Plus le 25 octobre (date du scrutin présidentiel) approche, la tension monte, l’orage menace d’éclater. Les mauvais souvenirs des années 2010 hantent les esprits. Déjà, les signes précurseurs d’une période électorale délétère source d’un scrutin compliqué sont visibles, perceptibles. L’opposition conteste avec véhémence la prétention du Président sortant, Alassane Dramane Ouattara (ADO), de briquer un quatrième mandat.
Aussi elle est vent debout contre la suppression sur la liste électorale des noms de ses leaders Gbagbo Laurent, Tidjane Thiam et Guillaume Soro. Pour évacuer ces deux hics, l’opposition réclame à cor et à cri un dialogue national. Réclamation que rejette le pouvoir. Cela a entrainé un sérieux bras de fer et un début de manifestations de rue et de meeting.
Lors de la marche conjointe des militants du Parti des Peuples Africain de Côte d’Ivoire (de Gbagbo) et du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (Thiam), on a entendu des propos qui évoquent la crise de fin de règne du Président Houphouët-Boigny au début des années 1990. A l’époque, au crépuscule de l’âge et d’un long règne (1945-1993), le Président ivoirien est confronté à une crise socio-économique sans précèdent. Sous la férule du Front Populaire Ivoirien, la première formation politique de Gbagbo Laurent, d’immenses foules d’hommes, de femmes et de jeunes envahissent les rues d’Abidjan en scandant : « Houphouët voleur ! Houphouët voleur ! Houphouët voleur ! ».
Ambiance pré-électorale délétère
A présent, à la veille de l’élection du 25 octobre au cours de laquelle Alassane Ouattara brique un quatrième mandat, les mêmes propos haineux et de lassitude resurgissent, avec encore plus de détermination et de force. Ainsi, lors de la marche conjointe PPACI-PDCI, la foule s’époumonait : « petit Mossi, rentre chez toi ; nous allons installer Gbagbo ! » Pire, sur les réseaux sociaux, on fredonne des aires bellicistes du genre : « ADO voleur ! ADO mythomane ! ADO manipulateur ! »
Ce narratif pré-électoral, dans un pays devenu clivant et qui a connu un conflit post-électoral majeur, donne la chair de poule et fait frémir. Moins retentissante que le concept de « l’Ivoirité », la stratégie de rattrapage n’effiloche pas moins pour autant le tissu social, car elle charrie l’injustice et la frustration qu’elle est censée pourtant sanctionner.
Le Président Alassane Ouattara dont on ne peut contester, en toute bonne foi, le bilan économique et social largement positif, est comptable de cette ambiance délétère pré-électorale. En effet, en s’octroyant deux mandats supplémentaires et en écartant de la compétition électorale du 25 octobre prochain ses principaux challengers, par le recours à des arguties juridiques, il a franchi le Rubicon et tiré de leur profond sommeil les vieux démons de l’ethno-stratégie, de la xénophobie et du désordre.
Le Président ivoirien a commis à la fois deux bourdes politiques fatales. « Qui sème le vent récolte la tempête ». Il faut espérer que la Côte d’Ivoire et Alassane Ouattara échappent à la morale de cet adage.
Abraham Kayoko Doré