Lors de l’Africa CEO Forum 2025, tenu du 12 au 13 mai à Abidjan, le Premier ministre, Amadou Oury Bah, a annoncé que toutes les élections conduisant au retour à l’ordre constitutionnel seront organisées d’ici la fin de l’année. Cette nouvelle a dû mettre du baume au cœur de la classe politique et égayer conséquemment le landernau sociopolitique. On comprend que les professionnels de la politique effarouchés par les récentes mesures d’assainissement de l’espace politique ont été amenés à croire à une restriction drastique de leur champ d’action. Que nenni ! Avouons qu’il y avait une hyper inflation de formations prétendument politiques. Beaucoup d’observateurs restent sceptiques sur la capacité de l’État à tenir la gageure d’organiser toutes ses élections dans le délai qu’il s’est imparti. Mais il ne faut pas ignorer que l’administration guinéenne dispose d’une expérience électorale avérée dont elle peut largement tirer profit dorénavant.

Le prologue de ce long processus électoral est l’organisation du référendum constitutionnel prévu au mois d’octobre prochain. Ce référendum annonce le glas de la transition et enclenche la dynamique du retour à l’ordre constitutionnel. La qualité de son organisation, reflétée par la pertinence de ses résultats et le degré d’adhésion populaire, servira de boussole à l’ensemble du processus. C’est pourquoi, une attention particulière doit être prêtée à la résolution des conflits graves ou anodins qu’il peut engendrer. A-t-on le temps suffisant de mettre en place une organisation (hommes, matériels, argents) dont l’efficacité peut venir à bout des obstacles parfois rédhibitoires ?

On nourrit l’espoir que l’expérience guinéenne sera au rendez-vous. Car de l’expérience électorale, la Guinée en a à revendre. Elle en est pétrie pour en avoir empilées au fils des ans, des élections et des organes chargés de leur gestion. Déjà une avancée majeure a été accomplie à travers la décision du gouvernement de choisir le Ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation pour manager les élections. Certes, cette option a suscité une forte réprobation du microcosme politique, mais la pratique n’a-t-elle pas démontré que les élections organisées par les CENI pouvaient être aussi sulfureuses que celles conduites par un département ministériel ? A contrario, on constate qu’au Sénégal l’administration organise avec brio des élections justes, équitables et inclusives. Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, présidents candidats à leur propre succession, ont lourdement chuté et mordu la poussière. Amadou Bah, le dernier Premier ministre de Macky Sall, a subi le même sort.

On peut hasarder que l’identification d’un opérateur sur le marché du travail que la Guinée connaît bien, ne sera pas ardue. Mais avant d’en arriver là, il faut avoir sur le coude, un fichier électoral impeccable, irréprochable sur lequel il n’y a ni mineurs ni doublons. Travail homérique ! Depuis la restauration démocratique en 1992 et le retour des élections qualifiées d’inclusives et d’équitables, on n’est pas encore parvenu à établir un fichier électoral sincère, fiable et pérenne. Ainsi, la qualité du fichier électoral reste décidément le point d’achoppement des négociations entre les protagonistes du processus électoral. Il faut espérer que ce défi sera cette fois-ci relevé pour accroître la crédibilité des élections, tempérer la défiance des populations et éviter d’éventuels troubles préjudiciables à la stabilité sociopolitique.

Abraham Kayoko Doré