Dans une interview accordée à des médias guinéens samedi 16 août, le Premier ministre Amadou Oury Bah s’est exprimé sur la situation sociopolitique du pays. Il a réagi notamment au remaniement du gouvernement, à la crise des liquidités dans les banques, à l’indemnisation des victimes du massacre du 28 septembre 2009 et à l’annonce des manifestations par les Forces vives de Guinée.
Du mini-remaniement du gouvernement
Selon le Premier ministre, le réaménagement du gouvernement est dû à deux facteurs essentiels. D’abord la structuration assez complexe de certains ministères. Citant celui de l’Énergie et de l’Hydraulique où il y a les contraintes, les charges et la pression en permanence sur les questions énergétiques, qui peuvent amener le ministre à baisser le bras ou bien à lever le pied par rapport aux problématiques de l’eau. Or, dit le PM, aussi bien l’eau que l’énergie, ce sont deux préoccupations majeures de la collectivité nationale. Donc, il estime que les séparer permettrait d’avoir une gestion plus directe des deux secteurs porteurs. Même constat au ministère de la Culture, du Tourisme, de l’Hôtellerie et de l’Artisanat. « Ce sont des chantiers extrêmement importants qui entrent dans le socle essentiel de l’organisation et de la modernisation d’un pays et de son économie. Donc, il était nécessaire, pour permettre d’impulser l’action, que cela puisse être séparé. Le ministère de l’Agriculture et l’Élevage qui sont des secteurs très importants et très porteurs. Les deux peuvent constituer des poids lourds, excessivement prenants pour une seule personne. »
Ensuite, le PM pense qu’il faut redonner du souffle au gouvernement, en élargissant les bases sociales et politiques de la gouvernance actuelle. « Comme vous le savez, nous sommes dans une phase où il faut rassembler le plus largement possible. » Il affirme que l’élargissement du gouvernement, c’est prendre en compte du nouveau paradigme, méritant « d’être effectivement pris en charge de manière beaucoup plus proche, pour une plus grande efficacité de l’action, pour leur [ministres] permettre d’avoir des résultats. »
Parlant de Cellou Baldé, transfuse de l’UFDG devenu ministre de la Jeunesse, le Premier ministre déclare que c’est une personne ressource qui apportera du sang neuf au secteur de la jeunesse, qui mérite d’avoir une grande impulsion.
De la crise de liquidité
Parlant de la crise de liquidité qui perdure en Guinée, Bah Oury estime qu’imprimer les billets de banque comme l’avait préconisé le Gouverneur de la banque centrale n’est pas la solution. Il plaide plutôt pour une approche structurelle, capable de restaurer la confiance dans le système bancaire. Selon lui, seule une telle réforme incitera les acteurs économiques à réintégrer leurs fonds dans les circuits officiels, au lieu de les conserver en dehors des banques. « La question n’est pas encore d’imprimer des billets de banque pour permettre de satisfaire la demande. Maintenant, si vous imprimez, vous mettez en circulation une monnaie fiduciaire de plus en plus importante. Mais si les circuits financiers et bancaires ne fonctionnent pas, si nous ne collectons pas ces ressources au niveau des banques pour qu’en termes de ressources, chaque banque puisse avoir de manière suffisante, il va de soi que la crise ne sera pas réglée…A chaque fois, vous serez obligé encore d’imprimer, d’imprimer. Ce n’est pas du tout, à la longue, soutenable », a expliqué le PM avant d’ajouter :« Si de part et d’autre, les opérateurs font un travail de formation et de sensibilisation, vous n’avez pas besoin d’avoir du cash pour faire vos transactions. D’une opération à une autre, vous pouvez passer votre avoir via un transfert, pour régler une opération et ainsi de suite. Donc, sans que le cash puisse être utilisé. C’est une approche nouvelle, elle nécessite une explication et une sensibilisation pour que nos approches traditionnelles, de ce point de vue, évoluent ».
Du dédommagement des victimes du massacre de 2009
Amadou Oury Bah avait témoigné au procès du massacre du 28 septembre 2009 qui s’est achevé en juillet 2024. Le PM s’est félicité de la tenue du procès et du dédommagement des victimes. « On ne pouvait pas penser que le jugement du massacre du 28 septembre 2009 aurait eu lieu. On n’aurait pas pu penser que des victimes auraient pu être dédommagées ».
En tant que victime, il a révélé avoir reçu 200 millions de francs guinéens au titre de dédommagement. Selon lui, un quart du montant est destiné aux églises et aux mosquées, pour prier pour les victimes, un autre quart sera partagé entre deux orphelinats et un autre quart sera dédié à une structure à Macenta.
Haro sur les manifs
Les Forces vives de Guinée projettent une série de manifestations à partir du 5 septembre prochain pour dénoncer la gouvernance actuelle. Pour Bah Oury, parler de manifestations dans le contexte actuel de la Guinée n’a pas tant d’importance. « Cela fait partie de l’actualité, oui, mais l’essentiel est le souhait des Guinéens de vivre dans un environnement stable et constructif, plutôt que dans une situation où il y a des manifestations chaque jour ». Il a mis en garde les éventuels manifestants. « La loi s’applique à tous pour tous ces aspects-là. Si vous manifestez et créez le désordre, il va de soi que les règles de droit s’appliqueront ». Et d’évoquer la condition pour autoriser les manifestations : « Que les gens s’organisent pour exprimer leur point de vue, sensibiliser ou susciter une adhésion massive, en s’intégrant dans un processus normal dans le cadre de la campagne référendaire ».
Mamadou Adama Diallo