Le ministre guinéen des Transports et porte-voix du goubernement, Ousmane Gaoual Diallo, était l’invité du Journal Afrique de France24, le 2 juillet. Il s’est exprimé sur les grandes lignes du projet de nouvelle Constitution et s’est dit favorable à une éventuelle candidature du prési de la transition, Mamadi Doum-bouillant.
Le projet de Constitution remis au chef de la junte le 26 juin et lu en intégralité à la télé-bidon nationale le 1er juillet innove: autorisation des candidatures indépendantes à la présidentielle, création d’un Sénat ainsi que d’une Cour spéciale de justice chargée de juger le Président et les membres du gouvernement en cas de haute trahison dans l’exercice de leurs fonctions.
À propos de la future Cour spéciale, Ousmane Gawa a salué « une avancée importante». Pour lui, il est « essentiel d’avoir une juridiction capable de juger les dirigeants, afin d’éviter un vide institutionnel comme par le passé». D’ajouter que «les dirigeants doivent de plus en plus rendre compte de leur gouvernance et une institution spécialisée est nécessaire pour cela ».
Toutefois, l’article 74 du même projet stipule: «Les anciens présidents jouissent d’une immunité civile et pénale pour les actes accomplis dans l’exercice régulier de leur fonction». Une apparente contradiction que le ministre justifie par le besoin de sortir d’une situation d’exception juridique : «Il fallait créer cette Cour, pour traiter les délits commis par les plus hauts responsables du gouvernement», a-t-il affirmé, précisant que les anciens présidents ne seront pas concernés par cette Cour. La juridiction ne pourra s’appliquer qu’après l’adoption de la future ex-nouvelle Constitution. Ousmane Gawa insiste qu’«elle concernera notre gouvernement et notre président, pour l’avenir ». Amen !
Controverse
Un autre poing controversé concerne la durée du mandat présidentiel. L’Avant-projet de mai 2024 évoquait un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois. Le texte présenté le 26 juin dernier étend cette durée à 7 ans, sans reprendre la clause interdisant explicitement à quiconque d’exercer de sa vie plus de deux mandats. Ousmane Gaoual estime cependant que «le mandat de 7 ans renouvelable une seule fois est une garantie suffisante». Il martèle que le «la Constitution qui a été présentée est le fruit d’un travail collectif. Donc, si les parlementaires se sont accordés sur cette formulation, certainement celle-là qui requiert le plus grand consensus possible. Il revient désormais au peuple de trancher».
Disparitions, enlèvements suivis de tortures
Ousmane Gawa a été interrogé sur le silence des autorités autour de l’enlèvement des acteurs de la société civile, les membres du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, enlevés au domicile du premier il y a bientôt un an, (le 9 juillet) ainsi que des disparus Saadou Nimaga, Habib Marouane Camara. Mais aussi sur les cas de l’activiste Abdoul Sacko et de l’avocat Me Mohamed Traoré, enlevé le 21 juin mais libéré après avoir été molesté. Le ministre porte-voix a rejeté les accusations : «Il n’y a pas de silence. Il appartient à l’Exécutif, au Président de la République et à son gouvernement de mobiliser les moyens nécessaires, mettre à disposition de l’appareil judiciaire. Mais une fois que la justice a déclenché une enquête, il ne nous est pas possible de continuer quotidiennement en tant qu’exécutif, de commenter le processus judiciaire en cours. Ce qui est clair, le Premier ministre l’a dit clairement que ces actes ne visent pas que des individus, ils visent la stabilité de notre pays (…) Nous espérons qu’à partir du moment où les enquêtes sont ouvertes, les coupables, les commanditaires seront arrêtés à un moment ou à un autre pour qu’ils soient traduits devant les juridictions.» Il a accusé certains activistes de vouloir discréditer les institutions « à des fins de règlement de comptes », a-t-il botté en touche. Ousmane Gaoual ajoute que « le ministère de la Justice communique au mieux » sur les cas des disparitions. Même que les familles de ces disparus « ont des canaux de communication qui ne soient pas les médias et elles savent parfaitement (…) qu’elles peuvent avoir accès à tout moment aux dossiers concernant ces cas-là. »
Quid de la candidature du Doum-bouillant ?
Le prési Mamadi Doum-bouillant sera-t-il candidat à la future présidentielle bien qu’interdit par la Charte de la transition ? Le ministre Gawa s’est montré favorable : «C’est lui qui décidera. Mais au vu du dynamisme et des actions de développement qu’il a impulsées, beaucoup de Guinéens souhaitent qu’il poursuive son œuvre. En dernier ressort, c’est lui qui décidera. Mais s’il écoutait la volonté populaire qui, de plus en plus grandit, oui, le président Mamadi Doumbouya devrait être un candidat soutenu, car il incarne un espoir et contribue à dépasser plusieurs clivages qui divisent notre société».
Pour rappel, le projet de nouvelle Constitution doit être soumis au référendum prévu le 21 septembre prochain.
Abdoulaye Pellel Bah