Située à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Conakry, la préfecture de Coyah fait face à un problème majeur depuis trois ans. Les inondations meurtrières y sont devenues récurrentes. Dans la nuit du lundi 21 à mardi 22 juillet, plusieurs habitants de la commune urbaine se sont réveillés dans les eaux, suite aux fortes pluies. Un bébé est mort noyé et d’importants dégâts matériels ont été enregistrés dans plusieurs quartiers. Face à l’inquiétude grandissante, nous avons rencontré mercredi 23 juillet, le vice-président de la délégation spéciale de Coyah, pour parler du déluge. Abou Kala Camara s’est prononcé sur les causes, mesures en cours pour non seulement limiter les dégâts, mais venir aussi en aide aux victimes. Il a également lancé un appel à la solidarité et à la vigilance à l’endroit de la population de Coyah, en vue d’éviter le pire. L’interview.
La Lance : Décrivez-nous la situation de Coyah, après les inondations du mardi 22 juillet…
Abou Kala Camara : Ces inondations constituent une situation extrêmement inquiétante. Nous vivons un phénomène qui tend à se répéter depuis trois ans dans notre circonscription. La dernière inondation survenue dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 juillet, a fortement impacté la commune urbaine de Coyah. Les quartiers Laminayah, Batouyah, Fily 1, Tougandé, Kilomètre 54, ou encore le quartier Centre ont été particulièrement touchés. La population a subi d’importants dommages matériels. Nous déplorons malheureusement des pertes en vies humaines. Cette répétition du phénomène nous alerte sérieusement, et nous estimons qu’il est temps que tous les acteurs s’unissent, pour y faire face.
Quelles sont, selon vous, les causes principales de ces inondations récurrentes ?
La cause principale, c’est l’ensablement quasi-total du fleuve traversant Coyah. À cela s’ajoute le comportement irresponsable de certaines populations riveraines, qui y jettent leurs ordures. En outre, la construction de la route Coyah-Kindia a engendré un important déversement de terre dans le lit du fleuve, aggravant son ensablement. Il faut aussi citer la mauvaise qualité des travaux d’aménagement réalisés en amont par l’entreprise chinoise. Le pont construit à cet endroit ne prend pas en compte la réalité hydrologique du fleuve ni la sécurité des populations à l’aval. Résultat : l’eau déborde régulièrement à ce niveau et menace même la route nationale. Le préfet est d’ailleurs intervenu récemment pour suspendre les travaux et placer des gardes, afin d’interdire tout travail, en attendant une concertation avec les responsables.
L’occupation anarchique est indexée aussi comme cause aggravante des inondations. Qu’en dîtes-vous ?
Il est vrai qu’il existe, par endroits, des constructions anarchiques qui compliquent la situation. Mais, selon moi, c’est dans une moindre mesure. Ces maisons existent depuis plusieurs décennies, sans avoir connu de telles inondations. Les causes majeures sont l’ensablement du fleuve, les travaux mal exécutés et le manque d’assainissement. Néanmoins, il est vrai que dans certaines zones, des maisons ont été bâties dans des endroits inondables, ce qui doit aussi être corrigé.

Quelles dispositions la commune a-t-elle prises pour faire face à la situation ?
La commune urbaine de Coyah, malgré ses moyens très limités, tend la main à tous les partenaires-entreprises locales et personnes de bonne volonté-pour venir en aide à la population. Par exemple, l’usine de tôle Famari, située à Laminayah, a été complètement inondée. Des véhicules d’un garage ont été emportés par les eaux et entassés contre cette usine. La base vie des Chinois a vu sa cour arrachée, et des habitations ont été totalement détruites. Nous sollicitons donc l’aide de l’État et des partenaires, pour faire face durablement à ce phénomène climatique.
À ce stade, quel est le bilan humain et matériel ?
Il est encore trop tôt pour donner des statistiques précises. Cependant, nous avons enregistré au moins un décès confirmé : un bébé de 102 jours. Le préfet a remis le corps à la famille, pour l’inhumation. Un autre cas de disparition a été évoqué, mais nous ne pouvons le confirmer, faute d’informations suffisantes. Sur le terrain, nous avons mobilisé des équipes de la Croix-Rouge préfectorale, de l’Agence nationale de gestion des urgences et catastrophes humanitaires (ANGUCH), ainsi que des chefs de quartiers pour recenser les sinistrés. Nous remercions également le Conseil national des organisations de la société civile de Guinée (CNOSCG), pour sa présence et son appui. En attendant, des dispositions ont été prises pour reloger provisoirement les personnes ayant perdu leurs habitations, notamment à la Maison des Jeunes de Coyah. L’hôpital de Coyah est également mobilisé pour assurer la prise en charge sanitaire des victimes.
Que s’est-il réellement passé concernant la mort du bébé ? Certaines personnes expriment leur incompréhension.
Oui, c’est un événement tragique et profondément bouleversant. Il s’agit d’un bébé de 102 jours, soit environ trois mois et douze jours. Ce que la mère nous a expliqué, c’est qu’au moment où les eaux ont envahi leur maison, elle a tenté de mettre ses enfants à l’abri. Comme dans beaucoup de familles africaines, elle n’était pas seule ; elle comptait sur l’aide d’un frère ou d’une sœur à qui elle avait confié le bébé, pensant que cela le mettrait en sécurité. Mais la montée soudaine des eaux, leur force et leur rapidité ont surpris tout le monde. La panique s’est installée, la coordination s’est perdue, et malheureusement, l’enfant s’est retrouvé emporté. La mère a même été blessée en tentant de le retrouver, elle souffre de blessures aux membres. C’est une douleur indicible pour elle et pour nous tous. Ce drame montre à quel point la situation était critique, et combien il est urgent de prévenir de tels scénarios. Dieu seul a pu sauver les autres membres de cette famille.
Quel message souhaitez-vous adresser aux populations de Coyah ?
Nous sommes encore au cœur de la saison des pluies. Le pire lié aux inondations n’est peut-être pas encore passé. Nous appelons donc toutes les populations à la plus grande prudence. Il est impératif d’éviter de rester dans les zones connues comme inondables. Il faut également renforcer les comportements responsables : ne pas jeter les ordures dans les canivaux et les cours d’eau, coopérer avec les autorités locales pour toute initiative d’assainissement, et surtout signaler les zones à risque.

Ce qui est arrivé à cette famille pourrait arriver à d’autres, si les précautions nécessaires ne sont pas prises. Nous invitons aussi les familles à prévoir des plans d’évacuation simples, à garder leurs documents et effets importants en hauteur, et à rester informées des bulletins météorologiques. Notre message est un appel à la vigilance, à la solidarité et au sens civique.
Nous, autorités locales, avec les partenaires comme la Croix-Rouge, l’ANGUCH, le CNOSCG et d’autres institutions, nous faisons tout pour apporter de l’aide, mais la prévention commence au niveau de chaque citoyen.
Interview réalisée par
Mariama Dalanda Bah