La Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) vient d’annoncer l’émission d’un nouveau billet de GNF 20 000, série 2024, différent de celui en circulation. Selon son communiqué de presse, ce billet est en circulation depuis le 2 avril. Toujours selon la BCRG, le nouveau billet conserve le même design. Mais il se distingue par des innovations technologiques de dernière génération. Il serait plus durable, plus résistant à un impact environnemental et s’adapterait à une circulation aux automates (notamment les GAB). Inutile de reprendre le reste des spécifications techniques qui relèvent de la compétence des experts de la Banque centrale.
Contrairement à la première introduction du billet de GNF 20 000 de 2015, qui avait souffert d’un déficit de communication, cette fois la BCRG semble avoir mis les bouchées doubles pour informer le grand public afin d’aider chacun à reconnaître et à utiliser ce nouveau billet. Cependant, l’émission de ce nouveau billet comporte un certain nombre d’inconvénients dont, se familiariser et accepter le nouveau billet :
Tout d’abord, il pourrait entrainer un problème de familiarité du public. Néanmoins, ils pourront s’adapter rapidement dans la mesure où ce billet sera en circulation en même temps que l’ancien. Lequel ne sera pas démonétisé, du moins pour l’instant.
Il y a aussi le risque de reconnaissance et d’acceptation de ce billet si la différence entre l’ancien et le nouveau billet est trop marquée. Cela pourrait créer à terme des soucis sur la validité des anciens billets. Si la communication annoncée n’est pas faite dans les règles de l’art, les usagers vont douter de la validité de l’ancien billet, entraînant une réticence à l’accepter comme moyen de paiement.
Du coût de l’émission :
Il est important de rappeler qu’émettre du GNF coûte énormément d’argent à la BCRG et cela, en fonction de la commande. Entre 2010 et 2020, Dr Loucény Nabé, alors Gouverneur de la BCRG, avait annoncé dans une émission télévisée, qu’il était parvenu à négocier la fabrication d’un seul et unique billet et cela quelle que soit la coupure (GNF 100, GNF 500, GNF 2 000, GNF 5 000 etc.) de plus 80 dollars à un peu plus de 60 dollars. A ce jour, le coût de la fabrication du GNF n’est malheureusement pas connu.
Par ailleurs, outre le coût lié au processus d’impression qui reste cher, il y a le coût associé à l’information du public et des institutions financières pour accepter et reconnaître le nouveau billet. Dans le même sillage, le retrait des anciens billets de la circulation comporte des coûts supplémentaires pour collecter, détruire et remplacer les billets usagés dans les conditions normales. Comme on le constate toujours, les billets usés se retrouvent régulièrement dans les coffres des banques primaires. Ces dernières peinent à reverser ces billets hors d’usage à la BCRG. Cela pourrait entraîner des problèmes logistiques, en ce sens que tous les billets obsolètes doivent être retirés et remplacés efficacement. Une mesure qui tarde à être appliquée efficacement.
De l’effet sur l’inflation ou la perception économique :
Selon la théorie de la croissance équilibrée, l’émission des billets de banque doit obéir à l’évolution des fondamentaux de l’économie. Notamment, la production. En terme clair, lorsqu’on fabrique 10 billets qui coûtent chacun 1 franc, la logique voudrait que l’on n’émette que 10 billets. Par contre, il est admis de fabriquer moins de billets par rapport au nombre de biens. Par exemple 5 billets. Cela voudrait dire que chaque billet devrait circuler 2 fois pour pouvoir acheter le nombre de biens. Les économistes parlent ainsi de la vitesse de circulation de la monnaie.
Or, toute émission de billets qui n’est pas en adéquation avec la capacité de production de l’économie, conduit inéluctablement à l’inflation. Comme le disait l’économiste monétariste américain : « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ».
Ainsi, l’introduction de ce nouveau billet pourrait être interprétée par certains économistes comme une tentative de masquer une dépréciation de la monnaie guinéenne ou un signe d’instabilité économique surtout que l’information annoncée dans le communiqué de presse n’intervient qu’après l’émission proprement dite. Même si ce n’est pas le cas, cela pourrait nuire à la perception de la valeur du billet, créant une instabilité sur le marché.
En conclusion, bien qu’émettre un nouveau modèle de billet de GNF 20 000 puisse offrir des avantages en termes de sécurité, de fiabilité et de modernité, cela comporte néanmoins des inconvénients. Notamment la familiarité et l’adaptabilité avec ces nouveaux billets et leur acceptation. Sans compter que les anciens billets ne seront naturellement pas démonétisés à l’immédiat. A ces éléments, s’ajoutent les coûts d’adaptation en termes de communication (cf. Supports annoncés dans le communiqué) et le risque de contrefaçon. Même si cela reste impossible selon la BCRG, il pourrait y avoir des impacts sur l’économie nationale en termes d’inflation. Comme le signalait un observateur averti, toute décision de changer de modèle de billet nécessite une planification minutieuse et une communication efficace.
Safayiou Diallo
Economiste