La liberté n’a pas de prix, la tyrannie, si. Elle coûte beaucoup de sang, beaucoup de morts, beaucoup de disparus et surtout beaucoup d’argent ou plutôt puisque nous sommes en Guinée, des millions de tonnes de bauxite.

Sous Mamadi Doumbouya, la production de ce minerai  est passée de 80 000 000 tonnes à 145 000 000, soit un accroissement de 65 000 000 en  trois ans ?  Pourquoi d’après  vous ? A quoi selon vous, le produit colossal de cette vente est-il destiné ? A nos crèches, à nos lycées, à nos hôpitaux, à  nos routes, à nos ponts ? Vous n’y êtes pas ! Ce genre de régime n’utilise que de trois manières, l’argent qu’il vole au peuple : 1/3 pour son enrichissement personnel, 1/3 pour son  arsenal répressif et 1/3 pour remplir les poches des intellectuels véreux et des religieux de peu de foi.

L’arsenal répressif, tout le monde l’a vu le 2 Octobre dernier, lorsque notre Général autoproclamé l’a exhibé pour fêter à sa manière, le 66ème anniversaire de notre Indépendance : des  joujoux ultra-modernes, des joujoux tout neufs pour disperser les foules, matraquer grands et petits ou tuer à bout portant. Le message est clair : « Tenez-vous tranquilles, sinon, on vous zigouille tous,  un à un ! » Et comme chez nous,  les chefs ne lisent jamais, qu’ils apprennent le machiavélisme sans avoir besoin d’ouvrir Le Prince, la corruption va instantanément de pair avec la répression. Là-dessus, pas besoin de  faire un  dessin, les Guinéens sont bien mieux instruits que les autres. Et comme chez nous, le chef est un dieu, un être suprême généreux et éternel qu’il convient de vénérer sous peine de châtiment, nous sommes devenus le peuple le plus démagogue et le plus obséquieux d’Afrique. Mettez un lézard à Sékhoutouréya, et tout le monde viendra se prosterner ! C’est connu, ici, on ne vit que pour chanter les louanges du chef.

Le culte de la personnalité que l’on croyait éteint avec la mort de Sékou Touré prend avec Mamadi Doumbouya des proportions telles que l’on se demande s’il faut en rire ou en pleurer. Pour avoir reçu du putschiste du 5 Septembre qui, une voiture, qui, une villa, qui, un lopin de terre, qui, une  manche de chemise, des artistes, des notables, des hauts fonctionnaires se bousculent à la télé pour le remercier pour « sa clairvoyance, sa grandeur, son extrême générosité ». On a même vu un chanteur renier son père et sa mère pour les beaux yeux du monarque absolu qui nous mène à la trique ! Comme quoi, la bassesse humaine n’a pas de limite.

Le plus ahurissant, c’est que cette cohorte de besogneux est si loin dans l’indignité qu’elle n’a même pas le courage de se demander d’où viennent ces milliards que Mamadi Doumbouya distribue à gauche et à droite comme s’il était le fils aîné de Rockefeller. Je ne connais pas l’origine familiale de ce Monsieur et d’ailleurs, elle ne m’intéresse pas. Je sais en revanche, que comme l’extrême majorité des Guinéens, il n’est pas né, une cuillère en or à la bouche. Il n’a d’autres richesses que celles qui remplissent les caisses de l’Etat. En d’autres termes, les villas et les voitures qu’il distribue si généreusement ne sont rien d’autres que les médicaments de nos enfants, les livres de nos enfants, leurs transports scolaires et leurs cités universitaires. C’est le budget de l’Etat ! C’est avec notre argent à nous tous que cet homme s’achète sa petite tyrannie avec la honteuse complicité des trouillards et des carriéristes.

Mais l’escroquerie ne s’arrête pas là car son volet civique et moral est bien plus volumineux que son volet financier. Ces gens veulent nous faire croire que c’est le peuple qui les soutient. C’est faux. Ce sont des lèche-bottes et des filous qui s’agitent dans la funeste mamaya que nous observons aujourd’hui. Le peuple est ailleurs, tout au fond du trou, lâché par ses élites, laminé par 67 ans de dictatures sanglantes mais qui malgré cela, reste convaincu que le grand jour n’est plus loin.

 Je voudrais à cet égard, adresser un mot à cette faune de despotes et d’opportunistes : « Vous tous, que vous soyez les fauves qui mordent, les chats qui miaulent ou les chenilles qui rampent, je dis bien vous tous, les générations montantes iront cracher sur vos tombes. »

Tierno Monénembo