Depuis mai 2025, les autorités de Conakry ont retiré des centaines de permis d’exploitation à des entreprises actives dans l’ensemble des secteurs miniers du pays. Si l’État affirme que la préservation des emplois reste une priorité, l’inquiétude grandit parmi les milliers de travailleurs désormais plongés dans l’incertitude.

En Guinée, L’objectif déclaré par la junte au pouvoir est clair : assainir le cadastre minier et maximiser les revenus du secteur pour soutenir le développement national. L’un des cas les plus emblématiques est le retrait du permis d’exploitation de la société émirienne Guinea Alumina Corporation (GAC). Avec ses sous-traitants, GAC employait environ 3 000 personnes, aujourd’hui menacées de perdre leur emploi.

Invité début août sur RFI, le Premier ministre Amadou Oury Bah avait affirmé que les actifs de GAC ainsi que ses employés seraient repris par la nouvelle société publique Nimba Mining Company. « Les autorités avaient dépêché une mission pour nous rassurer, confirme anonymement un des cadres de GAC. Actuellement, à GAC, nous sommes en phase de démobilisation. La plupart des employés a reçu une lettre de licenciement. Ils nous ont promis que les employés seraient prioritaires. Mais ils sont restés prudents, sans avancer de chiffres. Pour l’instant, je reste optimiste. »

Le flou persiste autour de Nimba Mining Company, censée remplacer GAC

Mais le flou autour de ce transfert; d’une entreprise privée à une étatique fraîchement créée, suscite des doutes, notamment chez Mamady Diakité, syndicaliste à la Fédération des mines et carrières de l’Union générale des travailleurs de Guinée. Car, de la nouvelle société de Nimba Mining, il n’existe qu’une page Wikipédia et peu détaillée. « On a déjà vécu ce genre de situation, comme avec la SMB (Société minière de Boké – NDLR). À l’époque, on avait promis aux employés transférés la préservation de tous leurs acquis – ancienneté, salaires, avantages. En réalité, c’est le contraire qui s’est produit. »

Le scepticisme est partagé par le directeur exécutif de l’ONG Actions Mines, Amadou Bah qui souligne le manque de transparence autour de Nimba Mining Company.« On ne sait même pas quel est son véritable agenda. Va-t-elle intégrer l’exploitation et les services externalisés par GAC ? Et quid de la construction d’une raffinerie, qui était l’une des raisons du retrait du permis de GAC ? Pour l’instant, tout cela reste flou. Mais si l’État veut poursuivre l’exploitation au rythme de GAC, il faudra maintenir les effectifs en place. »

Hormis la GAC, le silence de l’État sur les entreprises inquiète

Si les employés de GAC ont reçu quelques assurances, ceux des autres entreprises concernées par les retraits de permis n’ont, pour l’heure, aucune information officielle. C’est le cas par exemple d’Axis Minerals, fondée par l’homme d’affaires australo-suisse Pankaj Oswal, à la tête d’un conglomérat actif en Asie et en Afrique. L’entreprise affirme que le retrait de son permis met en péril environ 5 000 emplois.

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Mamoudou, un nom d’emprunt, est superviseur au sein d’une société sous-traitante d’Axis. Depuis début mai, il est au chômage technique et ne touche qu’un tiers de son salaire. « Cela ne couvre pas mes besoins. Et comme mon salaire est faible, c’est encore plus dur. Beaucoup cherchent déjà à partir, mais partir où ? », s’interroge-t-il, inquiet pour l’avenir.

Autres risques de pertes d’emploi : les petites activités autour des localités où ses entreprises évoluent. Que ce soit Axis Minerals à Boffa, le long de l’océan Atlantique ou la Guinea Alumina Corporation à Boké, au nord-ouest du pays, la somme des personnes qui pourraient être impactées reste conséquente. L’État doit faire appel à des clauses de responsabilité sociale pour faire en sorte que les emplois locaux qui sont créés dans les localités où ces entreprises évoluaient ne soient pas complètement perdus, prévient Amadou Bah, « Si on prend toute la scène salariale, c’est au-delà des 10 000 emplois. Si l’État ne prend pas en compte ce problème, c’est à la paupérisation des localités qu’on va assister. »

Au ministère des Mines, une source bien placée indique qu’un comité d’examen a été mis en place pour traiter plus de 100 recours. Une évaluation est en cours, tant sur la forme que sur le fond. Dans les contestations de retrait de permis reçues, certaines entreprises affirment que la décision de retrait est illégale, tandis que d’autres sollicitent un recours gracieux.« C’est à l’issue de cette vérification qu’on pourra décider de la suite. La priorité de l’État reste la protection des emplois, mais si une entreprise est reconnue comme étant en infraction, l’État ne pourra rien faire. »

Par RFI