Depuis le coup d’Etat du Général Tiani et la création de l’Alliance des Etats du Sahel, le secteur financier, au Niger, est fortement contrasté. Cette situation se traduit au niveau du secteur bancaire par une crise de liquidité de plus en plus préoccupante.

La Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) a décidé de jouer les pompiers du secteur bancaire nigérien. Lors de sa 145e session ordinaire, tenue le 27 mars 2025 à Dakar, l’institution régionale a alloué 50 milliards de FCFA à la SONIBANK, une banque publique au bord de la banqueroute, pour renforcer sa solvabilité, restaurer ses ratios prudentiels et relancer ses activités de financement de l’économie nationale. Concomitamment, 14,4 milliards de FCFA ont été attribués à COMIREX. SA, à Arlit.

La situation critique de la SONIBANK ne date pas d’hier. Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, les guichets de la SONIBANK connaissent une pénurie financière gravissime. Des files d’attente interminables, des clients exaspérés et des plafonds de retrait drastiques (parfois 50 000 FCFA/jour maximum) sont devenus le quotidien des Nigériens, mettant en difficulté aussi bien les particuliers que les entreprises. Faute de liquidités suffisantes, la banque peine à répondre aux demandes de ses clients, ne respecte plus les normes de solvabilité imposées par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Selon le Fonds monétaire international (FMI), la SONIBANK affiche un capital négatif de près de 80 milliards de FCFA, ce qui représente 0,7% du PIB du pays. Cette banque souffre d’une pénurie considérable de liquidité, d’une incapacité à honorer les retraits de ses clients et du non-respect des normes bancaires de la sous-région. Un sauvetage nécessaire, qui semble néanmoins en contradiction avec la susceptibilité souverainiste des putschistes nigériens.

Cette recapitalisation de la BOAD permettra à la SONIBANK de poursuivre ses activités de prêts, notamment en faveur des PME, des collectivités locales et des exploitants agricoles. Toutefois, cette injection de fonds ne suffira pas à long terme si la banque n’entreprend pas des réformes profondes pour retrouver la confiance des épargnants.

Ce plan de sauvetage met aussi en lumière une contradiction majeure. Alors que le gouvernement nigérien affirme vouloir renforcer la souveraineté économique du pays, le sauvetage de la SONIBANK repose sur des financements étrangers. La BOAD, bien que régionale, compte parmi ses actionnaires des puissances occidentales comme la France, l’Union européenne, l’Allemagne, la Belgique et la Chine, qui ont tous validé cette initiative financière.

Au-delà du cas de la SONIBANK, le secteur bancaire nigérien est dans une situation préoccupante. Actuellement, quatre banques sur quatorze ne respectent plus les critères de solvabilité imposés par la BCEAO. Le ratio des prêts non performants atteint 24%, illustrant une fragilité structurelle du secteur.

L’intervention de la Banque Ouest Africaine de Développement offre un répit, qui ne résout pas, de manière définitive, la problématique de la viabilité du secteur bancaire nigérien. Entre dépendance des bailleurs internationaux, défiance des épargnants et mauvaise gestion interne, le Niger devra impérativement réaménager son système bancaire et financier.

« Si le Niger ne met pas en place des réformes structurelles financières et monétaires fortes et transparentes, ce sauvetage de 50 milliards de FCFA ne pourra être qu’un simple pansement sur une plaie bien plus profonde ». Mis dans le corset de l’AES, pourra-t-il avoir les coudés franches pour entreprendre ces réformes ?

Abraham Kayoko Doré