour le job », la pauvre (…) ! À son discours, il manquerait de la méthode, c’est-à-dire le formatage télévisuel et la touche finale de son consultant, [en l’occurrence, celle de la plupart des membres de l’oligarchie détentrice et pourvoyeuse des financements, maîtresse et possesseuse des réseaux, dans la configuration américaine] ».

Triple donc est ma peine au moment où j’estime devoir rappeler « mon mal chronique à la Guinée » en me prononçant sur sa situation actuelle malgré l’impression d’avoir déjà beaucoup publié, aussi bien sur le pouvoir civil (…) que militaire !

Mais, puisqu’on a coutume de dire : « les écrits restent », il me suffit de rappeler certaines de mes prises de position. Les lecteurs et les lectrices à la mémoire valide ne les auront pas oubliées et ceux et celles qui ne m’ont jamais lu auront l’occasion de les découvrir. Tous et toutes  se rendront compte que je me suis si longtemps retenu pour n’avoir pas à me répéter, à ressasser, ce faisant, le même point de vue… 

Qu’ai-je donc déjà écrit, ne serait-ce que sur un sujet avoisinant les thèmes du moment : « transition, retour à l’ordre constitutionnel, le général Doumbouya sera-t-il ou ne sera-t-il pas candidat à une élection présidentielle » dont la date tarde à être fixée ?

Sur la responsabilité collective

« De n’avoir pas encore cherché à savoir comment les beaux mythes fondateurs de l’État souverain de Guinée, des idéaux de liberté, de dignité et de panafricanisme ont été pervertis jusqu’à voler en éclats devant des appétits de pouvoir sans partage, nous aura condamnés à supporter de vivre [d’autres] fois sous [des] régimes rebondissant sur les mêmes ressorts obscurantistes et brutaux. » Extrait de l’entretien avec Aboubakar Sakho pour l’Observateur de Guinée en décembre 2007.

***

« Les responsables du marasme général de la Guinée, on les retrouve aussi bien dans les rangs des militaires que dans ceux des civils (…) Beaucoup parmi ceux qui ont, plus ou moins tôt, adopté des postures d’opposants politiques sont capables de retournement à tout moment et portent (…) une responsabilité dommageable [pour] notre pays ! Qui n’a vu les uns et les autres courtiser le CMRN, dès les premières semaines qui ont suivi le 3 avril 1984, dans l’espoir d’obtenir un portefeuille ministériel, un poste de consultant ou de chargé de mission ou encore de chargé de l’image de marque de la Guinée à l’étranger… ? » Extrait de « La Guinée dans la démocratie, un petit pas en avant, de grands pas en arrière », paru le 10 décembre 2001 au Courrier de Guineenews, repris dans « Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ?  » Menaibuc, 2004 pages 136 et 137 :

***

« Individuellement pris, n’avons-nous pas tous, d’une façon ou d’une autre, des comptes à rendre à notre pays pour l’avoir laissé (…) s’installer dans l’incurie ? Obligeons-les [politiques] à se réunir, toutes affaires cessantes ! Qu’ils y associent toutes personnalités et organisations intéressées, réputées pour leur intégrité et leur combativité et ils trouveront les meilleurs gestionnaires sociaux, politiques, économiques, culturels… de la Guinée pendant une période transitoire. Après, il leur sera plus facile de battre à nouveau les cartes, dans la plus grande transparence, pour trouver à chaque Guinéen la place où il rendra les meilleurs services à toute la Guinée. » Tiré de « Guinéens, ayons le courage de dire encore : NON ! »… paru le 17 décembre 2002 au courrier de Guineenews, repris dans « Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ?  » Menaibuc, 2004 page 154.

Sur le statut et le rôle de l’armée !

Les militaires ? Ils sont plutôt les problèmes que les solutions. « [Ils] ont refusé d’instruire le procès de la Révolution en 1984 pour de mauvaises raisons. Les civils les ont approuvés. Il faudra pourtant y arriver un jour. Non pas pour nous venger de certains de nos bourreaux encore en vie mais pour démonter tous les mécanismes qui les ont conduits à se comporter comme tels. De toute façon, nous ne vengerons pas nos morts anciennes par des morts nouvelles ! Et, avec les récents événements aux frontières libérienne et sierra-léonaise, la Guinée n’a que trop donné de son sang ! Les bonnes raisons démocratiques, elles-mêmes, ne devraient autoriser ni l’opposition ni encore moins le pouvoir à prendre toute initiative qui conduirait à la mort d’autres Guinéens. »

Extrait de « La Guinée dans la démocratie : un petit pas en avant, de grands pas en arrière »… article paru au Courrier de Guineenews le 10 décembre 2001 repris dans « Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ? » Menaibuc 2004 page136.

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« Après avoir presque dans tous les pays mis au pas les civils, les militaires rechignent dorénavant à rester au garde-à-vous. Et, comme ils n’ont pas réussi en confisquant le pouvoir politique à faire le bonheur dans leurs propres rangs, ils tirent sans sourciller sur les rares détenteurs de richesses pour accaparer leurs biens. »

Extrait de « Les maîtres maux de l’Afrique » article paru dans VOIX D’AFRIQUE N°33 décembre 1992-janvier 1993.

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« Les Américains ont recouru aussi longtemps qu’il a été nécessaire à toutes les procédures constitutionnelles permettant d’établir qui de George Bush ou d’Al Gore a gagné les élections de novembre 2000.

(…) Jamais un troisième larron un général ou encore moins un caporal – n’a pensé détenir les clés de la démocratie sous les chenilles de tous les chars qu’il aurait pu mettre en branle. »

Extrait de « Mal à la Guinée et à la Côte d’Ivoire, mal à toute l’Afrique », paru le 17 janvier 2001 au Courrier des lecteurs de Guineenews, repris dans « Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ?  » Menaibuc, 2004 page 123.

[L’attaque du Capitole par les partisans de Donald Trump excités par lui, quand il a été battu par Jo Biden en 2021 et les décisions erratiques en rafales du même, depuis son come-back à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, met de toute évidence un bémol à l’exemplarité de la démocratie américaine.]

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– La prise pour cibles à atteindre mortellement de certaines [« catégories de Guinéens«  et des chefs de partis  ou de leurs militants] par une faction du pouvoir militaire est la preuve par le tragique que la construction de la nation guinéenne n’a jamais été la préoccupation de tous ceux qui ont présidé à ses destinées.

– La manie de la dénonciation de la France et la maladie de l’éternel complot – ourdi par l’étranger de mèche avec une « Cinquième colonne » – contre une Guinée qui aurait commis le péché originel de prendre son indépendance parmi les premiers pays en Afrique de l’Ouest relèvent des pires délires du Chef suprême de la Révolution.

– L’acceptation du principe qu’un militaire actif est un citoyen comme un autre et qu’il est éligible à la tête de l’État n’est en aucun cas le signe d’une démocratie triomphante mais son suicide.

– Mon credo demeure le suivant malgré tout : « la situation de la Guinée a beau être désespérante, elle n’est pas complètement désespérée ». Elle pourrait même être vite enviable si, pour commencer, l’exploitation des Fonds et Moyens Intellectuels de la Très Grande Boîte à Idées entraînait l’encasernement voire le… désarmement de l’armée, son démantèlement intégral et le recyclage de l’ensemble de ses effectifs en gardiens de la paix. En Guinée, plus encore que partout ailleurs dans le monde, celle qui y est devenue « la Grande Volubile » a donné toutes les preuves qu’elle n’a aucune vocation à gouverner ! Et, toute autre « Grande Muette », à sa place, ne pourrait regagner quelques « lettres de noblesse » et mériter son existence que dans la défense et la protection de la Guinée.

Extrait de la réflexion intitulée « Pour l’ouverture d’une Très Grande Boîte à Idées » au bénéfice de la Guinée sur http://manifeste-guinee2010.org (COK ouvre sa…Boîte)

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« Tout le travail politique (…) devrait consister à stopper la circulation anarchique des armes de guerre avant de faire un grand tri de sorte à reconstituer des armées régulières (…). Il est tout de même paradoxal, plutôt tragique de constater avec quelle régularité des pays dirigés par des Généraux voire des Maréchaux sont déstabilisés par les bandes armées les plus dépenaillées. Pour positive qu’ait été l’irruption sur la scène politique de militaires de la valeur de Thomas Sankara, Jerry Rawlings ou Toumani Touré, le travail dévolu à un militaire est de préserver la paix intérieure et de défendre la patrie contre les agressions extérieures. »

Extrait de « En finir avec tous les rentiers de la politique en Afrique » publié sur le site de Africultures/Articles des lecteurs le 3 février 2003, repris dans « Pourquoi, diable, ai-je voulu devenir journaliste ?  » Menaibuc, 2004 page 161.

Sur la tragédie du stade du 28 septembre 2009 et le pouvoir bref mais dramatique d’un certain capitaine, Dadis Camara

Dadis an un ? Non, en neuf !

Le titre n’évoque ni un tour de jeu de cartes, ni un montant de pari, ni un thème astral. Mais, il pourrait bien faire penser à l’un ou l’autre cas de figure voire aux trois réunis comme, au départ, il voulait parler du temps écoulé à Conakry entre décembre 2008 et bientôt décembre 2009 et de ce qu’il pourrait présager pour l’avenir de la Guinée. À cette échéance si proche, un certain Dadis Camara, Capitaine intrépide, dit-on, se serait depuis un an confortablement installé à son tour à… Sékhoutouréya !

Un an ! Douze longs mois, voulais-je lui accorder, avant de me prononcer sur les fêlures, les fissures et les fractures, sensibles depuis quelque temps déjà, dans le processus de transition qu’il avait promis de conduire. Ceci, malgré le mal à la Guinée difficile à imaginer qu’il est vécu, aussi douloureusement sinon plus, par une Guinéenne ou un Guinéen à l’étranger que par leurs compatriotes restés au pays.

Aux vœux de liberté, même dans la pauvreté, aux rêves de bateaux transportant certains jours hypothétiques des portions de bonheur en Guinée ou aux professions de foi ne jurant que par le redressement national dans le refus de tout enrichissement militaire au détriment du reste de la population, les dirigeants y ont encore moins cru que leurs administrés. Ces derniers n’ignorant tout de même pas que lesdites promesses politiques ont, à deux reprises, précédé de loin dans leurs tombes ceux qui ont prêté le serment solennel de les réaliser de leur vivant.

Alors, il est d’autant plus criminel, l’ordre donné de tirer en ce 28 septembre 2009, jour du 51ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée, sur les leaders, les militants politiques et les simples citoyens qui se sont levés pour que soit tenue une seule des nouvelles promesses : assurer la transition en permettant l’organisation d’élections libres et transparentes en refrénant, dans le même temps, toute ambition militaire de conserver le pouvoir, gagné en cadeau de Noël anticipé le 23 décembre 2008 !

Neuf mois, donc, auront suffi pour pouvoir dresser le bilan d’étape, à ce point dramatique, du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement) ! Record que ni le Parti Démocratique de Guinée, ni le Comité Militaire de Redressement National n’auront battu avant lui : un bain de sang à Conakry en une journée ! L’étendue exacte de la tragédie restera à déterminer, de toute façon, mais aussi et surtout les niveaux de culpabilité. La célérité avec laquelle n’a pas été tenue la promesse de ne plus laisser couler du sang guinéen a été particulièrement ahurissante ! (…)

Le « troisième pouvoir » a bel et bien érigé ses quartiers dans le Palais nommé plus haut et qu’il est inutile de renommer. Car, soit dit en passant, il ne mérite pas plus de porter le patronyme de son premier président, Touré (Sékou Touré), que celui du premier ou du dernier gouverneur colonial. Non seulement parce qu’il a été reconstruit de fond en comble. Mais compte tenu des sombres légendes qu’il a alimentées et, partant, de ce qu’il a représenté comme symbole de tyrannie et de souffrance pour les Guinéens !

[Penser que des passagers pouvant compter parmi eux des parents des pendus de la Révolution débarquant d’un avion à Conakry accèdent désormais à l’Aéroport International Ahmed Sékou Touré et non plus comme avant, comme toujours, à l’Aéroport International de Gbessia ! Parce que le trop vite devenu général et son CNRD ont tenu à la rebaptiser ainsi !…]

De moindre importance, certes, dans la vie ordinaire [des Guinéennes et des Guinéens], la question du nom de baptême des rues et des édifices devra un jour être réglée pour la préservation du reste de bonne santé mentale collective.

Au même titre que devront coûte que coûte être examinés tous les contentieux, moraux, juridiques et politiques en suspens depuis 51 ans. Faute de quoi se multiplieront des massacres comme ceux du 28 septembre 2009.

Ne pas travailler à évacuer les traumatismes de tous ordres afin d’assainir les rapports entre tortionnaires et martyrs, bourreaux et victimes, spoliateurs et spoliés… n’aidera pas, de toute évidence, à émanciper avant longtemps l’homo guineensis. Qui ignore encore que les cautères sur les jambes de bois ne constituent pas des thérapies ? Combien de fois faudra-t-il répéter que plus longtemps sera différé le regard sur le chemin parcouru, moins sûre sera la nouvelle route à emprunter ?

Tous les dirigeants « nouveaux » qui se contenteront de chausser les babouches lestées et les boubous et/ou les treillis empesés des anciens seront condamnés de facto à organiser la réédition des pratiques coutumières, paralysantes et mortifères. À la disparition de Sékou Touré le 26 mars 1984, qui n’a pas pensé qu’avait disparu l’empêcheur sanguinaire de « développer en rond » la Guinée ? S’est installé à sa place un Colonel vite promu Général, ramasseur du « fruit mûr ». Il en avait le moins envie mais on lui a mis à la bouche le projet de redresser la Guinée. Et, pendant vingt-trois ans, soit à peu près jusqu’à son décès le 22 décembre 2008, il a égrené sous un arbre à palabres le chapelet de sa gouvernance qui n’a guère été préoccupée d’être bonne mais seulement de durer.

La porte est étroite

Neuf mois depuis que le Général Lansana Conté a quitté le Camp Samory Touré en passant l’arme à gauche. Neuf mois depuis que le Capitaine Dadis Camara a emménagé au Camp Alpha Yaya Diallo de Conakry, deux casernes aux réputations pas du tout taillées dans la demi-mesure en matière de détention, de justice et de répression. Un camp en aura juste supplanté un autre. Avec des canons plus neufs et performants sur les tempes des gouvernements successifs siégeant de façon tout à fait aléatoire à la Primature puis au Palais de la Présidence depuis sa restauration. Au total : 23 années de faux libéralisme tragique pour changer des 26 années de pseudo-révolution sanglante !…

Les neuf mois durant, des Guinéens – moi le premier et c’est bien ce qui a justifié ma réserve –, se sont pris à rêver d’une autre Guinée, enfin possible, parce que, pensions-nous, la fatalité du « jamais deux sans trois » n’opérerait d’aucune manière. Tenez : un beau pays, des ressources, des femmes et des hommes ayant assez souffert pour désirer écrire dans un autre registre que celui de la misère et de la tragédie. Les thèmes, la partition, les voix, les instruments existent. La musique a tout pour être belle. Elle va même l’être, commencions-nous à croire. Pour la première fois le chef d’orchestre paraît si bien inspiré. Inspiré !… Et puis, il sait, de toute façon, qu’il lui faudrait vraiment y aller fort pour atteindre à la cheville les deux premiers tyrans…

Et le jour s’est levé comme tous les jours en ce 28 septembre 2009, jour du 51ème anniversaire de l’Indépendance de la Guinée consécutive au NON opposé au référendum gaullien de 1958. Et ledit jour s’est couché avec la mort d’une centaine de Guinéens et les blessures de milliers d’autres. En saura-t-on jamais le nombre réel ?

La porte est désormais étroite, très étroite, pour tous ceux qui ambitionnent de tenir les rênes du pouvoir. Mais elle est bien la seule à emprunter de toute urgence pour éviter à la Guinée de sombrer avec ses tragédies à répétition. Telle une Somalie au chevet de laquelle plus aucune institution n’accourt. Quiconque conseillerait une autre voie se rendrait complice des drames à survenir de façon inévitable. Elle est de la taille d’un chas d’aiguille, la porte ou la voie. Pour y passer, il faudrait avoir la félinité d’un Thomas Sankara au Burkina Faso à qui les maudites kalachnikovs n’auraient pas brisé le destin prématurément le 15 octobre 1987. Il faudrait avoir la trempe d’un Jerry John Rawlings au Ghana les 14 et 15 mai puis le 5 juin et le 24 septembre 1979 voire celle d’un Amani Toumani Touré au Mali en janvier 1991.

En tout cas, plus besoin de tribun logorrhéique, pas plus que de chef de village lymphatique. La Guinée a tout donné sans avoir rien reçu en retour. Foin des prédations, déprédations et autres facéties macabres à la Bokassa, Mobutu, Nguema (Macias) !… L’Afrique a déjà donné au point d’en être encore toute paralysée !

Mais, combien de Capitaines, combien de Colonels, combien de Généraux feront leur, une fois pour toutes, cette déclaration du Sous-Commandant Marcos au Chiapas (Mexique) qui doit bien savoir de quoi il parle, déclaration dénichée (p.304) dans « Le livre de ma mémoire » de Danielle Mitterrand publié en 2007 chez Jean-Claude Gawsevitch, éditeur ?

« Les armées doivent servir à défendre et protéger, mais non à gouverner ! »

Est-il besoin d’ajouter que les services de sécurité dans un pays qui aspire « à la démocratie et au développement » doivent encadrer et protéger les manifestations démocratiques, les personnalités politiques et syndicales, leurs familles et leurs biens, sans cesser d’assurer la tranquillité de l’ensemble de leurs concitoyens ?

S’est vraiment produit au Stade du 28 septembre ce qui n’aurait jamais dû s’y produire. Des Guinéennes et des Guinéens, grands amateurs de beau football et assez bons pratiquants, sont tombés sous les balles de la soldatesque d’une certaine armée. Et, pour toujours, il fera désormais penser à un autre Stade, le Stade National de Santiago du Chili, horrible mouroir de patriotes chiliens, suite au coup d’État du sinistre… Général Pinochet, un autre mois de septembre, le 11 plus précisément, en 1973 !…

Extrait de « Dadis en un ? Non, en neuf ! » Article publié sur divers sites Internet au lendemain du massacre de civils à un meeting d’opposants politiques le 28 septembre 2009 au mythique Stade du même nom à Conakry.

[À propos de stade, l’incompétence des officiels guinéens à gérer les manifestations s’y déroulant est plutôt crasse. Eu égard à la tragédie de Nzérékoré où s’est disputée le 1er décembre 2024 la finale d’un tournoi de football en soutien à… Mamadi Doumbouya ! Le stade archi-bondé a été le théâtre d’un violent mouvement de foule après des tirs de gaz lacrymogènes. Le nombre de victimes se serait élevé à 56 morts selon le bilan officiel, bien plus du double, au moins 140, selon les enquêtes des ONG locales.]

Qu’aurais-je eu à écrire encore, qu’aurais-je pu, qu’aurais-je dû écrire depuis la prise du pouvoir par le CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) du général Doumbouya que je n’aurais pas déjà écrit ?  Faire remarquer le R en lieu et place d’un des DD du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement)  de Dadis Camara ou le C, le R et le N partagés avec le CMRN (Comité Militaire de Redressement National) du général défunt Lansana Conté ?…

Convenant néanmoins que la répétition pourrait se révéler pédagogique, j’ai décidé de publier ce rafraîchissement des mémoires. Aidera-t-il à nourrir la réflexion ? Inspirera-t-il les décisions et le chemin à prendre pour dégager de l’ornière, une fois pour toutes, notre très chère Guinée?

Cheick Oumar Kanté