Le MUHAT (Ministère de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire) est, de par sa définition, suffisamment compétent pour répondre à l’anarchie dans l’urbanisation en Guinée. Au départ, l’on avait tenté d’adjoindre au MUHAT un appendice dénommé ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine). Une question a été posée dans les mêmes colonnes, en septembre 2022, sur l’opportunité de l’ANRU. Par décence, cette Agence avait fini par ne pas voir le jour, c’est la DATU (Direction de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme) qui est le change. Et le moins que l’on puisse dire, cette DATU n’a pas perdu du temps pour s’illustrer sur un domaine appartenant à un ancien sociétaire du basket guinéen.
Dans les années 2000, Ousmane Diakité avait aménagé un lieu de loisir à Lambanyi, sous les bois et fait pousser des bambous dans une ronde de ciment. Lors d’une causerie, on lui avait fait la remarque sur la vivacité et l’expansion rapide pouvant déborder son espace. Son domaine était clôturé par un mur suivant des routes de quartier bitumées, avec des canalisations tout autour. L’endroit semblait loti et assaini.
Les populations qui ont aménagé après, ont porté plainte contre le domaine trouvé sur place, qui aurait obstrué le passage de l’eau et provoqué des inondations dans le secteur. Une question se pose : entre le premier installé dans la légalité et le nouveau venu, qui est responsable du sinistre ? La DATU ne s’est pas embarrassée de tels scrupules, elle a procédé à des démolitions pour complaire aux plaignants. La DATU est seule juge de son action. Des témoins disent que Diakité a clamé qu’il est en règle, disposant de tous les papiers. Tant qu’il y a le droit, il y a la justice …
Célérité à géométrie variable
Ce qui intrigue, c’est la célérité avec laquelle la DATU a bondi sur l’affaire en 2025, alors qu’une plainte dort dans les tiroirs de l’Inspection générale du MUHAT depuis 2022. Plainte pour spoliation d’un voisin du domaine d’un autre, en vue d’y construire un immeuble à étage hors-norme sur les deux murs de clôture. De quoi obstruer le jour et l’air de la concession spoliée. L’impunité aidant, le même prédateur a construit des boutiques dans la rue, à l’emplacement du caniveau du quartier, bloquant l’eau de ruissèlement qui envahit vingt concessions.
Une bagarre a failli éclater, le Commissariat central de Sonfonia a déplacé des équipes de policiers pour constater les faits sur place. Le plaignant n’avait pas raison à vue d’œil. Non content du jugement, l’envahisseur a jeté du feu sur un tissu en nylon sur la toiture des annexes de la victime. N’eût été un voisin qui avait vu la fumée et qui est monté éteindre le feu, les tôles allaient s’enflammer. Une plainte a été déposée à la gendarmerie de l’habitat de Matam. Les gendarmes qui ont accompagné la plainte ont dit qu’il est en voyage, alors qu’il s’était enfermé. Si le problème n’a pas été résolu, c’est que le plaignant était tellement mal en point, qu’il n’a pas relancé l’affaire depuis.
Après les pluies torrentielles qui ont provoqué des dégâts un peu partout à Conakry, les responsables du quartier Yattaya-Plateau sont venus s’enquérir de la situation. Faute de caniveaux, l’eau est retournée dans toutes les concessions. La pluie du 19 août n’a épargné personne.
Laissés pour compte
Le ministre de l’Urbanisme, Mory Condé, qui reconnait et partage tout ce qui est dénoncé dans la presse, dit qu’il faut du temps. Mais les inondations n’attendent pas. Les populations du secteur Prince n’ont besoin que de la délimitation du tracé du caniveau par les services compétents, puisqu’il y a des boutiques en pleine rue, et les populations ne peuvent se faire justice en s’attaquant aux biens d’autruit. Et cela dure depuis septembre 2022. C’est frustrant de se voir laissé pour compte dans une telle affaire, comme si la justice et l’urgence ne sont pas pour les habitants du secteur Prince de Yattayah-Plateau.
Le litige de l’étage sur des murs de clôture, un danger, cela peut attendre tant qu’il n’y a pas accident. Ce problème est si flagrant et si criant que dans n’importe quel pays de droit, quel que soit le temps, il finira par trouver la solution. Mais il est souhaitable et préférable que ce soit avec le CNRD, même si certains de ses ministres ne le voient pas de cet œil. Ces ministres ne doivent pas donner l’impression aux citoyens qu’il y a des privilégiés et des laissés pour compte dans cette Refondation.
Moïse Sidibé