Lancé le 15 avril, le recensement biométrique électoral patine en Haute-Guinée. Difficultés techniques, réticence des citoyens, falsifications d’extraits de naissance, attaque d’agents recenseurs…, les couacs ne finissent pas. Ulcéré, le ministre Mory Condé menace.
Mory Condé, le ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire chargé de la récupération des domaines spoliés de l’État, séjourne en Haute-Guinée depuis le 26 avril. Sa mission ? Sensibiliser la population de Kankan, Mandiana et Siguiri à se faire enrôler. Le 28 avril, à la Maison des jeunes de Kankan où se sont réunies autorités locales, population et couches socioprofessionnelles, Mory Condé, qui se soucie peu des difficultés techniques que rencontrent les agents recenseurs, brandit des menaces aux réticents au recensement. «Ne faites pas monter un passager dans vos véhicules, s’il n’a pas de récépissé prouvant qu’il s’est recensé. Une manière de les mettre la pression», lance-t-il au syndicat des transporteurs de Kankan. Il prévient qu’une fois bouclé le recensement électoral biométrique, «beaucoup de vos morts pourriront entre vos mains. Si vous ne vous fassiez pas recenser, je jure, vous n’enterrerez pas vos morts dans les cimetières. Peut-être que vous les enterrerez chez vous, et si on prend quelqu’un en train de le faire, il ira en prison. C’est la loi guinéenne qui dit que personne ne doit être enterré sans que la cause de sa mort ne soit connue, sans que les médecins n’émettent un certificat de décès sur le corps.» Il déclare que tout gardien qui accepte un corps sans papier dans un cimetière aura affaire à la loi et tout imam qui prie sur un corps sans savoir les causes de sa mort devra s’expliquer.

Au lieu de sensibiliser, Mory Condé menace en surfant sur les sensibilités. Pourtant, il a été clair la veille. Le 27 avril, lors d’un échange avec les autorités locales, les Forces de défense et de sécurité, le procureur de la République et les agents du PN-RAVEC, Mory Condé a indiqué que sa mission est de rencontrer les citoyens, pour remonter leurs préoccupations au ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation. Aurait-il donc failli à sa mission ?
Le procureur menace
Soryba Conté, le coordonnateur régional du PN-RAVEC, expose ses griefs : «Nous faisons face à des problèmes avec certains kits de recensement : des batteries qui ne se chargent pas correctement, des panneaux solaires défaillants et des équipements défectueux. Cela impacte sérieusement la collecte d’informations sensibles prévues pour cette phase de recensement.»
Face à la falsification des documents et à la délivrance des faux actes de naissance, le Parquet de Kankan sort de ses gonds. Dans un communiqué du 28 avril, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Kankan, Marwane Baldé, a réitéré que la délivrance des actes de naissance reste gratuite. Il a mis en garde tout agent ou acteur de la falsification de documents, de la délivrance de faux actes de naissance. «À cet effet, le procureur de la République engagera des poursuites judiciaires à l’égard de tous les contrevenants à cette décision administrative relative à la gratuité des documents de recensement», indique le communiqué.
Coups de feu à Mandiana
Selon nos confrères d’Avenirgiunee.org, deux agents recenseurs ont été agressés dans le district de Kantédou-Balandou, sous-préfecture de Dialakoro, préfecture de Mandiana. Une vingtaine de gaillards en colère les auraient molestés. Blessés, les agents ont été admis au poste de santé de la localité. « À la suite de cet acte de violence, trois des agresseurs présumés dont le principal instigateur, ont été arrêtés par les Forces de l’ordre ; les autres ont pris la fuite. Cependant, lors de cette interpellation, un groupe de citoyens armés de fusils calibre 12 a ouvert le feu sur des policiers. Sans faire de blessés », écrit le confrère. Une enquête serait en cours, pour mettre aux arrêts les agresseurs.
Yaya Doumbouya