Les usagers de ce qui tient lieu de route entre la Ville carrefour et la Cité de Karamoko Alpha continuent de (se faire) rouler dans la boue en cette période d’hivernage. Le gouvernement est plus occupé à faire campagne pour l’adoption du projet de constitution qu’à réagir aux cris de détresse de sa population.

Des « 2 500 km de routes construites en deux ans » de gouvernance du CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement), l’Axe routier Mamou-Labé en serait-il le parent pauvre ? Cette partie de la Route nationale numéro 5 n’est pourtant longue que de quelques 140 km. Les travaux de décapage et de terrassement de l’entreprise Henan Chine n’ont pas eu de suite. Conséquence, les nids d’éléphants et les marécages en cette période des grandes pluies (les nuages de poussière en saison sèche) ont refait surface depuis plus d’un an.

Tout le tronçon est un calvaire, mais l’étape de Boulliwel, à la limite entre les préfectures de Mamou et Dalaba, détient la palme d’or du chaos routier. Les points critiques se situent au niveau de la pente raide en dalle de Boulliwel centre et un peu plus devant, au niveau de la localité dénommée Thiankoun-diaabèrè, pour le voyageur se dirigeant vers la ville de Dalaba.

Ces deux endroits sont infranchissables pour les gros porteurs lorsqu’il pleut, et il pleut sans arrêt ce mois d’août. A cause de la raideur et du glissement au niveau du premier, où le problème est vieux et permanent en toutes saisons. « Nous perdons chaque jour des nœuds de pont, demi-arbres, boîtes et moteurs à cet endroit. Rien que cette année, les transporteurs ont dépensé plus de 150 millions de francs guinéens pour déplacer des bulldozers, des gradeurs afin d’entretenir une piste de déviation. Un de mes chauffeurs y est bloqué depuis avant-hier [16 août] », se plaint un propriétaire de camion, habitué de l’axe Conakry-Pita.

A Thiankoun diaabèrè, les véhicules pataugent dans la boue lorsqu’il pleut. Nulle trace de bitume. La colonne de camions attendant la clémence de la nature pour poursuivre leur route est longue. Ce qui laisse peu d’espaces aux véhicules légers pour se dépatouiller. Si d’aventure un d’eux s’embourbe, comme c’était le cas d’un minibus ce matin du 17 août, le trafic est complètement interrompu. Ainsi, des villes entières se retrouvent coupées du reste du pays, voire de la sous-région pour les voyageurs qui, par exemple, rallient Labé à la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone ou encore le Mali. Sauf si, comme ce fut encore le cas ce jour, un autre camion benne parvient à tirer l’engin du marécage. Car si on commence à apercevoir des grues de la police à Conakry, on n’en voit guère en rase campagne. La seule solution est de se faire remorquer par un véhicule plus gros, ou en meilleur état. En attendant la délivrance, les passagers sont condamnés de rester prisonniers à l’intérieur…sauf s’ils sont prêts à patauger à leur tour dans la boue rouge.

Voilà ainsi résumé l’enfer routier que vivent les Guinéens des régions de Mamou et de Labé, qui peinent à savourer les fruits de la Refondation et les vertus tant vantées du projet de nouvelle Constitution. Le gouvernement devrait repenser sa manière de faire campagne, en privilégiant la construction d’infrastructures de qualité, les actions aux discours creux et démagogiques. Autrement, le bilan élogieux qu’il se dresse et les promesses mirobolantes qu’il annonce, tambour battant, seront toujours contrariés par l’envers du décor sur le terrain.

DLB, de retour de l’enfer