Queen Rima, prix Découvertes RFI 2025, fait figure de pionnière sur la scène dancehall guinéenne. Un genre, jusque-là « réservé aux hommes », comme elle aime le rappeler, mais dans lequel elle s’est imposée, convictions féministes aidant. Portrait d’une force tranquille, forgée par la danse et la chorale de sa paroisse, avant son concert à Conakry le 31 mai.

Queen Rima n’a pas commencé par la musique, mais par la danse hip hop. D’abord dans le groupe Top Model, dirigé par son grand frère, chez eux à Wanindara, en banlieue de Conakry. Puis, dans un groupe de danse féminine, Toxaï Girls. « C’est comme ça que j’ai commencé ma carrière artistique. Après le groupe, j’ai décidé de me lancer dans la musique », se rappelle-t-elle, depuis son studio du quartier de Nongo.

D’ailleurs, pourquoi Queen Rima, comme nom de scène ? « Rima, c’est Marie. Et quand j’ai commencé le dancehall, on m’a appelé la Queen. Pourquoi ne pas être la reine de Conakry ? »

C’est bien par la danse qu’elle lance sa carrière. Repérée lors d’un concert, elle est invitée à danser dans des clips des Ivoiriennes Aïcha Koné et Kandet Kanté, son idole. Un tremplin pour se faire une place sur la scène guinéenne et lui permet d’enchaîner les apparitions dans les clips de One Time, Djelykaba Bintou, Singleton et de nombreux autres.

Mais elle veut depuis longtemps allier le chant à la danse : « Un jour, j’ai pris le micro. Je me suis dit : je peux le faire, je peux créer quelque chose sur un beat et créer mes propres styles de danse. C’est comme ça que, petit à petit, je me suis lancée dans la musique aussi. J’ai voulu faire ensemble la musique et la danse. » Le chant, elle le maîtrise déjà : choriste, elle le pratiquait à la messe, dans sa paroisse, et lors des pèlerinages à Boffa, le cœur du catholicisme guinéen.

Pionnière

Le premier succès arrive en 2014 : Singleton et One Time lui offrent un featuring, « Asouayii ». « Ça a cartonné, c’est le son qui m’a fait connaître. » Elle devient la chanteuse pionnière du dancehall en Guinée : « Il n’y avait que des rappeuses en Guinée. Quand j’ai voulu me lancer dans la musique, je me suis dit : ‘Pourquoi ne pas essayer un autre style ?’ » Et elle a choisi le dancehall pour pouvoir l’allier à la danse hip hop.

Pourtant, on l’a dissuadée de se lancer dans ce style. « On me disait que le dancehall, c’est pour les hommes. » Des remarques sexistes qui l’ont encouragée à aller de l’avant : « La musique n’a pas de sexe. Il fallait que je prouve que la femme aussi a sa place dans ce style musical. »

La pionnière Queen Rima a ouvert la voie à une génération de chanteuses dancehall, comme Ada Empress ou Sheba Queen. « C’est une fierté de voir d’autres filles faire du dancehall. Je me dis que j’ai accompli ma mission. J’ai repoussé des limites. »

Ses convictions féministes occupent une grande place dans ses chansons. Elle chante pour les vendeuses qui se lèvent à l’aube pour aller au marché. « Une fois, je suis restée très tard au studio, et quand je rentrais chez moi, je voyais les femmes qui installaient les étalages, au marché de Matoto, sous la pluie. Ça m’a beaucoup marqué. » La chanson « Guinée won-nömanè », en langue soussou, est pour elles, comme pour celles qui travaillent dans les bureaux. Les paroles : « Nous aussi, les femmes, on peut le faire. On peut jouer un rôle important dans le développement de notre pays, ne laissons pas tout aux hommes. » Elle y célèbre aussi des femmes qui l’inspirent, comme la ministre Charlotte Daffé.

Le dancehall de l’Afrique

Son dancehall, Queen Rima l’a fait évoluer vers ce qu’elle appelle le « dancehall fusion à l’afro », en alliant les vibes dancehall aux rythmes traditionnels, avec les balafons, le dum dum, la kora, le tam tam ou le djembé. « Je ne voulais pas faire de la musique dancehall seulement, sans toucher quelque chose qui nous appartient ici en Guinée », explique-t-elle.

Même chose dans la danse. Elle continue le hip hop, mais plus sans y ajouter des pas guinéens, issus des danses traditionnelles comme le Yankadi, le Toupoussèssè ou le Yolé. « J’aime bien mélanger les genres, surtout sur scène. »

La scène, c’était d’ailleurs peut-être sa limite. C’est ce qui lui a coûté le titre en finale en 2022 et 2023 du prix RFI Découvertes, estime-t-elle, avant de l’emporter en 2025. « Il y avait quelque chose qui me manquait. J’ai approché des professionnels. On a travaillé dans tous les domaines : l’accoutrement, la présence, la manière de bouger, tout. » Ces échecs l’ont forgée et l’ont poussée à se dépasser. « Quand j’ai eu le prix RFI. C’était un moment magique pour moi, je me suis dit que j’avais franchi une étape. »

Depuis, les projets s’enchaînent. La tournée du prix Découvertes RFI commence ce samedi 31 mai au Centre culturel franco-guinéen (CCFG) et se poursuivra à Tunis puis en France, de juin à août, où de nombreuses dates sont prévues, entre Paris, Marseille et la Bretagne.

Elle promet un album pour ces prochains mois. Ce sera son premier, après un EP sorti en 2022. De nouveaux thèmes y apparaîtront, une chanson dédiée à son village d’origine, près de Kissidougou, une autre pour sa mère, qui l’a beaucoup soutenue. Et, annonce-t-elle déjà, « il n’y aura pas que du dancehall. Mais je ne peux pas tout dévoiler, c’est une surprise ! »

Par RFI