Dans la nuit du mercredi 20 août, une catastrophe naturelle a surpris les citoyens du quartier Kakoulima, secteur Hollande, dans la commune urbaine de Manéah (préfecture de Coyah). Où un glissement de terrain est survenu aux environs de 21h, suites aux fortes averses enregistrées cette nuit. Selon les statistiques actualisées de l’Agence nationale de gestion des urgences et catastrophes humanitaires, 19 personnes ont péri dans les décombres ; 11 blessées transportés d’urgence à l’Hôpital préfectoral de Coyah et environs 17 concessions ont été englouties.
Le drame a suscité de l’émoi. Mais pourquoi ces catastrophes récurrentes ? Joint au téléphone le 22 août, Koundouno Fatoma, spécialiste en géotechnique, analyse les causes possibles du glissement : « Cette situation peut être causée par des phénomènes naturels. Cette année, il y a des pluies abondantes sur Conakry. Le sol est constitué de grains parfois, en fonction de sa nature. Il y a des sols cohésifs qui peuvent perdre leur cohésion à cause de l’abondance des pluies. Les grains se détachent entre eux. Et le poids des constructions sur ces sols-là peut alors provoquer des glissements. » L’action de l’homme sur la nature est pointée du doigt, poursuit le géotechnicien : « Lorsque les gens viennent construire sur les flancs des montagnes, ils découchent les arbres. Or, leurs racines permettent de stabiliser le sol. Quand les arbres sont découchés, cela peut aussi provoquer des glissements. »
Responsabilité collective
L’urbanisation anarchique, avec l’occupation des zones à hauts risques n’est pas en reste. « Pour construire, on doit chercher un permis de construire. L’État, avant de le délivrer, dispose de toutes les données sur les zones constructibles ou non. C’est l’État qui peut autoriser telle personne à construire ou pas. Il se peut que certaines zones soient déjà cartographiées comme zones à risque : où l’on peut assister à des glissements de terrain, ou des inondations. Malheureusement, comme on le dit chez nous, la population est en avance sur l’État. Chacun construit n’importe où », déplore Koundouno Fatoma.
Les risques existent toujours, alerte le spécialiste, car nous sommes dans une période de dérèglement climatique. C’est pourquoi, ajoute -t-il, « le ministère de l’Habitat doit prendre des mesures nécessaires pour sensibiliser la population sur les zones à risque ; expliquer clairement comment ce genre d’éboulement peut se produire ; prendre des mesures pour empêcher les constructions anarchiques, surtout sensibiliser et punir ceux qui enfreignent à la loi. Car la plupart de ceux qui viennent construire ignorent les dangers liés à cela. » A charge pour la population de consulter les services compétents, avant de s’installer.
Présent sur les lieux le lendemain du drame, le Premier ministre, admet une responsabilité collective. « C’est une grande tristesse. Mais je dois dire que nous avons une responsabilité collective. Construire là où l’eau passe, sur d’anciens lits de rivières ou en contrebas des flancs de montagne, c’est une question de responsabilité individuelle et familiale. Une catastrophe doit se prévenir : il faut identifier clairement les zones où l’on peut construire et celles où cela est interdit, et prendre les mesures qui s’imposent. »
Amadéus Oury Bah de pointer « un lourd passif, des années de laisser-aller. » Toutefois, s’est-il empressé d’ajouter, « l’heure n’est pas aux reproches. L’urgence, c’est d’apporter secours et assistance aux familles des victimes. Dans les prochains jours, d’autres mesures suivront. »
« Mesures concrètes à venir »
Le ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire, y est également allé de son commentaire : « Vous-même le constatez, c’est une partie de la montagne qui a cédé sous l’effet de la pluie et qui s’est déversée sur les bâtiments. À l’heure où je parle, nous ne pouvons pas écarter le risque d’autres glissements. »
Mory Con(.)dé s’est par ailleurs voulu rassurant : « Nous prendrons toutes les dispositions pour éviter la répétition de ce qui est arrivé. En ce qui concerne les flancs de montagne, une délimitation des zones habitables a été effectuée par le ministère de l’Environnement, aussi bien à Coyah qu’à Dubréka. Dans les jours à venir, des mesures concrètes seront prises à cet effet. »
Contacté par Le Lynx, Ousmane Lansary Sylla, dirlo préfectoral de l’Habitat de Coyah, a préféré donner sa langue au chat, arguant que « si le ministre [de l’Habitat] a réagi, je n’aurais rien d’autres à dire. »
Le drame a également délié la langue de l’opposition. La Petite Cellule Dalein Diallo de l’Union des forces démocratique de Guinée (UFDG) a adressé ses condoléances aux proches des disparus et évoqué « la nécessité et l’urgence d’une réflexion collective sur la prévention des risques liés à l’urbanisation anarchique et à la fragilité de certaines zones d’habitation, afin d’éviter que de tels drames ne se reproduisent. »
Même message de compassion chez Sid Touré. Le patron de l’Union des forces républicaines (UFR) « encourage l’État à secourir les victimes, protéger les familles et apporter des solutions durables. »
Deux opposants, deux anciens Premiers ministres, comptables du « lourd passif » et accréditant la thèse de la « responsabilité collective » évoqués plus haut par leur successeur Amadéus Oury Bah. On s’émeut, puis on oublie jusqu’au prochain drame.
Mariama Dalanda Bah